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479. (1905) Pour qu’on lise Platon pp. 1-398

Tout plaisir naît d’un besoin et par conséquent il n’est que la trêve d’une douleur. […] Voilà un plaisir qui ne naît pas d’une souffrance. — Il naît certainement d’un besoin. […] Il y a des plaisirs qui naissent de besoins qui sont des souffrances. […] Il désire être immortel nominalement et c’est de là que naît l’amour de la gloire.

480. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier »

Nés dix ou quinze ans plus tard, et s’ils n’avaient eu que dix-sept ans en 1800, ces deux chefs de la pensée eussent-ils fait tête aussi fermement à l’assaut ? […] Charles-Emmanuel Nodier doit être à Besançon le 29 avril 1780, si tant est qu’il s’en souvienne rigoureusement lui-même ; le contrariant Quérard le fait naître en 1783 seulement ; Weiss, son ami d’enfance, le suppose en 1781. […] Il n’a pas non plus besoin d’Oberman pour naître, bien qu’il le lise de bonne heure et qu’il l’admire aussitôt ; mais si Oberman et René sont pour lui des frères aînés et plus mûris, ce ne sont pas ses parents directs, ses pères. […] Trilby, le frais lutin, put naître sans l’Ondine de La Motte-Fouqué ; Smarra se réclamait surtout d’Apulée. […] Deux ou trois tendres élégies, quelques chansonnettes nées d’une larme, surtout des contes délicieux datés d’époques déjà anciennes, firent comprendre avec regret que, si elle y avait plus tôt songé, il y aurait eu là en vers une nouvelle muse.

481. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre premier. Les caractères généraux et les idées générales. » pp. 249-295

Comment naît en nous un nom général et abstrait, et par quel mécanisme contracte-t-il avec nos représentations sensibles et nos perceptions particulières cette double attache exclusive qui lui donne sa signification et sa vertu ? […] D’abord l’idée naît avec le signe ; ensuite elle est rectifiée par degrés. […] En prolongeant cette petite tache de craie, nous voyons naître un tracé mince. En faisant mouvoir d’un bloc tout le tracé, nous voyons naître une surface plus ou moins grande. En reculant par la pensée la surface du tableau noir, nous voyons naître tout le tableau solide. — De cette construction générale, passons aux particulières.

482. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque (1re partie) » pp. 145-224

Mais, quant à y trouver une divinité parfaite, c’est ce que j’ose affirmer, si l’on peut affirmer quelque chose. » C’est néanmoins de ces consolantes conjectures, et de ces magnifiques probabilités, que le monde vit depuis qu’il est , et qu’il vivra jusqu’à son dernier jour. […] J’ai aussi des parents cependant ; car, pour me servir de l’expression d’Homère : Je ne suis point d’un chien ou d’un rocher, mais d’un homme !  […] « Alors, dit Phédon, il se mit sur son séant, plia sous lui la jambe qu’on venait de dégager des fers, la frotta de la main, et nous dit en la frottant avec une sensation de plaisir : “L’étrange chose, mes amis, que le plaisir et la douleur se tiennent de si près que l’un naisse ainsi de l’autre, quoique l’un soit le contraire de l’autre ! […] Ces choses, en effet, le jour et la nuit, la veille et le sommeil, la vie et la mort, se succèdent l’une à l’autre, mais ne procèdent pas, ne naissent pas l’une de l’autre. Le jour ne naît pas de la nuit, car la nuit est ténèbres, et le jour lumière ; la veille ne naît pas du sommeil, car la veille est l’homme éveillé, le sommeil est l’homme endormi ; la vie ne naît pas de la mort, car la vie est l’absence de la mort, et la mort est la privation de la vie.

483. (1857) Cours familier de littérature. III « XIIIe entretien. Racine. — Athalie » pp. 5-80

Il ne peut naître et se développer qu’en pleine et opulente civilisation. […] Jean Racine était à la Ferté-Milon, petite ville de l’ancienne province de Valois. […] Le nom de Racine se répandit par ce premier essai : cependant rien n’indiquait encore qu’un rival était au poète vieilli du Cid. […] D’ailleurs, excepté l’éloquence de la chaire qui éblouissait alors les temples dans la parole et dans la personne de Bossuet, l’éloquence civique et littéraire n’était pas née alors en France ; elle ne devait naître qu’avec la liberté. […] Cette Esther, qui a puisé ses jours dans la race proscrite par Aman, avait aussi sa ressemblance avec Mme de Maintenon née protestante.

484. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — II. (Fin.) » pp. 364-380

Elle n’y est pas plus tôt qu’elle sent avec quelles gens on la fait dîner : « J’étais née, dit-elle, pour avoir du goût » ; et elle entre à l’instant dans ce cercle d’élite comme dans sa sphère. […] Ce paysan est observateur et moraliste : il lit à livre ouvert les physionomies et les visages : « Ce talent, dit-il, de lire dans l’esprit des gens et de débrouiller leurs sentiments secrets est un don que j’ai toujours eu, et qui m’a quelquefois bien servi. » L’auteur, en faisant faire à son personnage un chemin si rapide à la faveur de sa jolie figure, a échappé à un écueil sur lequel tout autre romancier aurait donné ; il lui a laissé de l’honnêteté et s’est arrêté à temps avant la licence. […] J’ai ouï dire que Mlle Mars elle-même avait peu de sensibilité proprement dite ; mais elle était née pour jouer du Marivaux avec cette ingénuité habile, avec cet art du naturel, avec cet organe charmant, enchanteur, et cette voix sonore à travers laquelle se dessinaient les moindres intentions comme les perles dans une eau limpide. […] Un nouveau siècle était et avait grandi : Marivaux appartenait à l’époque de transition, à la génération ingénieuse et discrète de Fontenelle, de Mairan, de La Motte, et le monde désormais appartenait à Voltaire régnant, à Montesquieu, à Buffon, à Rousseau, à d’Alembert, à cette génération hardie et conquérante qui succédait de toutes parts et s’emparait de l’attention universelle : Marivaux a eu parmi nous, disait Grimm en 1763, la destinée d’une jolie femme, et qui n’est que cela, c’est-à-dire un printemps fort brillant, un automne et un hiver des plus durs et des plus tristes.

485. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — I » pp. 39-56

  Louis-Hector de Villars, en mai 1653, à Turin, disent les uns, où son père aurait été alors ambassadeur, ou plus probablement, selon les autres, à Moulins en Bourbonnais7, était fils de Pierre de Villars et de Marie de Bellefonds. […] Il était avide d’occasions, et quand elles ne s’offraient pas d’elles-mêmes, il courait les chercher ailleurs, jusqu’à les faire naître sous ses pas. […] pour la guerre, on sentit à Versailles qu’il pouvait être utile encore à autre chose. […] Villars, en effet, étant mort à Turin le 3 juin 1734, on se plut à dire qu’il était allé mourir dans la même ville et dans la même chambre où il était plus de quatre-vingts ans auparavant.

486. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Tallemant et Bussy ou le médisant bourgeois et le médisant de qualité » pp. 172-188

Du même âge que Bussy (Tallemant est vers 1619 et Bussy en 1618), fils d’un riche financier, nourri dans l’opulence et la jovialité bourgeoises, il nous a tenus au courant de ses belles passions de jeunesse, il a fait aussi son histoire amoureuse, mais que le ton est différent ! […] À la date où il rimait cette épître, si la prose de Tallemant en était au même point que ses vers, il avait bien baissé. —  et nourri dans la religion réformée, il se convertit en vieillissant ; on ne dit pas si c’est à l’époque de la révocation de l’Édit de Nantes. […] Allant partout, frayant avec les plus qualifiés et lié avec les plus gens d’esprit, aimant à tout écouter, à tout recueillir et à en faire de bons contes, « anecdotier » comme La Fontaine était « fablier » (le mot est de M.  […] On y apprend que Tallemant des Réaux naquit à la Rochelle, le jeudi 7 novembre 1619 ; qu’il mourut à Paris dans sa maison, rue Neuve-Saint-Augustin, près la porte de Richelieu, le 10 novembre 1692, et qu’il avait fait abjuration entre les mains du père Rapin, le 17 juillet 1685.

487. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — I » pp. 107-125

Cet homme paisible, aux goûts tout littéraires, pour le cabinet et pour la bibliothèque, ou pour une promenade modérée dans l’entretien de quelques amis, était sorti d’un des plus vaillants hommes de son temps, du brave Claude de Marolles, capitaine des Cent-Suisses de la garde du roi, célèbre par le combat singulier à la lance et la joute mortelle qu’il engagea devant les tranchées de Paris, le jour même de la mort de Henri III et le premier jour du règne de Henri IV, contre Marivaut, un des plus braves gentilshommes de l’armée du roi. […] Il naquit en Touraine le 22 juillet 1600. […] Colletet père, Marcassus, un de Molières qui n’est pas le grand Molière, et bien d’autres, étaient de cette société académique, qui naissait d’avance un peu surannée. […] Michel de Marolles est de ceux-là ; il échappe à l’oubli, et bien lui prend de pouvoir dire avec le plaisant et incomparable héros de Rabelais : « Je suis et ai été nourri jeune au jardin de France, c’est Touraine. » — La gloire !

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