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1012. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 décembre 1886. »

Ledit architecte est d’ailleurs un géant des montagnes qui a dissimulé sa nature à l’aide d’enchantements. […] Car, dans l’idée du moyen-âge, l’oiseau est le symbole de l’âme, qui ne connaît point les limites de l’espace et du temps ; c’est l’être le plus divin de la nature extérieure : il est libre, il vole, il chante. […] Ce rapport devient insensiblement un pamphlet contre la science en général, que l’auteur accuse de violer grossièrement les plus sacrés mystères de la nature et d’offenser le sentiment du beau en observant la vie dans sa pleine activité et dans son développement. […] Dans le monde antique une harmonie existait, inconsciente, entre l’homme et la nature environnante ; l’humanité, de l’avenir devra rétablir, consciemment, cette harmonie. […] Non seulement son enthousiasme et son exaltation se communiquèrent aux artistes, mais, fût-ce sa légende qui inspira les Giotto, fût-ce lui qui commença à construire les grands dômes où leur art s’étala, son intense amour de la nature, la personnification qu’il fit des montagnes, des forêts et des fleuves fut la première impulsion à l’observation de la nature, aux essais de la dessiner et de rendre avec le pinceau le vrai milieu, à la place de quelque fond d’or ou de mosaïque.

1013. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Victor Hugo » pp. 106-155

Hugo conçoit comme des êtres nus et simples, qui manifestent leur passion ou leur nature par la répétition d’actes semblables. […] Cette simple mécanique intellectuelle, résumée en un conflit de deux natures, de deux passions, de deux mobiles, est la plus complexe que M.  […] On verra ainsi que la nature ne contient pas de choses opposables, et que seul le langage crée des mots qui le sont. […] Hugo n’est ni constamment active, ni analytique, ni appliquée à se conformer exactement à la nature des choses. […] Reste le fait qu’entre toutes ces visions grossissantes de la nature, M. 

1014. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lacroix, Jules (1809-1887) »

Le public, tantôt respectueux, tantôt enthousiaste, tantôt anéanti, écouta, acclama et contempla le colossal chef-d’œuvre où l’échevèlement de la fantaisie apparaît dans les profondeurs les plus sévères de la philosophie, où la nature est aussi humaine que l’homme, la mort aussi vivante que la vie. […] Sophocle d’aussi près que le permettaient la nature de l’alexandrin français et les exigences de la rime.

1015. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — II » pp. 375-394

II Lundi, 18 août 1856· Ce n’est pas nous qui nous plaindrons si les lettres de Frédéric et du prince Henri nous les montrent parfois qui se détournent de la politique et du positif des affaires pour discuter sur la morale, sur les divers aspects de la vie, sur la nature humaine, et sur le bien ou le mal qu’on peut en espérer ou en craindre. […] Insistant sur l’utilité dont peut être une bonne dialectique pour prémunir contre les faux jugements : « Il est certain, dit-il, que la lecture fréquente des ouvrages de Bayle donne à l’esprit une certaine volubilité sur cette matière, qu’il ne tiendra jamais uniquement des avantages de la nature. » Tout en recommandant particulièrement à son frère quelques écrits de son auteur de prédilection, il ajoute que lui-même est occupé de faire imprimer en ce moment un extrait du Dictionnaire ; il compte que cet abrégé, qui porte principalement sur la partie philosophique de l’ouvrage, se répandra dans le public et pourra être utile : Je suis persuadé que la mauvaise conduite de la plupart des hommes vient moins d’un principe de méchanceté que d’une suite de mauvais raisonnements ; et je crois par conséquent que si on pouvait leur apprendre à raisonner d’une façon plus juste et plus conséquente, leurs actions s’en ressentiraient d’une manière avantageuse. […] Il est curieux de voir, à cette fin de campagne, l’impatience du vieux guerrier qui, arrivé toutefois à son but pour la politique, frémit de colère de n’avoir pu frapper un dernier coup, et de se voir obligé à remettre l’épée dans le fourreau sans s’être vengé une bonne fois de ses ennemis dans une bataille : « En fait de campagne, disait-il en se jugeant avec une sorte d’amertume, nous n’avons fait (cette fois) que des misères55. » Dans les années qui suivent, on retrouve Frédéric et le prince Henri en conversation par lettres, en discussion philosophique sur les objets qui peuvent le plus intéresser les hommes, la religion, la nature humaine et le rang qu’elle tient dans l’univers, les ressorts et mobiles qui sont en elle, et les freins qu’on y peut mettre. […] En un mot, des deux frères, le prince Henri est celui qui plaide, bien que timidement, pour la dignité de notre nature. […] Un jour que Frédéric lui avait envoyé un écrit de sa façon, un Essai sur les formes de gouvernement et sur les devoirs des rois (1777), le prince Henri, en remerciant son frère, lui disait : Vous avez fait le plus beau portrait des devoirs d’un souverain ; ce tableau cependant ne peut guère être imité : il faudrait toujours des princes doués de votre génie, et qui eussent vos connaissances ; la nature n’en produit pas de cette espèce : je désirerais donc encore un chapitre utile pour un homme que la naissance place sur le trône, mais auquel la nature a refusé les dons que vous possédez.

1016. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Collé. »

Collé, selon lui, « était un grand enfant qui ne se prenait nullement au sérieux (page 4) » et plus loin (p. 32), il nous le montre « possédant à un haut point la science de la vie » et connaissant à fond les hommes ; tantôt Collé est « un esprit doux et placide (p. 2) », tantôt il a « la nature mobile et inquiète (p. 4). » Collé nous est représenté comme faisant des fanfaronnades, comme suivant la mode, comme ayant un rire doux, plein de mièvrerie ! […] La nature l’avait doué d’une inépuisable gaîté ; voilà ce qu’il faut bien se dire avec lui, sans tant chercher de raisons ni de commentaires. […] Ne forçons la nature en rien ; soyons ce que nous sommes, et nous serons bien. […] Il nous est défendu, de par la nature, de promener sur un trop large ‘espace trop de fierté et trop d’espérance. […] Il est vrai que, l’instant d’après, la nature reprenait son train et qu’il retombait dans la confidence graveleuse.

