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451. (1878) La poésie scientifique au XIXe siècle. Revue des deux mondes pp. 511-537

La loi de l’attraction, si grande dans ses applications, si simple dans la formule mathématique qui l’énonce, ne fournirait au plus habile artiste de vers que la matière d’un jeu puérilement laborieux de style, l’occasion d’un tour de force, une sorte de charade poétique. — En ce sens, et s’il ne s’agissait que de cela, M.  […] Chaque loi trouvée n’est pour lui que l’occasion d’une nouvelle recherche à faire ; il n’a jamais accompli son œuvre, il ne peut même en jouir longtemps : à chaque pas qu’il fait dans l’inconnu, un nouvel horizon s’ouvre plus vaste et plus lointain. […] D’autre part, ce sont toutes ces théories, bien jeunes encore, bien peu assurées de leur avenir, mais enivrées de leurs premiers succès, enhardies à tout renouveler et, en attendant, à tout détruire, poursuivant à travers les ruines du passé un idéal inconnu, sans lequel l’humanité, dépouillée de l’ancien, ne pourrait subsister ni vivre une heure, s’avançant avec une intrépidité que rien n’arrête dans toutes les régions de la pensée, et soulevant autour d’elles des enthousiasmes et des colères également sans justice et sans mesure. — Enfin, entre les vieux dogmes que l’on prétend renverser et l’idéal nouveau que l’on n’aperçoit pas encore, il y a pour beaucoup d’âmes un état de crise vraiment pathétique dont un poète contemporain a su tirer un brillant parti pour son inspiration et l’occasion d’un grand succès, montrant par son exemple que la rénovation de la poésie est possible, à quelles conditions de talent, à quel prix de passion et de science3. […] Je jette en passant cette réflexion, que nous aurons plus tard l’occasion de reprendre et d’appliquer dans l’examen du poème de La Justice.

452. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre I. Du comique en général »

Il faudra qu’elle tire de son propre fonds, par une opération naturelle, l’occasion sans cesse renouvelée de se manifester extérieurement. […] Le comique s’installera cette fois dans la personne même : c’est la personne qui lui fournira tout, matière et forme, cause et occasion. […] vous avez les inadaptations profondes à la vie sociale, sources de misère, parfois occasions de crime. […] Le côté cérémonieux de la vie sociale devra donc renfermer un comique latent, lequel n’attendra qu’une occasion pour éclater au grand jour.

453. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « M. Boissonade. »

L’ayant rencontré dans une maison tierce, il lui demanda la permission de les lui porter : « Non, non, lui répondit sir Charles, je ne reçois personne chez moi, et quand vous voudrez me voir, vous me trouverez tous les jours ici de deux à quatre heures ; mais, ajouta-t-il, si je ne puis vous recevoir, je vous serai utile d’une autre manière, en vous faisant connaître le terrain sur lequel vous vous trouvez. » Et sur ce, il passa en revue avec son interlocuteur tous les botanistes anglais, lui peignant le caractère de chacun avec une exactitude que celui-ci eut bientôt l’occasion de vérifier, lui indiquant les moyens d’être bien reçu de tous et de n’en choquer aucun. […] Il se piquait de connaissances botaniques et ne craignait même pas d’en faire montre, à l’occasion, dans son cours. […] Le grammairien délicat distingue en ceci entre la langue française et la langue latine ; s’il avait su le grec, il aurait eu là une occasion d’en faire un rapprochement avec le français, et de voir entre les deux langues une conformité de plus, en sautant par-dessus le latin : « Ce n’est point, dit Vaugelas, une chose vicieuse, en notre langue qui abonde en monosyllabes, d’en mettre plusieurs de suite.

454. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure »

Mais les épigrammes assassines pourront faire excuser le fait. » Et quelques jours après, à l’occasion d’une épigramme maligne qui courait contre Fontenelle : « C’est pis que des coups de bâton. […] Il n’apporte d’ailleurs, dans cette agréable recherche, aucun engouement aveugle ; « Vous trouvez avec raison, écrit-il au président Bouhier (à l’occasion d’une édition nouvelle et plus complète du bonhomme), que notre ami La Fontaine a fait bien de mauvaises choses dans sa jeunesse. […] On en est quitte envers la plus haute naissance pour les respects qui lui sont dus ; mais la beauté et les grâces qui se joignent à cette naissance ont des droits encore plus puissants, et principalement les grâces d’une si grande jeunesse qu’on ne peut guère les accuser d’aucun dessein de plaire, quoique ce dessein même fût une faveur. » Puis, comme il ne faut pas seulement persévérer dans les agréables défauts que vos ennemis vous reprochent, il fit peu après, et dès que l’occasion s’en offrit, son Éloge de Newton qu’il lut à l’Académie des Sciences, et se vengea ainsi noblement et avec sérénité, en mettant dans le plus beau jour le côté supérieur de son esprit.

455. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de la Mennais (suite et fin.)  »

Envoie-moi aussi par la même occasion mes vieilles soutanes, si elles existent encore, mes surplis et l’aube qu’on avait faite pour moi. […] Il écrivait, le 27 décembre 1817, à l’occasion d’une brochure de Chateaubriand : « Cet homme a un grand talent, mais son esprit a peu de racine, et c’est ce qui fait que sa gloire séchera promptement. […] Béranger (c’était là son faible) ne perdait aucune occasion de se donner le beau rôle, le rôle du sage, et il passait même toutes les limites du sans-gêne lorsque, rentrant chez lui après une visite à La Mennais, il disait à qui voulait l’entendre : « Je viens de voir ce vieux grigou… » On aurait du reste à citer de pareils propos de Béranger sur tous ses amis, Thiers, Mignet, Cousin, etc.

456. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE BALZAC (La Recherche de l’Absolu.) » pp. 327-357

Mais, bien que l’économie des moyens doive compter, l’essentiel après tout, c’est d’arriver à un résultat, et M. de Balzac en mainte occasion est et demeure victorieux. […] Le dernier roman de M. de Balzac nous a fourni l’occasion de lire une brochure dont le sujet est le même, mais qui contient une histoire vraie et bien récente. […] Je le lui ai peut-être moi-même rendu à l’occasion.

457. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires sur la mort de Louis XV »

Il n’en était pas de même du vil parti qui la soutenait : accoutumé aux menées sourdes, à des intrigues basses et enveloppées, il était déterminé à les employer dans une occasion réellement intéressante. […] Les conseils des courtisans leur firent en cette occasion un grand effet ; ils renoncèrent à reparler de cette saignée. […] L……289, premier valet de chambre du roi, livré, comme M. d’Aumont, à Mme Dubarry, joignait sa bassesse à la sienne, pour la servir quand il le pouvait, et avait fait à cet égard de grands projets pour cette occasion.

458. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis »

Voici les circonstances de cet événement, telles qu’il les a rapportées lui-même : « Une jeune dame douée de grandes qualités personnelles et d’une extrême beauté mourut à Florence : comme elle avait été l’objet de l’amour et de l’admiration générale, elle fut universellement regrettée ; et cela n’était pas étonnant, puisque, indépendamment de sa beauté, ses manières étaient si engageantes, que chacun de ceux qui avaient eu occasion de la connaître se flattait d’avoir la première place dans son affection. […] À en juger par les sonnets qu’il fit à cette occasion, il éprouva tous les degrés et toutes les vicissitudes de l’amour : il triomphe, il se désespère ; il brûle, et la crainte le glace ; il célèbre avec ravissement des jouissances ineffables, trop grandes, trop au-dessus d’un simple mortel, et il ne saurait s’empêcher d’applaudir à cette vertu sévère que ses plus ardentes sollicitations ne peuvent ébranler. […] Cela lui donne occasion de développer les dogmes philosophiques de Platon ; et après avoir soigneusement examiné la valeur réelle de tous les biens d’un ordre inférieur, de tous les avantages purement matériels et temporels, il conclut que ce n’est ni dans la condition brillante et élevée de l’un, ni dans l’état humble et obscur de l’autre, qu’il faut chercher le véritable et solide bonheur ; mais qu’on ne saurait le trouver, en dernière analyse, que dans la connaissance et l’amour de la première cause, de l’Être suprême et infini.

459. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Ferdinand Fabre  »

Partout ailleurs, les prêtres qu’on a mis au théâtre ou dans le roman, se ramènent à deux types, l’un et l’autre de vérité très superficielle, sinon de pure convention : le mauvais prêtre aux allures de Tartufe, souvent incroyant, toujours hypocrite, tantôt cupide et tantôt débauché, le prêtre comme se le représentent deux cent mille électeurs à Paris, l’homme noir, et, pour tout dire en un mot, le jésuite ; et, d’autre part, le bon prêtre, charitable, tolérant, indulgent, bon vivant à l’occasion, volontiers libéral et républicain, bref, le curé de Béranger et du Dieu des bonnes gens. […] Le prêtre est donc l’espèce d’homme qu’ils rencontrent le moins souvent, qu’ils ont le moins l’occasion d’observer directement et de près. […] Encore un coup, il est rare que la question se pose avec cette netteté tragique et que l’Église ait l’occasion de revendiquer ses droits sur toute l’âme ; mais la question se pose ainsi pour tout prêtre qui réfléchit dès que certaines circonstances mettent en opposition directe ses sentiments naturels et sa foi.

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