Il faut espérer que l’auteur justifiera dans la nouvelle édition l’accueil que le public a fait à son livre, & qu’il tâchera de mériter de nouveau son suffrage, en corrigeant les dattes défectueuses, & les erreurs de nom qui se glissent si facilement dans un ouvrage si long & si varié.
L’art ne pourroit-il pas créer, pour ainsi dire, des êtres d’une nouvelle nature ?
C’est ainsi que la plûpart de nos poëtes examineroient le Cid si la piece étoit nouvelle.
Dans l’assemblée dont nous parlions tout à l’heure on voyait deux choses à la fois : certains dogmes de la société ancienne, à moitié admis, à moitié rejetés par ceux qui les professaient encore, ou qui voulaient encore les professer ; certains dogmes de la société nouvelle, qu’on avait le dessein d’admettre sans conviction, et par la seule nécessité des circonstances.
Qu’est-elle devenue cette tradition nouvelle, élargie, féconde, qui, une fois nouée, devait se perpétuer et grandir pour l’honneur de la civilisation et de la libre intelligence ? […] Il ne tenait qu’à Ampère, à partir de ce moment, de pousser son sillon dans cette voie nouvelle et d’y avancer parallèlement chez nous avec M. de Rougé. […] « Mon cher ami, « Je vous écris de Marseille, où il y a eu hier huit jours j’arrivais de Rome et où la nouvelle entièrement inattendue de l’affreux événement m’a foudroyé. […] Tout connaître semble être le but de sa vie ; chaque nouvelle étude lui apparaît comme un nouveau monde dans lequel il se lance avec une ardeur de découvertes qui lui fait mettre de côté pour un temps les études antérieures. […] Il ne tenait certainement qu’à Ampère de corriger, de fortifier son livre et d’en donner une nouvelle édition vers 1845 ; il avait même le temps, en tirant parti de tous les travaux allemands qui se multipliaient sur ce sujet, de donner une troisième édition vers 1855.
Par une contrariété intérieure imprévue, et nouvelle dans l’histoire de l’humanité, il fallait justement arriver au monde moderne, à l’esprit moderne, aux méthodes modernes, pour que l’historien cessât réellement de se considérer comme un homme. […] Quand l’homme se trouvait en présence de dieux avoués, qualifiés, reconnus, et pour ainsi dire notifiés, il pouvait nettement demeurer un homme ; justement parce que Dieu se nommait Dieu, l’homme pouvait se nommer homme ; que ce fussent des dieux humains ou surhumains, un Dieu Tout ou un Dieu personnel, Dieu étant mis à sa place de Dieu, notre homme pouvait demeurer à sa place d’homme ; par une ironie vraiment nouvelle, c’est justement à l’âge où l’homme croit s’être émancipé, à l’âge où l’homme croit s’être débarrassé de tous les dieux que lui-même il ne se tient plus à sa place d’homme et qu’au contraire il s’embarrasse de tous les anciens Dieux ; mangeurs de bon Dieu, c’est la formule populaire de nos démagogues anticatholiques ; ils ont eux-mêmes absorbé beaucoup plus de bons Dieux, et de mauvais Dieux, qu’ils ne le croient. […] « Quelle opposition entre notre littérature du douzième siècle et celle des nations voisines. » J’arrête ici pour aujourd’hui la citation ; la méthode est bien ce que nous avons dit ; elle est doublement ce que nous avons dit ; quand par malheur l’historien parvient enfin aux frontières de son sujet, à peine réchappé de l’indéfinité, de l’infinité du circuit antérieur, il se hâte, pour parer ce coup du sort, de se jeter dans une autre indéfinité, dans une autre infinité, celle du sujet même ; à peine réchappé d’avoir absorbé une première indéfinité, une première infinité, celle du circuit, celle du parcours, et de tous ces travaux d’approche, qui avaient pour principal objet de n’approcher point, il invente, il imagine, il trouve, il feint une indéfinité nouvelle, une infinité nouvelle, celle du sujet même ; il analyse, il découpe son sujet même en autant de tranches, en autant de parcelles que faire se pourra ; il y aura des coupes, des tranches longitudinales, des tranches latérales, des tranches verticales, des tranches horizontales, des tranches obliques ; il y en aurait davantage ; mais notre espace n’a malheureusement que trois dimensions ; et comme nos images de littérature sont calquées sur nos figures de géométrie, le nombre des combinaisons est assez restreint ; tout restreint qu’il soit, nous obtenons déjà d’assez beaux résultats ; nous étudierons séparément l’homme, l’artiste, le penseur, le rêveur, le