Dans leur état plus naturel, c’est-à-dire plus ressemblant, personne en France n’eût été curieux de les voir. […] Il faut voir comme un auditoire choisi sait applaudir à toutes ces beautés naturelles. […] Ne réprouvons pourtant pas la pompe théâtrale, quand elle est une des conceptions du poète, ou l’un des développements naturels de son sujet. […] Dans l’entretien de Fotheringay, il échappe aux deux reines des traits si naturels et des phrases si purement familières, que nos dames de la halle s’en accommoderaient ou même les dédaigneraient aujourd’hui. […] Au gré de ceux-ci, il n’y a de naturel que ce qui est vrai, noble et décent ; aux yeux de ceux-là, que ce qui est capricieux et vulgaire.
La langue du peuple n’est pas sujette aux variations de la mode ; elle est dans tous les temps la langue naturelle des passions. […] Eux seuls peuvent se mouvoir librement au milieu de tant de règles lesquelles ne sont que leur naturel même, et le secret de leur éternelle conformité avec le nôtre. […] Rompant tour à tour avec toutes les servitudes de cette poésie qu’infectait l’imitation ou la folie du savoir, avec tous ces mensonges convenus, auxquels des poëtes bien doués étaient forcés d’accommoder leur naturel, il fit de la langue des vers la langue même des sentiments les plus personnels au poëte. […] En effet, quelque résistance que nous fassions, par la solitude, par la lecture des chefs-d’œuvre, par notre droiture et notre naturel, au tour d’imagination de notre époque, le passager, l’éphémère nous atteignent jusque dans la retraite la plus opiniâtre ; et si nous tenons assez ferme pour n’être pas à la fin dépouillés de notre naturel, il est difficile que nous n’en soyons pas fréquemment distraits. […] C’est que nous nous sentons rendus à notre naturel, qui est pour nous l’éternelle nouveauté.
Ses mœurs, non pires que celles des autres, mais qu’il ne prenait pas soin de cacher, soit paresse, soit qu’il trouvât innocent ce qu’il ne sentait pas le besoin de dissimuler, ses mœurs lui rendirent ce service, qu’en le faisant écarter de la cour elles lui conservèrent son naturel. […] Le plus souvent même le poète ne leur donne aucune propriété particulière, et l’histoire naturelle n’a rien à y prendre : ce sont des hommes du temps sous des noms d’animaux. […] Que ce goût lui fût naturel, cela n’est pas douteux ; son humeur le portait vers les champs ; sa première profession même76, car il en eut une, le mettait trop souvent en présence de la nature pour qu’il n’apprît pas à l’aimer. […] Voilà une bien illustre preuve que nous n’arrivons au naturel que par le travail. […] Il y a eu des hommes doués d’un beau naturel à qui le goût a manqué, et avec le goût la force de découvrir ce naturel, de s’y attacher, de le défendre contre la tentation des mauvais succès par des complaisances au tour d’esprit de leur temps.
Chamfort était fils naturel. […] La jeune actrice qui faisait Betty, pour jouer plus au naturel, portait en guise de robe une « peau de taffetas tigré ». […] Certain quaker, personnage non moins essentiel de la pièce, venait compléter cette morale naturelle de Betty et empêcher à temps l’ingrat Belton de la sacrifier, ce qu’il était bien près de faire. […] On n’y pouvait distinguer qu’une certaine élégance naturelle « qui tenait à la sensibilité de la première jeunesse », sensibilité qu’il perdit bientôt et qui se flétrit comme la fraîcheur même de son visage. […] La pensée seule, la réflexion solitaire console sans doute aussi ; mais cette méditation contemplative, chez un naturel ardent, exige une sorte de vertu pour qu’il ne tourne pas à l’aigreur et à l’envie quand il se mesure aux autres.
On connoît peu ses Ouvrages de Métaphysique & d’Histoire naturelle, très-estimés cependant de ceux qui sont capables d’apprécier ce genre de mérite ; tels sont les Elémens de Métaphysique, tirés de l’Expérience ; l’Examen sérieux & comique du Livre de l’Esprit ; les Mémoires pour l’Histoire des Araignées ; & les Lettres à un Américain sur l’Histoire Naturelle de M. de Buffon.
