Et je voudrais que, de ce contentement si naturel et si légitime, il restât à la République un sourire, une douceur, le désir de juger toujours dans un esprit équitable ce passé qui, en cette occasion, lui fut si avantageux ; qu’elle acquît par là l’utile notion de la lenteur nécessaire des transformations politiques et sociales, et qu’alors, sans rien perdre de sa générosité et sans rien répudier de ses rêves, elle se défiât un peu plus de ses ignorances, de ses impatiences, de ses intolérances, et se gardât aussi de quelques-uns de ses conducteurs. […] Il a su entrer si aisément dans cette âme limpide et, d’autre part, il a si harmonieusement enveloppé le drame surnaturel du décor naturel qui lui convenait, que le miracle paraît presque tout simple et charme plus qu’il n’étonne. […] Ce qu’on appelle miracle n’est sans doute qu’une dérogation aux lois naturelles que nous connaissons, par conformité à d’autres lois que nous ne connaissons pas. Il est vrai qu’alors ce ne serait plus proprement le miracle… Ou bien n’y a-t-il point des phénomènes qui, tout en restant « naturels », — tels que l’hallucination de Jeanne d’Arc ou de Bernadette, — ne s’expliquent pourtant que par quelque chose d’inexplicable, par une force divine cachée dans une âme ?
Si les œuvres d’André Chénier, de ce poète immense, sitôt moissonné par la faux implacable qui n’épargnait aucune royauté, eussent été publiées à la fin du dernier siècle, quelque incomplètes, quelque imparfaites qu’elles soient, à cause de cette mort précoce, nul doute que l’âme des hommes supérieurs ne se fut prise alors à cette poésie virile et naturelle, et la réconciliation qui s’accomplit lentement eût été avancée de trente ans. […] Lebrun, c’est-à-dire deux imitations du grec, admirablement bien appropriées à notre scène ; et une habile traduction de l’allemand, qui émeut et attache par cette poésie naturelle et colorée qu’on a retrouvée depuis avec tant de charme dans le Voyage en Grèce du même auteur. […] Nous n’avions que le Cid qui fut continuellement naturel et vrai ; aussi est-il emprunté à un théâtre étranger, aussi Corneille l’appela-t-il tragi-comédie, tant ce grand homme sentait la nécessité du mélange des tons dans ce qui n’était point l’antique ; on sait comment il fut rejeté hors de cette voie nouvelle par les prétendus classiques du temps, mais on ne conçoit pas comment, dans les deux derniers siècles, aucun auteur n’a cherché à y rentrer. […] Certes, si un théâtre nouveau pouvait s’ouvrir, sous la direction d’un entrepreneur intelligent, sans comité de lecture ni d’administration, sans cet encombrement d’ouvrages reçus depuis trente ans et vieillis avant de naître, avec des acteurs jeunes, disposés à jouer tous les rôles, en étudiant la pantomime expressive et la déclamation naturelle des grands acteurs anglais, les seuls qui, depuis Talma, nous aient fait éprouver des émotions tragiques ; avec la ferme volonté de ne représenter en fait de pièces nouvelles que des pièces vraiment neuves, et d’un caractère homogène ; certes, un pareil théâtre n’aurait pas besoin d’autres secours que son travail et sa bonne organisation, et il y aurait dans tout cela quelque chose de fort et de vital qui ne ressemblerait guères à la végétation expirante, à la fécondité caduque qui poussent et se perpétuent encore aux quinquets de nos coulisses.
L’état sauvage ou de barbarie n’est qu’une dégénération dont nous n’avons pas pu suivre les périodes, mais qui certainement n’est ni un état naturel, ni un état primitif. […] Il n’a pas fait attention que les langues ne peuvent pas franchir les limites naturelles fixées par le génie qui les distingue entre elles et les sépare à jamais. […] Les langues où les cas se marquent par des désinences ont une harmonie plus naturelle ; et il est possible que ce soit la seule raison de l’introduction de la rime dans les langues qui se refusent absolument à la désinence pour les cas, parce que alors il a fallu suppléer, dans la versification, à l’harmonie essentielle par une harmonie de convention ou artificielle. […] Nous employons cet appareil tout entier sans aucun effort ; c’est le jeu le plus simple et le plus naturel de cet admirable mécanisme.
Mais l’horizon naturel, même pour cette vue si perçante, finissait là. […] Une telle séparation n’a rien que de naturel dans l’ordre actuel des choses ; il ne faudrait pourtant pas que cela fût poussé jusqu’au divorce, et il importe, autant qu’on le peut, de s’y opposer.
La première bibliothèque va vous montrer s’il est en effet primitif et naturel. […] Et la chose est si naturelle, que sans culture et parmi des moeurs brutales ils sont aussi fins dans la raillerie que les plus déliés.
Voyez tout ce Péloponnèse italien livré par votre imprévoyance à son petit roi, votre favori du jour, maître absolu demain d’un empire presque égal au vôtre, incapable de protéger cette péninsule, ces îles, ces ports, ces mers contre les Germains ou contre les Anglais, mais assez puissant pour subir l’alliance obligée de vos ennemis naturels. […] Géographie sacrée des Hébreux, géographie maritime des Phéniciens, géographie d’Alexandre qui efface les limites sous les pas de ses Grecs et de ses phalanges, de ses Ptolémée ; géographie des Romains, qui font l’Europe et qui refont une Afrique et une Asie Mineure avec Strabon ; géographie de Charlemagne, qui refait la moitié du globe chrétien avec les décombres du paganisme ; géographie de l’Angleterre, qui fait une monarchie navale et commerciale avec les pavillons de ses vaisseaux ; géographie de Napoléon, qui promène ses bataillons de Memphis à Madrid et à Moscou, conquérant tout sans rien retenir, et qui, de cette géographie napoléonienne de la conquête sans but, ne conserve pas même une île (Sainte-Hélène) pour mourir chez lui, après tant d’empires parcourus, en ne laissant partout que des traces de sang français versé pour la gloire ; géographie actuelle, qui se limite par l’équilibre des droits et des intérêts, qui élève contre l’ambition d’un seul la résistance pacifique de tous, et qui ne se dérange un moment par une ou deux batailles que pour se rétablir bien vite par la réaction naturelle de la liberté et de la paix.
Tous abondaient dans leurs défauts naturels, ou se travaillaient à exagérer la mode du bel esprit dont le public était engoué. […] Il y avait plus d’un siècle que se préparait la forme littéraire dont il devait fixer le caractère, et sa doctrine était le terme où l’on devait nécessairement aboutir, lorsque les belles œuvres de l’antiquité païenne eurent éveillé le goût français, et lorsqu’en même temps leur sagesse toute naturelle et toute humaine eut inspiré à la raison moderne la hardiesse de marcher en liberté selon ses lois intimes.
Cette règle paraît en effet bien naturelle, et cependant on est souvent conduit à y déroger. […] Nous choisissons donc ces règles, non parce qu’elles sont vraies, mais parce qu’elles sont les plus commodes, et nous pourrions les résumer en disant : « La simultanéité de deux événements, ou l’ordre de leur succession, l’égalité de deux durées, doivent être définies de telle sorte que l’énoncé des lois naturelles soit aussi simple que possible.
D’ailleurs, si ces parties, les plus nobles de notre nature, ne sont pas originelles, elles ne sont pas pour cela factices et non naturelles. […] Les lois naturelles, dit-il, ne peuvent être déterminées que de deux manières : par la déduction ou par l’expérience.