géomètre, l’écrivain, le styliste, et j’en passe, dans la même personne, dans le même auteur ; cela fera autant de chapitres ; nous nous garderons surtout de nous occuper dans le même chapitre de l’art et de l’artiste ; cela ferait un chapitre de perdu ; et si d’aventure, de male aventure nous parvenons à parcourir toutes les indéfinités, toutes les infinités de détail de tous ces chapitres, de toutes ces sections, il nous reste une ressource suprême, un dernier moyen de nous rattraper ; ayant étudié séparément l’homme, l’écrivain, l’artiste, et ainsi de suite, nous étudierons les relations de l’homme et de l’écrivain, puis de l’artiste et de l’art, et du styliste, et ainsi de suite, d’abord deux par deux, puis trois par trois, et ainsi de suite ; étant données un certain nombre de sections, formant unités, les mêmes mathématiques nous apportent les formules, et nous savons combien de combinaisons de relation peuvent s’établir ; cela fera autant de chapitres nouveaux ; et quand nous aurons fini, si jamais nous finissons, le diable soit du bonhomme s’il peut seulement ramasser ses morceaux ; que de les rassembler, il ne faut point qu’il y songe ; l’auteur a fait un jeu de patience où nulle patience ne se retrouverait. […] Épuiser l’immensité, l’indéfinité, l’infinité du détail pour obtenir la connaissance de tout le réel, telle est la surhumaine ambition de la méthode discursive ; partir du plus loin possible, cheminer par la plus longue série possible ; parvenir le plus tard possible ; à peine arrivés repartir pour un voyage intérieur le plus long possible ; mais si du départ le plus éloigné possible à l’arrivée la plus retardée possible et dans cette arrivée même une série indéfinie, infinie de détail s’interpose immense, comment épuiser ce détail ; un Dieu seul y suffirait ; et dans le même temps que les professeurs d’histoire et que les historiens renonçaient à devenir des rois et des empereurs, et qu’ils s’en félicitaient, ils ne s’apercevaient point que dans le même temps cette même nouvelle méthode, cette méthode scientifique, cette méthode historique moderne exigeait qu’ils devinssent des Dieux. […] Si je voulais chercher dans l’Avenir de la science tout cet orgueil, toute cette assurance et cette naïve certitude, il me faudrait citer tout l’Avenir de la science, et une aussi énorme citation m’attirerait encore des désagréments avec la maison Calmann Lévy ; ce livre n’est rien s’il n’est pas tout le lourd et le plein évangile de cette foi nouvelle, de cette foi la dernière en date, et provisoirement la définitive ; tout ce livre admirable et véritablement prodigieux, tout ce livre de jeunesse et de force est dans sa luxuriante plénitude comme gonflé de cette foi religieuse ; on me permettra de n’en point citer un mot, pour ne pas citer tout ; nous retrouverons ce livre d’ailleurs, ce livre bouddhique, ce livre immense, presque informe ; car j’ai toujours dit, et j’ai peut-être écrit que le jour où l’on voudra sérieusement étudier le monde moderne c’est à l’Avenir de la science qu’il faudra d’abord et surtout s’attaquer ; le vieux pourana de l’auteur, écrit au lendemain de l’agrégation de philosophie, comme elle était alors, passée en septembre, écrit dans les deux derniers mois de 1848 et dans les quatre ou cinq premiers mois de 1849, le gros volume, âpre, dogmatique, sectaire et dur, l’énorme paquet littéraire, le gros livre, avec sa pesanteur et ses allures médiocrement littéraires, le bagage, le gros volume, le vieux manuscrit, la première construction, les vieilles pages, l’essai de jeunesse, de forme naïve, touffue souvent abrupte, pleine d’innombrables incorrections, le vieil ouvrage, avec ses notes en tas, le mur aux pierres essentielles, demeure pour moi l’œuvre capitale de Renan, et celle qui nous donne vraiment le fond et l’origine de sa pensée tout entière, s’il est vrai qu’une grande vie ne soit malheureusement presque toujours qu’une maturité persévérante réalisée, brusquement révélée dans un éclair de jeunesse ; Renan lui-même en a beaucoup plus vécu, encore beaucoup plus qu’il ne l’a dit dans sa préface ; et le vieux Pourana de l’auteur est vraiment aussi le vieux Pourana du monde moderne ; combien de modernes, le disant, ne le disant pas, en ont vécu ; aujourd’hui encore, inconsciemment ou non, tous nous en vivons, sectaires et libertaires, et, comme le dit Hugo, mystiques et charnels.
