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973. (1907) Propos littéraires. Quatrième série

Un homme ordinaire est un être qui ne vit pas assez longtemps pour devenir fou. […] C’est la proportion ordinaire. […] Les ordinaires chercheurs d’antécédents songent toujours un peu à diminuer la nouvelle découverte ; M.  […] La première brochure est de 10 pages de nos volumes ordinaires, la seconde de 13, la troisième de 16, la quatrième de 17 et la dernière de 8. […] Voilà toute son histoire ; car le reste rentre dans l’ordinaire des choses historiques.

974. (1910) Propos littéraires. Cinquième série

Sur quelques seigneurs qui suivaient sa fortune, pour une raison ou pour une autre, peu sûrs ; sur le peuple, très papalin d’ordinaire, mais qui était corps inconsistant et qu’il fallait acheter et racheter sans cesse. […] Les testateurs ont des airs d’électeurs démagogues, encore que, d’ordinaire, ils le soient peu. […] D’ordinaire, par l’influence de la paix acquise, que l’on croit assurée, que l’on croit éternelle. […] Telles sont les raisons les plus ordinaires de la décadence des peuples. […] C’est que ce journal n’était point un journal ordinaire, et sa création avait été une nouveauté.

975. (1862) Notices des œuvres de Shakespeare

Duffe étant venu peu de temps après à Fores, la veille de son départ, lorsqu’il se fut couché après avoir prié Dieu beaucoup plus tard qu’à l’ordinaire, Donwald et sa femme se mirent à table avec les deux chambellans, dont ils avaient préparé avec soin « l’arrière-souper ou collation », et les enivrèrent si bien qu’ils les firent tomber dans un sommeil léthargique. […] Cette pièce est une des plus simples de Shakspeare : contre son ordinaire, le poëte est sérieusement occupé de son sujet jusqu’au dernier acte ; et, fidèle à l’unité de son plan, il ne se permet aucune excursion qui nous en éloigne. […] Shakspeare a mis cette nouvelle sur la scène avec sa négligence ordinaire, car le déguisement de Viola, amoureuse du duc qu’elle ne connaît point, n’est pas aussi bien motivé que celui de la Nicuola de Bandello. […] La pièce de Rowley fut réimprimée en 1611 avec le nom de Shakspeare, artifice assez ordinaire aux libraires et aux éditeurs du temps. […] L’emprisonnement du roi Jean n’est pas non plus préparé avec le soin que met d’ordinaire Shakspeare à fonder et à justifier la moindre circonstance de son drame : rien n’indique ce qui a pu porter le moine à une action aussi désespérée, puisqu’en ce moment Jean était réconcilié avec Rome.

976. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (3e partie) » pp. 249-336

Il les engagea fort à se tenir en garde contre la cavalerie prussienne, et à la recevoir en carré avec leur fermeté ordinaire. […] On voyait, étendus sur la terre et en nombre plus qu’ordinaire, une quantité d’officiers prussiens qui avaient noblement payé de leur vie leurs folles passions. […] Napoléon se hâte alors, comme à son ordinaire, de saisir dans un traité les fruits de la campagne au moment où il était impuissant à la poursuivre plus avant.

977. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCIXe entretien. Benvenuto Cellini (1re partie) » pp. 153-232

J’eus bientôt sa réponse : “Mon cher fils, me disait-il, l’amour que je te porte est si grand qu’il me semble avoir perdu la lumière depuis que je ne te vois plus, et que je ne puis te donner mes instructions ordinaires ; mais mon honneur, qui est ce que j’ai de plus cher au monde, m’empêche de me rendre auprès de toi.” […] « Ils racontèrent à Monseigneur tout ce qui s’était passé ; et celui-ci leur répondit avec son arrogance ordinaire, qu’ils avaient mal fait de se porter à cet excès ; mais que, puisqu’ils avaient commencé, ils auraient dû finir. […] Une nuit que je dormais profondément, contre mon ordinaire, un homme qui, sous la qualité d’orfèvre, était venu souvent dans ma boutique, et la trouvait richement garnie, vint pour me voler ; mon chien se jetait sur lui ; mais il se défendait avec son épée, de sorte que cet animal courait çà et là dans toute la maison, entrait dans les chambres de mes garçons, qui étaient ouvertes à cause de la grande chaleur ; et, voyant que ses aboiements ne les réveillaient pas, il leur arrachait les couvertures de leur lit, leur tirait les bras aux uns et aux autres ; et, par les cris épouvantables qu’il faisait, et marchant devant eux, il leur montrait ce qu’ils avaient à faire ; mais ils ne voulaient pas le suivre, et, pour le faire taire, lui jetaient des bâtons dans les jambes ; car ma boutique était toujours éclairée pendant la nuit.

978. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIVe entretien. Épopée. Homère. — L’Odyssée » pp. 445-524

Ce miroir, c’était un de ces livres dont elle faisait sa lecture ordinaire pendant que nous courions dans les prés ou dans les bois, car tous les livres au fond ne sont que des miroirs : celui qui ne sait pas lire ne voit qu’un monde ; celui qui sait lire en voit deux. […] Ce sont ces réflexions, que je n’ai faites que plus tard, qui m’ont appris comment cette femme, dont l’imagination n’était qu’ordinaire et dont l’instruction ne dépassait pas celle de son sexe, était cependant si supérieure par l’inspiration et par la grandeur d’âme. […] Le génie sait voir les choses les plus communes sous un aspect qui ne frappe pas les hommes ordinaires, et c’est cet aspect qu’on appelle poésie. » Elle poursuivit sa lecture sans s’interrompre jusqu’au passage où Ménélas raconte à ses hôtes ses propres voyages.

979. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre V : Lois de la variabilité »

À l’égard seulement des insectes qu’elles présentent, Schiœdte affirme « que ce phénomène ne saurait être considéré autrement que comme purement local ; et que la ressemblance qu’on trouve entre quelques-unes des espèces de la caverne du Mammouth dans le Kentucky et quelques-unes de celles qui vivent dans les cavernes de la Carniole n’est que la simple conséquence de l’analogie générale qui existe entre la faune d’Europe et celle de l’Amérique du Nord. » À mon point de vue, il faut supposer que des animaux appartenant à la faune américaine, et doués d’une faculté visuelle ordinaire, ont émigré lentement et par générations successives du monde extérieur dans les profondeurs de plus en plus obscures des cavernes du Kentucky, comme firent, dans celles d’Europe, des animaux appartenant à la faune européenne. […] Ainsi, des animaux, présentant à peu de chose près les caractères ordinaires, préparent la transition entre le domaine de la lumière et celui des ténèbres ; des espèces adaptées aux lueurs crépusculaires viennent ensuite ; et, les derniers de tous, apparaissent ceux qui peuvent supporter une obscurité complète, et dont l’organisation offre des caractères tout particuliers. » Les remarques de Schiœdte s’appliquent, bien entendu, non pas à une seule et même espèce, mais à des espèces considérées comme distinctes. […] D’après l’hypothèse ordinaire de la création indépendante de chaque espèce, il nous faudrait attribuer le renflement de la tige de ces trois plantes, non plus à la vera causa d’une communauté d’origine, et à la tendance à varier de la même manière qui doit en être la conséquence, mais à trois actes de création distincts, quoique très connexes.

980. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 13, qu’il est probable que les causes physiques ont aussi leur part aux progrès surprenans des arts et des lettres » pp. 145-236

Ne sçauroit-on croire donc qu’il est des temps où dans le même païs, les hommes naissent avec plus d’esprit que dans les temps ordinaires ? […] Il semble que les grands hommes en tout mérite, et qui, selon le sentiment ordinaire, auroient dû être distribuez dans plusieurs siecles, attendissent le pontificat de Jules II pour paroître. […] Telles sont les guerres des turcs et des chrétiens où le peuple entier court encore de plus grands dangers que ceux où les soldats sont exposez dans les guerres ordinaires.

981. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre I. De l’intensité des états psychologiques »

De l’intensité des états psychologiques On admet d’ordinaire que les états de conscience, sensations, sentiments, passions, efforts, sont susceptibles de croître et de diminuer ; quelques-uns assurent même qu’une sensation peut être dite deux, trois, quatre fois plus intense qu’une autre sensation de même nature. […] Nous éprouvons quelque chose d’analogue dans certains rêves, ou nous n’imaginons rien que de très ordinaire, et au travers desquels résonne pourtant je ne sais quelle note originale. […] Mais on pourrait se demander si le plaisir et la douleur, au lieu d’exprimer seulement ce qui vient de se passer ou ce qui se passe dans l’organisme, comme on le croit d’ordinaire, n’indiqueraient pas aussi ce qui va s’y produire, ce qui tend à s’y passer.

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