À cette raison générale et assez naturelle que je me donnais à moi-même pour me méfier de Valentine, il s’en joignait d’autres plus particulières, tirées du caractère et du genre de mérite d’Indiana. […] Tous les détails de cette soirée, la présentation de Bénédict aux orgueilleux parents de Valentine, l’invitation à la danse, l’embarras du baiser, l’aisance de bel air de M. de Lansac, fiancé de Valentine, tout cela est délicieusement conduit ; et le départ ensuite, le retour, la manière dont Valentine s’égare, la rencontre des deux jeunes gens près des buissons fleuris de l’Indre ; cette voix limpide et nerveuse de Bénédict, qui le précède et l’annonce, et dont Valentine a de loin admiré le chant ; cette arrivée à la ferme par les jardins de derrière et à travers les haies, leurs deux haleines se confondant au passage dans les fleurs ; cette visite nocturne de Valentine à Louise, à sa sœur aînée, si longtemps perdue, si merveilleusement retrouvée, et qu’une faute amère, déjà bien ancienne, avait bannie d’un lieu qu’elle a voulu revoir ; — oui, tout, jusqu’à cette façon naturelle et rusée d’éconduire M. de Lansac, tout, dans cette première partie du récit, captive, enchante et satisfait. […] À partir du double mariage de Valentine et d’Athénaïs, la vérité parfaite du commencement ne se montre plus que par retour : le talent essaye en vain de racheter à force de scènes le naturel et la vraisemblance qui ne peuvent sortir que de l’ensemble des situations lentement approfondies. […] J’aurais mieux aimé incomparablement entendre ce que se seraient dit l’un à l’autre, tout éveillés et en proie à leurs seules émotions naturelles, les deux amants durant cette nuit de périls, d’angoisses et de délices peut-être.
« Il est un pays dans le monde, se dit-il, où la grande révolution sociale semble avoir à peu près atteint ses limites naturelles ; elle s’y est opérée d’une manière simple et facile, ou plutôt on peut dire que ce pays voit les résultats de la révolution démocratique qui s’opère parmi nous, sans avoir eu la révolution elle-même. » Il nous emmène donc avec lui en Amérique pour y étudier le principe dominateur et générateur des sociétés modernes, l’égalité des conditions ; pour l’y contempler en ce vaste espace, où ni les souvenirs historiques, ni les décombres d’anciennes institutions ne l’ont comprimé ; pour l’y voir en jeu et vivifié de toute sa moralité, grâce à l’esprit religieux qui, là, s’est trouvé uni dès le début à l’ardeur laborieuse. […] L’élément fondamental et naturel des institutions démocratiques paraît être à M. de Tocqueville la Commune, et il en expose la formation et l’existence en Amérique, et particulièrement à la Nouvelle-Angleterre, de manière à nous transporter tout d’abord dans le secret même de cette société qui se gouverne elle seule. […] S’il devait arriver en France que la monarchie ou la république (peu importe), en s’armant de ce mot de centralisation mal entendu, fissent prévaloir, constamment la régularité administrative, soit douce, soit rigoureuse, sur la vie réelle, morale, animée de chaque point du pays ; si l’on ne parvenait enfin à introduire et à fonder parmi nous les institutions démocratiques en ce qu’elles ont d’essentiel, d’élémentaire et de vivace, c’est-à-dire l’existence communale, M. de Tocqueville paraît craindre qu’une des chances naturelles de cette égalité croissante ne fût un jour, tôt ou tard, l’assujettissement de tous par un seul, du moment qu’on n’aurait plus à espérer le gouvernement de tous par eux-mêmes. […] Cette lettre retrouve ici sa place naturelle.
xii, et à l’Appendice qui s’y rattache : Massillon, jeune et dans l’Oratoire, avait eu une veine de ferveur qui plus tard s’était fort calmée ; son talent naturel, comme il arrive à tant de grands talents, était resté chez lui assez indépendant du fond de l’inspiration même. […] Sa méthode est facile et naturelle. […] Il n’y a pas de fumée sans feu, et comme dit le proverbe du Midi : « Quelque chose il y a, quand le chien aboie. » Nier tout me paraît donc bien difficile ; j’ai cherché l’explication morale, à la fois la plus douce et la plus naturelle.
— Gardiennes des lois naturelles. — Vengeresses du meurtre. […] Mais cette signification naturelle disparut vite, en Grèce, sous un sens moral. […] » — Et Prométhée leur répond : — « Les trois Parques et les Érynnies à la mémoire fidèle. » — Héraclite, cité par Plutarque, disait que « si le Soleil s’avisait de franchir les bornes qui lui sont proscrites, les Érynnies, agents de la Justice, sauraient bien lui faire rebrousser chemin. » — Dans l’Iliade, Xanthos, un des chevaux divins d’Achille, prend une voix humaine pour prédire sa mort au héros rentrant dans la guerre de Troie : mais les Érynnies, indignées de cette violation des lois naturelles, accourent aussitôt, et font taire impérieusement l’animal qui ose usurper la parole réservée aux hommes.