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285. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « M. Denne-Baron. » pp. 380-388

Il est vrai que dans ce début le poète semble moins occupé de la fuite et de la rapidité du sentiment que de la fragilité même de la beauté ; il pense à des attraits positifs, à une forme, à un visage, à ce que la poésie du Midi, celle de Rome et de la Grèce a surtout considéré. […] On noterait encore de ces strophes qu’on aime à retenir, dans l’ode adressée par Denne-Baron Aux Mânes d’Octavie Devéria, sœur des célèbres peintres ; cette jeune femme, morte peu après le mariage, dans tout l’éclat de la beauté et entourée du charme des arts, a bien inspiré le poète ami : Des chœurs de l’Hyménée à peine tu déposesq, Ta chevelure encor sent l’haleine des roses Dont il te couronna comme un ciel du matin… Properce occupa de bonne heure M. 

286. (1874) Premiers lundis. Tome I « Diderot : Mémoires, correspondance et ouvrages inédits — II »

Il y a toujours sans doute beaucoup de tendresse et de douce intimité dans les lettres du philosophe à sa maîtresse ; mais la passion éclatante, épurée, et par moments sublime, a disparu dans une causerie plus molle, plus patiente, plus désintéressée ; les nouvelles, les anecdotes, les conversations sur toutes choses, s’y trouvent comme auparavant ; une analyse ingénieuse et profonde du cœur y saisit toujours et y amuse ; mais la verve de l’esprit supplée fréquemment à la flamme attiédie de la passion ; un gracieux commérage, si l’on peut parler ainsi, occupe et remplit les heures de l’absence ; on s’aime, on se le dit encore, on ne sera jamais las de se le dire ; mais par malheur les cinquante ans sont là qui avertissent désagréablement le lecteur et le désenchantent sur le compte des amants ; les amants eux-mêmes ne peuvent oublier ces fâcheux cinquante ans qui leur font l’absence moins douloureuse, la fidélité moins méritoire, et qui introduisent forcément dans l’expression de leurs sentiments les plus délicats, je ne sais quelle préoccupation sensuelle qui les ramène à la terre et les arrache aux divines extases de l’âme où s’égare et plane en toute confiance la prodigue jeunesse. […] Mais Diderot, dans ce volume, n’est pas tellement occupé d’anecdotes et d’analyses piquantes, qu’il ne trouve encore, chemin faisant, d’occasions pour le sublime.

287. (1884) L’art de la mise en scène. Essai d’esthétique théâtrale

Occupons-nous d’abord du milieu théâtral. […] Nous y reviendrons au surplus dans la suite, quand nous nous occuperons plus particulièrement de la mise en scène des personnages de théâtre. […] Au deuxième acte du Misanthrope, dans la scène des portraits, Célimène occupe le centre optique ; mais au dénouement, au cinquième acte, c’est Alceste qui prend cette place, tandis que Célimène est à gauche, correspondant au groupe de Philinte et d’Eliante qui occupe la droite. […] Elle entre dans le rythme scénique et concourt à la composition du tableau dont presque toujours elle occupe les derniers plans. […] Si le metteur en scène se préoccupe à juste titre des places relatives que doivent occuper individuellement les personnages du drame, il a aussi à s’occuper de grouper la figuration, de la diviser en parties harmoniques, de telle sorte qu’elle produise un effet général où s’efface toute individualité.

288. (1896) Écrivains étrangers. Première série

En 1851, il revint à Brooklyn, s’occupa de bâtir et de vendre des maisons. […] Le jésuite se croyait désormais sûr d’Inglesant, et avait même cessé de s’occuper de lui, lorsque survint un hasard qui faillit tout compromettre. […] Depuis le moment où il a paru, journaux et revues n’ont cessé de s’en occuper ; déjà M.  […] Il s’installe à Saint-Pétersbourg, et tout de suite il s’occupe de découvrir et de protéger de jeunes écrivains. […] On sent passer sur la scène un souffle de fatalité tragique, et l’impression de terreur qu’on éprouve occupe seule l’âme tout ; entière.

289. (1862) Notices des œuvres de Shakespeare

César seul occupe l’avant-scène ; l’horreur de son pouvoir, le besoin de s’en délivrer remplissent toute la première moitié du drame ; l’autre moitié est consacrée au souvenir et aux suites de sa mort. […] Mais l’intrigue occupe constamment la curiosité, on doit y admirer une foule de pensées poétiquement exprimées, et plusieurs scènes excellentes. […] Quoi qu’il en soit, jamais Shakspeare ne s’est moins occupé de l’effet théâtral que dans cette pièce. […] Les lacunes que laisse cette situation sont du moins si heureusement remplies qu’on ne s’aperçoit d’aucun vide, tant l’âme est doucement occupée des sentiments qui en naissent naturellement. […] C’est bien le même homme, il serait impossible de le méconnaître ; mais encore vieilli, encore plus enfoncé dans ses goûts matériels, uniquement occupé de satisfaire aux besoins de sa gloutonnerie.

290. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VII. Les poëtes. » pp. 172-231

Il n’est jamais franc, il est toujours occupé d’un rôle ; il contrefait l’homme dégoûté, le grand artiste indifférent, contempteur des grands, des rois, de la poésie elle-même. […] Un jour Richardson le trouve occupé à lire un pamphlet que Cibber avait fait contre lui : « Ces choses-là, dit Pope, font mon divertissement » ; et pendant qu’il lit, on voit ses traits contractés par la violence de son angoisse. « Dieu me préserve, dit Richardson, d’un divertissement pareil à celui-là. » En somme, son grand ressort est la vanité littéraire ; il veut être admiré, rien de plus ; sa vie est celle d’une coquette qui s’étudie à la glace, se farde, minaude, accroche des compliments, et cependant déclare que les compliments l’ennuient, que le fard salit et qu’elle a horreur des minauderies. […] Il représente bien, on le comprend sans difficulté, il est dépourvu d’efficacité, il est l’œuvre de la froide raison raisonnante, et laisse fort tranquilles les gens qui s’occupent de lui ; à tous ces titres il est parent de l’alexandrin. […] Tantôt l’antithèse est comprise dans un seul vers, tantôt elle en occupe deux ; tantôt elle est dans les substantifs, tantôt dans les adjectifs et dans les verbes ; tantôt elle n’est que dans les idées, tantôt elle pénètre jusque dans le son et la position des mots. […] Ce sont presque tous des gens sérieux, spiritualistes, passionnés pour les idées nobles, ayant des aspirations ou des convictions chrétiennes, occupés à méditer sur l’homme, enclins à la mélancolie, aux descriptions, aux invocations, amateurs de l’abstraction et de l’allégorie, et qui, pour atteindre la grandeur, montent volontiers sur des échasses.

291. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre premier. Les caractères généraux et les idées générales. » pp. 249-295

Telle espèce d’animaux, celle des mégalosauriens, a péri, après avoir occupé une période géologique, et le genre auquel elle appartient subsiste encore dans d’autres espèces qui sont nées depuis ou qui ont survécu ; mais les caractères du genre ne sont qu’un fragment de ceux de l’espèce, et le genre qui survit dans les sauriens modernes ne présente qu’une portion des caractères de l’espèce qui a disparu. — Partout la règle est la même. […] Mais, si on l’écrit pour les yeux, elle occupe une ligne et demie et exige cinquante-cinq caractères ; c’est beaucoup, et, à cet égard, on peut l’améliorer. — Aux noms écrits, on substitue des caractères plus simples, qui, au lieu de remplacer directement les noms de nombre et indirectement les nombres, remplacent directement les nombres. […] Bien mieux, par une réduction plus profonde, il se trouve que le point et le mouvement suffisent pour reconstituer les deux autres sortes de limites que nous avons nommées la ligne et la surface, et, en outre, ce corps solide duquel nous avons tiré, avec les idées de surface et de ligne, celles de point et de mouvement. — En effet, supposez un point, c’est-à-dire la limite d’une ligne, et admettez qu’il se meuve ; la série continue des positions qu’il occupe fait une ligne. Admettez que cette ligne se meuve ; la série continue des positions qu’elle occupe fait une surface. Admettez que cette surface se meuve ; la série continue des positions qu’elle occupe fait un corps solide, au moins au point de vue géométrique.

292. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre (2e partie) » pp. 5-80

emblème éclatant fait pour occuper l’esprit bien plus que l’oreille. […] Croyez-vous que l’examen d’une question intéressante n’occupât pas le temps d’un repas d’une manière plus utile et plus agréable même que les discours légers ou répréhensibles qui animent les nôtres ? […] Tous les êtres sont tranquilles à la place qu’ils occupent. […] Une force à la fois cachée et palpable se montre continuellement occupée à mettre à découvert le principe de la vie par des moyens violents. […] Votre Rome, occupée par une armée de compression, tremble de la voir remplacer par une armée de révolution.

293. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIVe entretien. Cicéron (3e partie) » pp. 257-336

Tout jeune que j’étais, je la cultivais beaucoup, et même, quand il y paraissait le moins, je m’en occupais plus que jamais. […] Nous étions le plus souvent ensemble, occupés surtout à rechercher par quels moyens on pourrait ramener dans l’État la paix et la concorde. César était mort, et de tous côtés il nous semblait voir les semences de dissensions nouvelles ; nous pensions qu’on devait se hâter de les étouffer, et ces graves soucis occupaient à eux seuls presque tous nos entretiens. […] « Il vit Homère, en songe sans doute, parce qu’il était sans cesse occupé de ce grand poète. […] Tu vois quels imperceptibles espaces ils occupent sur le globe terrestre, et quelles vastes solitudes séparent ces quelques taches que forment les points habités.

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