/ 1823
1664. (1906) Propos de théâtre. Troisième série

Après l’avoir écouté, il prend une pose inspirée, celle de Didier dans Marion Delorme ; il lève un doigt vers le ciel et il dit : Ainsi qu’une araignée énorme dans sa toile La nuit sinistre a pris cette tremblante étoile. […] Je n’ai jamais fait de mal à personne et n’en ferai jamais, si ce n’est des farces pour rire, par pur badinage… Conan est vieux et parle hardiment : si vous aimez votre plaisir, ne prenez pas une jolie femme ; car le cheval de Hamon est jour et nuit en louage, ici aujourd’hui, là-bas demain [être jaloux se dit en Bretagne « monter le cheval de Hamon »]… Or, ça, Conan, voilà finie cette histoire qui nous montre la Providence de Dieu sur la terre. […] Est-ce que Jason montré à nous sur la scène au milieu des guerriers nés des dents du dragon et s’entretuant les uns les autres, vaudrait ces vers de Corneille, bien ignorés, parce qu’ils sont dans la Toison d’or, mais qui ne me semblent pas être de Pradon : [Les taureaux] ont poussé de gros torrents de feux ; Ils l’ont enveloppé d’une épaisse fumée, Dont sur toute la plaine une nuit s’est formée ; Mais après ce nuage en l’air évaporé, On les a vus au joug et le champ labouré. […] C’est à en rêver, et plus d’un en a dû avoir un cauchemar la nuit suivante.

1665. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Troisième partie. — L’école historique » pp. 253-354

ou : Je ne puis goûter l’orchestre dans un opéra ; il nuit au chant356 ! […] Nous l’entendrons blâmer, mais blâmer en homme qui les comprend, les inévitables excès de la réaction romantique, les diables, les sorciers, les vampires, et surtout ces pauvres petits poètes souffrants et pâles, cette poésie de lazaret, sans cœur, sans forte nourriture intellectuelle, Ces amants de la nuit, des lacs, des cascatelles, Cette engeance sans nom qui ne peut faire un pas, Sans s’inonder de vers, de pleurs et d’agendas396.

1666. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre III. La critique et l’histoire. Macaulay. »

Celle de Bacon a produit des observations, des expériences, des découvertes, des machines, des arts et des industries entières. « Elle a allongé la vie, elle a diminué la douleur, elle a éteint des maladies ; elle a accru la fertilité du sol ; elle a enlevé la foudre au ciel ; elle a éclairé la nuit de toute la splendeur du jour ; elle a étendu la portée de la vue humaine ; elle a accéléré le mouvement, anéanti les distances ; elle a rendu l’homme capable de pénétrer dans les profondeurs de l’océan, de s’élever dans l’air, de traverser la terre sur des chars qui roulent sans chevaux, et l’océan sur des navires qui filent dix nœuds à l’heure contre le vent. » L’une s’est consumée à déchiffrer des énigmes indéchiffrables, à fabriquer les portraits d’un sage imaginaire, à se guinder d’hypothèses en hypothèses, à rouler d’absurdités en absurdités ; elle a méprisé ce qui était praticable ; elle a promis ce qui était impraticable, et, parce qu’elle a méconnu les limites de l’esprit humain, elle en a ignoré la puissance. […] Cependant il observait avec une attention scrupuleuse tous les chemins par où les Macdonalds pourraient essayer de s’enfuir quand on donnerait le signal du massacre, et il envoyait le résultat de ses observations à Hamilton1389… La nuit était rude.

1667. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre V. La philosophie. Stuart Mill. »

On a observé que la rosée ne se dépose jamais abondamment dans des endroits fort abrités contre le ciel ouvert, et point du tout dans les nuits nuageuses ; mais que, si les nuages s’écartent, fût-ce pour quelques minutes seulement, de façon à laisser une ouverture, la rosée commence à se déposer, et va en augmentant. […] Les boutons d’or, les reines-des-prés par myriades, les graminées penchées sous le poids de leur tête grisâtre, les plantes abreuvées par la rosée de la nuit, avaient pullulé dans la riche terre plantureuse.

1668. (1841) Discours aux philosophes. De la situation actuelle de l’esprit humain pp. 6-57

Ajoutez que les institutions répondaient de toute part à cette éducation, et qu’à chaque instant il ne tenait qu’à vous de fortifier et d’éclaircir votre foi, de la retremper, de la regraver en vous-même, en vous adressant à l’Église, qui, incessamment, jour et nuit, et par toutes sortes de voies, appelait chacun à venir se purifier et se reposer un instant dans son sein ou s’y confier pour toujours. […] Mais, de pas en pas, à quelle nuit profonde nous sommes arrivés !

