En ce qui le concernait lui-même, et sur les aménités personnelles dont l’avait gratifié Gacon, il se contentait de dire : Il y a des gens à qui le reproche des défauts naturels est très douloureux. […] Dans cette même Dissertation, l’abbé de Pons soulevait vers la fin une autre matière à procès : il plaidait pour la prose contre les vers, il niait les vers et leur charme : « Les vers ne plaisent point par eux-mêmes ; il nous a fallu un long commerce avec eux pour n’être guère choqués de leur démarche affectée, de leur air contraint. » Il n’y voyait donc que de la singularité et de la gêne imposées par une convention arbitraire, et nuisibles à l’excellence de la diction, à son naturel, à sa vérité. […] Ce n’est donc que quand le cours complet d’études tire sur sa fin, et que l’élève a appris ou passé en revue l’histoire, le théâtre et la littérature nationale, certains arts mécaniques, la logique, la physique, même la métaphysique, que le précepteur se dit : Mon disciple parle excellemment sa langue naturelle ; sa mémoire est ornée de tous nos meilleurs ouvrages, soit de prose, soit de poésie : cela est bon, mais cela ne lui suffit pas, nous allons apprendre la langue latine.
Le lendemain, lorsqu’elle vit pour la première fois le dauphin, venu avec le roi à sa rencontre entre Nangis et Corbeil, elle avait maîtrisé cette impression : elle fut gaie, naturelle, et Louis XV, dit-on, « s’amusa des agaceries qu’elle fit au dauphin pour l’obliger à desserrer les dents et à ne plus la regarder fixement comme il avait fait d’abord, sans prendre part à la conversation ». […] Les lenteurs mêmes du maréchal après Lawfeld témoignent de sa prudence et de ce bon sens qui a doublement son prix chez un guerrier de génie et d’inspiration naturelle, comme il l’était. […] il avait secoué poudre et perruque ; il parut à la Cour dans cet état naturel ; ce que le duc de Luynes a eu soin de noter dans son journal : « Jeudi dernier (21 décembre) M. le maréchal de Saxe arriva ici (à Versailles) ; il porte présentement ses cheveux qui lui donnent l’air plus jeune. » Revenu à Chambord à la paix et y passant le plus de temps qu’il pouvait pendant les deux dernières années, y menant un train de prince, il se livrait à la chasse, aux plaisirs, à tous les exercices violents.
Du Bellay le sait bien ; il nous exprime la haute idée qu’il se fait du poète, et, à dénombrer toutes les qualités qu’il lui attribue, on sent qu’il doit l’être lui-même : il exige avant tout un je ne sais quoi de divin, et il reprend à sa source et dans son vrai sens naturel, pour le lui appliquer, le mot de génie, genius. […] Ces raisons, qu’il indique d’une manière aimable et bien naturelle, je les résume plus au net : dix ans se sont écoulés ; dans l’intervalle, Du Bellay a vieilli ; il a passé à Rome des années qui ont compté double ; les ennuis, les affaires, peut-être les plaisirs, l’ont blanchi ; il allègue pour excuse la diminution de la verve, « de cet enthousiasme qui le faisoit librement courir par la carrière de ses inventions », et en même temps il a conservé, dit-il, son goût de la poésie, « de ce doux labeur, jadis seul enchantement de ses ennuis ». […] Les choses viennent premièrement, fait-il remarquer, puis les mots suivent pour les exprimer : c’est là la marche naturelle.
Mais cet Arthur, qu’un hasard heureux, une saison plus recueillie, a laissé écrire avec plus de soin et de suite à un homme du monde redevenu chrétien ; ce roman, bien fait pour plaire à beaucoup, nous permet de parler, selon notre cœur et notre goût, d’un poëte aimable, d’un des naturels les plus charmants de ce temps-ci, et auquel il n’a manqué que le travail et l’haleine. […] Ici commencent des tableaux naturels merveilleusement saisis. […] La circonstance mystérieuse, et cependant naturelle, qui fait qu’Arthur retrouve Julie et son enfant, introduit le léger intérêt romanesque qui, avec la conversion, compose la seule action de ce livre où pourtant l’attrait ne cesse pas.
En ce qui est du comte Xavier, le naturel décida tout ; le travail du style fut pour lui peu de chose ; il avait lu nos bons auteurs, mais il ne songea guère aux difficultés de la situation d’écrivain à l’étranger. […] On surprend les lectures, les goûts du jeune officier, son âme candide, naturelle, mobile, ouverte à un rayon du matin, quelques rimes légères (nous en citerons plus tard), quelque pastel non moins léger, sa passion de peindre et même au besoin de disserter là-dessus : « C’est le dada de mon oncle Tobie, » se dit-il. Dante peignait déjà comme on le pouvait faire en son temps ; André Chénier peignait aussi : quoi de plus naturel qu’on tienne les deux pinceaux ?
Et d’ailleurs il y en a d’autres à côté, de meilleur aloi, naturelles, appropriées ; car, chez M. […] Scribe, d’une façon plus franche, plus ronde, plus naturelle, qui découle plus directement du Le Sage, et qui n’a pas l’air de faire niche à Molière. […] Il faut louer aussi, comme d’un comique très-savant et pourtant naturel, cette complication de trois femmes, toutes les trois férues au cœur pour un seul, tellement que, dès qu’on les touche où l’amour les pique, l’une faiblit et les deux autres regimbent.
Il en est exactement de l’ordre littéraire comme de l’ordre naturel d’organisation, et de l’esprit comme de la vie. […] En effet, un grand nombre des vrais précédents de l’époque et du goût Louis XIII en littérature sont aux iiie et ive siècles de la Gaule romaine, comme les précédents naturels du goût et du genre Louis XIV sont plutôt à l’époque d’Auguste. […] Une autre critique que j’indique seulement, sans prétendre y insister, est celle-ci : Toute méthode, même la plus naturelle et la plus vraie, n’est qu’une méthode, et elle a ses bornes.
Pour les gens du métier qui savent combien ces jugements portés sur les livres du jour par les critiques compétents sont utiles à l’histoire littéraire, et combien, à une certaine distance, il devient difficile de se les procurer dans des feuilles si vite disparues, il semblera tout naturel qu’un homme qui connaît autant les circonstances et les destinées des livres que M. […] Lorsque tant d’autres oracles prêchent pour leur saint, lui, il n’a pas de saint ; il n’accuse aucune préférence naturelle qui vienne traverser ou commander son examen. […] Magnin dégage chez Courier, au travers de l’homme de parti et du champion libéral, l’homme véritable, naturel, l’indépendant épicurien et moqueur, l’artiste amoureux du beau, l’humoriste vraiment attique, au rictus de satyre : « On n’a point la bouche fendue comme il l’avait, d’une oreille à l’autre, sans être prédestiné à être rieur, et rieur du rire inextinguible d’Homère ou de Rabelais. » Ces pages si légères et si bien touchées, à propos du plus docte et du plus lettré de nos pamphlétaires politiques, nous ont rappelé involontairement la différence des temps et le contraste de deux périodes pourtant si rapprochées.
Les monastères de l’école de Colomban étant, par un revirement assez naturel, devenus hostile à l’intérêt des évêques, il les favorisa contre ceux-ci, rallia les populations, et rendit à l’ensemble de la souveraineté franke un reste de consistance et même de splendeur qui ne tint pas après lui. […] Thierry, la pensée originale avait de quoi s’exciter dans son entrain naturel et ne pouvait qu’acquérir vite tout son ressort. […] La passion n’y est pas toujours délicate dans son langage, ni naturelle dans son objet.