Ceci soit dit sans faire bon marché pour notre nation de cette faculté de vraie critique qu’elle a toujours possédée et dont elle n’est pas si dénuée aujourd’hui.
Il y a comme des soleils de printemps pour les nations.
Un génie supérieur, quel qu’il soit, ne peut s’affranchir à lui seul de ce besoin du surnaturel, inhérent à l’homme ; il faut que la nation fasse corps avec le philosophe contre de certaines terreurs, pour qu’il soit possible à ce philosophe de les attaquer toutes.
Il faut voir dans Corneille comment, dans les âmes des héros, pour produire les révolutions soudaines des nations, parmi les grands intérêts des États et les raisons de la plus sublime philosophie, peuvent trouver place et prendre rang de causes efficaces les incidents familiers de la vie réelle, les relations sociales, les affections de famille, les situations communes que créent à tous les hommes les croyances et les institutions communes de l’humanité.
L’Italie le reconnut et le proclama elle-même avec un enthousiasme qui fut porté jusqu’à l’excès et lui fit répudier l’antique génie de la nation.
N’est-ce pas elle qui a introduit parmi nous ces Drames langoureux qui ne sont propres qu’à assoupir la Nation, & à bannir la bonne Comédie de notre Théatre ?
Depuis quelques années, il est du bon ton, dans la Littérature, de déprimer un Poëte qui a rendu les plus grands services aux Lettres, au goût, à la langue, & aux mœurs ; un Poëte estimé par excellence chez toutes les nations de l’Europe, & nommé par distinction le Poëte François.
David, Homère, Virgile, Le Tasse, Milton et Corneille, ces hommes, dont chacun représente une poésie et une nation, n’ont de commun entre eux que le génie.
Ils ont commencé tous deux à décider la caractère des écrivains de la nation.