1669. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre premier. La Formation de l’Idéal classique (1498-1610) » pp. 40-106

Le premier de nos Français qui ait, un peu confusément, mais profondément, éprouvé ce sentiment nouveau, c’est un poète lyonnais, Maurice Scève, dans sa Délie, objet de plus haute vertu, poème symbolique, imité de Pétrarque, et dont la nuit obscure, si l’on ose ainsi parler, étincelle de beautés singulières. […] Pierre de Larrivey [1540-1612] ; — son origine italienne ; — sa traduction des Facétieuses Nuits de Straparole, 1576 ; — ses comédies, 1579. — Il n’y en a pas une des neuf qui ne soit traduite ou « adaptée » de quelque comédie italienne. — Déclarations de Larrivey dans sa Dédicace à M. d’Amboise. — À noter également que ses comédies sont toutes en prose. — Ce sont de pures comédies d’intrigue. — Le principal intérêt qu’elles offrent est d’avoir été plus tard imitées par Molière [Cf. notamment L’Avare d’une part, et de l’autre Le Laquais, I, sc. 1 ; — La Veuve (dont l’original italien a pour auteur un Bonaparte), III, sc. 2 ; — et Les Esprits, III, sc. 6]. — D’une curieuse différence de ton entre les premières et les dernières comédies de Larrivey : La Constance, Le Fidèle, Les Tromperies ; — et en quoi celles-ci sont plus romanesques.

1670. (1864) Le positivisme anglais. Étude sur Stuart Mill

On a observé que la rosée ne se dépose jamais abondamment dans des endroits fort abrités contre le ciel ouvert, et point du tout dans les nuits nuageuses ; mais que, si les nuages s’écartent, fût-ce pour quelques minutes seulement, de façon à laisser une ouverture, la rosée commence à se déposer, et va en augmentant. […] Les boutons-d’or, les reines-des-prés par myriades, les graminées penchées sous le poids de leur tête grisâtre, les plantes abreuvées par la rosée de la nuit, avaient pullulé dans la riche terre plantureuse.

1671. (1853) Portraits littéraires. Tome II (3e éd.) pp. 59-300

Comme les pâtres de la campagne romaine, il s’assied sur un tronçon de colonne et suit les progrès de l’ombre qui s’abaisse ; il mesure d’un œil indolent la marche de la nuit envahissante et les derniers reflets de la lumière sur les cimes dorées de l’horizon. […] Ce qui est, pour les mécaniciens, erreur ou confusion, devient, pour les lecteurs ordinaires, une nuit impénétrable. […] Tant qu’il a vécu dans l’obscurité, bien que toutes ses veilles fussent dévouées à l’avenir, bien que chacune des ciselures patientes de sa pensée fût destinée à diviser la lumière en rayons glorieux, cependant la nuit indulgente où ses travaux s’enfouissaient lui laissait la faculté de revenir sur sa première volonté, d’émonder les parties inutiles, d’agrandir, de corriger la première forme de sa pensée ; s’il se trompait, le loisir ne lui manquait pas pour réparer sa faute ; il n’avait pas à craindre qu’une voix importune gourmandât sa maladresse ou son ignorance. […] À quoi bon dépenser les nuits dans la méditation ?

1672. (1900) Molière pp. -283

Une jeune fille raconte à sa suivante qu’une certaine nuit elle a confié à Valère qu’il était aimé de Lucile ; voici de quelle façon alambiquée et pénible Molière lui fait dire cela : Dans ma bouche, une nuit, cet amant trop aimable, Crut rencontrer Lucile à ses vœux favorable16. […] ANGÉLIQUE J’ai songé cette nuit que j’étais dans le plus grand embarras du monde, et qu’une personne, faite tout comme monsieur, s’est présentée à moi, à qui j’ai demandé secours, et qui m’est venue tirer de la peine où j’étais et ma surprise a été grande de voir inopinément, en arrivant ici, ce que j’ai eu dans l’idée toute la nuit26… Comme elle est longue, cette histoire et comme elle est tirée par les cheveux ! […] Une passion qui s’exprime ainsi ne nous captive pas précisément ; elle porte Arnolphe à tant de lâcheté et à tant de bassesse, qu’il va jusqu’à dire à Agnès, si elle veut consentir à l’épouser : Ta forte passion est d’être brave et leste ; Tu le seras toujours, va, je te le proteste ; Sans cesse, nuit et jour, je te caresserai, Je te bouchonnerai, baiserai, mangerai.

/ 1823