Il ne se pose pas majestueusement en restaurateur de la science ; il ne déclare pas, comme vos Allemands, que son livre va ouvrir une nouvelle ère au genre humain. […] C’est pourquoi exposons la même substance en faisant varier le plus possible l’état de sa surface (ce qui est un nouvel emploi de la méthode des variations concomitantes), et une nouvelle échelle d’intensité se montrera. […] Le cas est un de ces cas rares où la nature fait l’expérience pour nous de la même manière que nous la ferions nous-mêmes, c’est-à-dire en introduisant dans l’état antérieur des choses une circonstance nouvelle, unique et parfaitement définie, et en manifestant l’effet si rapidement, que le temps manquerait pour tout autre changement considérable dans les circonstances antérieures. […] Mais cela terminé, une nouvelle opération commence, la plus féconde de toutes, et qui consiste à décomposer ces données complexes en données simples. […] Autour d’elles comme pour les garder, des arbres énormes, vieux de quatre siècles, allongeaient leurs files régulières ; et j’y trouvais une nouvelle trace de ce bon sens pratique qui a accompli des révolutions sans commettre de ravages, qui, en améliorant tout, n’a rien renversé ; qui a conservé ses arbres comme sa constitution, qui a élagué les vieilles branches sans abattre le tronc ; qui seul aujourd’hui, entre tous les peuples, jouit non-seulement du présent, mais du passé.
Il y avait certainement moins d’aveux dans la Nouvelle Héloïse ; et nous n’en trouverons pas un jour de plus complets ni de plus sincères dans Adolphe ou dans Indiana. […] Le pseudo-lyrisme des classiques, des Chênedollé, des Fontanes, des Lebrun-Pindare, de Jean-Baptiste Rousseau lui-même, s’anéantissait devant cette révélation d’une poésie nouvelle. […] Dans les articles du Globe, comme à la Sorbonne, vers le même temps, dans les cours de Villemain, de Guizot, de Cousin, l’ancienne et la nouvelle esthétique ont essayé de se réconcilier, — la critique universitaire et la critique romantique ; — et elles n’y ont qu’à moitié réussi. […] Mais il suffit ici du pressentiment, puisque aussi bien d’autres que Sainte-Beuve en allaient tirer bientôt toute une conception nouvelle de la critique ; — et c’est ainsi qu’après avoir été l’un des plus solides appuis du romantisme naissant, nul n’a plus fait contre lui que l’auteur des Confessions de Joseph Delorme, en devenant, dans sa maturité, l’auteur des Causeries du lundi. […] Le recueil intitulé Dix ans d’études historiques, publié en 1834, comprend, avec les Lettres sur l’histoire de France [nouvelle édition], un certain nombre d’articles de l’auteur sur différents sujets d’histoire et de littérature ou de philosophie.
Placez John Wesley à Rome, il sera certainement le premier général d’une nouvelle société dévouée aux intérêts et à l’honneur de l’Église. […] Il n’admet pas que l’on fasse d’un songe indécent et scandaleux le fondement d’une manière nouvelle de prier Dieu. […] C’est alors qu’il entre dans une voie nouvelle, au terme de laquelle il est certain que l’on arrive assez promptement, mais qui n’en est pas moins nouvelle, qu’il a le premier découverte, et dans laquelle on accorde qu’après lui nul n’a plus trouvé qu’à glaner. […] Nouvelle suspension, à la fin de l’année 1754. […] Mais, prenant la question telle quelle, peut-on dire que Galiani en ait éclairé d’une lumière nouvelle un seul côté ?