1017. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « GRESSET (Essai biographique sur sa Vie et ses Ouvrages, par M. de Cayrol.) » pp. 79-103

Cette fois, l’affaire parut plus grave ; quelques vers étaient de nature à mécontenter le Parlement. […] Quelques hommes distingués avaient perfectionné cet art misérable, qui était devenu leur fonds de nature, et la jeunesse, comme toujours, s’y portait à leur suite par imitation et singerie. […] Elle a d’assez beaux yeux, Pour des yeux de province……… On ne vit qu’à Paris, et l’on végète ailleurs… Tout le monde est méchant, et personne ne l’est… L’aigle d’une maison n’est qu’un sot dans une autre… L’esprit qu’on veut avoir gâte celui qu’on a… Et c’est là qu’on entend le cri de la nature… Et cent autres. […] Il est, je l’ai dit, et j’y reviens comme à la clef de mon explication, il est des natures poétiques qui vieillissent vite, et Gresset était de celles-là. […] et est-il bien vrai alors qu’on en ait eu réellement auparavant, j’entends du vrai goût, du franc, du meilleur, de celui qui tient à la première nature ?

1018. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jules de Glouvet »

Des professeurs vous diront que les anciens, qui ont tout connu, ont connu aussi bien que nous l’amour de la nature. […] Et je suis tenté de croire que, parmi les causes qui nous ont rendus si différents des hommes d’autrefois, même des hommes d’il y a cent ans, il faut tenir grand compte de celle-là, et que cet amour de la nature a profondément modifié l’âme humaine (je ne parle, bien entendu, que d’une élite). […] Et ses paysages aussi sont, pour la plupart, des inventaires et n’arrivent que rarement à faire tableau : c’est la nature vue par un juge d’instruction qui a appelé le paysage « à comparoir ». […] (Nous voyons dans la même page que « sa nature s’adaptait aux côtés dominants de cette vie physique. […] Plus tard on pourrait trouver, comme je l’ai déjà indiqué, que ce braconnier fait tout de même trop de bonnes actions ; mais il semble que sa bonté soit un produit naturel de sa vie en pleine nature, qu’elle soit aussi spontanée que son amour de la forêt.

1019. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de lord Chesterfield à son fils. Édition revue par M. Amédée Renée. (1842.) » pp. 226-246

Il écrivait à ce fils en toute sincérité : « Du premier jour de votre vie, l’objet le plus cher de la mienne a été de vous rendre aussi parfait que la faiblesse de la nature humaine le comporte. » C’est vers l’éducation de ce fils que s’étaient tournés tous ses vœux, toutes ses prédilections affectueuses et mondaines, et, vice-roi d’Irlande ou secrétaire d’État à Londres, il trouvait le temps de lui écrire de longues lettres détaillées pour le diriger dans les moindres démarches, pour le perfectionner dans le sérieux et dans le poli. […] Que chacun pense comme il veut, ou plutôt comme il peut, mais qu’il ne communique pas ses idées dès qu’elles sont de nature à pouvoir troubler le repos de la société. […] Tout ce petit cours d’éducation par lettres offre une sorte d’intérêt dramatique continu : on y suit l’effort d’une nature fine, distinguée, énergique, telle que l’était celle de lord Chesterfield, aux prises avec un naturel honnête, mais indolent, avec une pâte molle et lente, dont elle veut à tout prix tirer un chef-d’œuvre accompli, aimable, original, et avec laquelle elle ne réussit à faire, en définitive, qu’une manière de copie suffisante et estimable. […] La nature humaine est la même dans le monde entier ; mais ses opérations sont tellement variées par l’éducation et par l’habitude, que nous devons la voir sous tous ses costumes pour lier connaissance avec elle jusqu’à l’intimité. […] L’idéal, selon lui, serait d’unir les mérites des deux nations ; mais il semble, dans ce mélange, pencher encore du côté de la France : « J’ai dit plusieurs fois, et je le pense réellement, qu’un Français, qui joint à un fonds de vertu, d’érudition et de bon sens, les manières et la politesse de son pays, a atteint la perfection de la nature humaine. » Il unit assez bien lui-même les avantages des deux nations, avec un trait pourtant qui est bien de sa race.

1020. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Théodore Leclercq. » pp. 526-547

Le peu qu’on trouve à en dire ne sert que mieux à marquer la nature et l’originalité heureuse de son talent. […] Sociabilité, finesse et moquerie, tels étaient les principaux traits de ce charmant esprit, qui y mêlait, dans la pratique, de cette bonté facile et de cette indulgence assez ordinaire à ceux qui n’ont point placé trop haut l’idéal de la nature humaine. […] Là même où il pourrait paraître quelque charge, comme dans le proverbe de Madame Sorbet, la limonadière coquette et sentimentale, qui se pose en veuve désolée et qui ne pleure si haut son premier mari que pour en mieux attirer un second, que de traits pris sur la nature ! […] Il a été l’un des plus remarquables de cette élite d’archers et de frondeurs armés à la légère, devant qui se fondent les grosses armées, et d’autant plus remarquable en ceci, que, par nature, il était plus inoffensif et plus paresseux. […] Dans un de ses meilleurs proverbes, Le Jury, il n’a pas craint de railler la nature humaine jusqu’au cœur d’une des institutions les plus chères à l’opinion libérale.

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