/ 1213
122. (1912) L’art de lire « Chapitre III. Les livres de sentiment »

Ce qui nous fait sortir de la vie où nous sommes, ce n’est ni la littérature, si romanesque ou si poétique qu’elle puisse être, ni la peinture, ni la sculpture, c’est l’architecture et la musique, aux deux pôles, pour ainsi dire, de l’art : l’architecture qui, tout compte fait et quoiqu’on ait pu dire, ne copie rien et n’est que combinaison de belles lignes tout abstraites et tirées de notre conception intime et pure des belles lignes ; la musique qui ne copie rien et qui ne peint que des états d’âme et qui ne suggère que des états d’âme. Encore l’architecture ramène la pensée à la vie civile, en ce sens qu’un monument est fait pour recevoir une foule en vue de tel ou tel acte et doit jusqu’à un certain point avoir le caractère qui convient à cet acte, comme il a la forme qui s’y prête, et une école ne doit pas présenter les mêmes combinaisons de lignes qu’une église ; — et la musique seule est tout à fait l’art qui permet qu’on échappe à la vie et qui aide à en sortir ; et c’est l’expression même de la rêverie. […] Dans les livres de philosophie, on va chercher des idées générales, dans les romans réalistes des observations, dans les romans idéalistes de beaux sentiments, dans les poètes tout cela et de plus des inventions de rythme, des trouvailles de mélodie, d’harmonie, toute une technique, qui ici, a autant d’importance que le fond ; et de cette technique on ne jouit, à cette technique on ne se plaît, à cette technique on ne se joue amoureusement, que si soi-même on s’en est mêlé, que si on s’y est essayé, que si l’on en a mesuré les difficultés, que si l’on y a atteint soi-même à quelques petits succès relatifs ; comme il n’y a que les musiciens qui comprennent la musique, et les autres, quand ils croient y entendre quelque chose, sont des snobs, il n’y a que les hommes qui ont été un peu versificateurs qui comprennent les poètes. […] Il était homme, par conséquent, à se tourner du côté des arts, peinture, musique, mais sans doute il n’avait point ces goûts ou ces aptitudes, et il est peu à peu revenu à ce qui l’avait, sinon charmé, du moins intéressé vers la quinzième année, et il s’est aperçu, son intelligence et sa sensibilité s’étant accrues, que ces auteurs sont d’excellents et d’exquis aliments de l’âme et de l’esprit.

123. (1894) Notules. Joies grises pp. 173-184

Répudiées donc les demi-teintes, les nuances crépusculaires, les musiques lointaines, — charme et génie de Verlaine ; — bannies les chastes Aimées, immatérielles on dirait, dont le profil s’indécise en de froides brumes, d’un tel système d’art découlait nécessairement comme Corollaire la rime riche et rare. […] D’un art autrement délicat et difficile, est la notation, des paysages, des musiques et des états d’âmes un peu subtils. […] Je prends un exemple chez un poète où l’art de la musique du verbe est poussée jusqu’à la magie, Stuart Merrill : La vieille volupté de rêver à la mort À l’entour de la mare endort l’âme des choses.

124. (1885) L’Art romantique

L’art du coloriste tient évidemment par de certains côtés aux mathématiques et à la musique. […] Bientôt on causera musique, peinture peut-être, mais littérature infailliblement. […] La majesté fulgurante de cette musique tombait là comme le tonnerre dans un mauvais lieu. […] Essentielle au poëte, cette tendance le conduit jusqu’à la limite de son art, limite que touche immédiatement la musique, et, par conséquent, l’œuvre la plus complète du poëte devrait être celle qui, dans son dernier achèvement, serait une parfaite musique. […] La musique de l’avenir est enterrée ! 

125. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVIe Entretien. Marie Stuart (reine d’Écosse) »

Le français, l’italien, le grec, le latin, l’histoire, la théologie, la poésie, la musique, la danse se partageaient, sous les plus savants maîtres et sous les plus grands artistes, ses études. […] Il y a dans la musique une langue sans paroles, qui permet à ceux qui l’exercent ensemble de tout dire sans rien exprimer ; le sentiment vague et passionné de la voix ou de l’instrument, qui s’adresse à tous, ne peut offenser personne en particulier, mais il peut, au gré de celle qui l’entend, s’interpréter comme un hommage timide ou comme un soupir brûlant, auquel il ne manque que son nom pour devenir un aveu ; deux regards qui se rencontrent dans ce moment d’extase musicale achèvent la muette intelligence ; de là à une passion mutuelle, devinée ou avouée, il n’y a qu’un moment d’audace ou un moment de faiblesse. La musique a de plus, pour le musicien ou pour le chanteur, une autre séduction toute-puissante non-seulement sur les sens, mais sur l’âme même des femmes supérieures, c’est qu’elles attribuent naturellement à celui qu’elles écoutent les sentiments exprimés par la musique elle-même ; ces notes délicieuses, passionnées, héroïques de la voix ou de l’instrument leur paraissent contenir une âme ; à l’émission de ces sublimes ou touchants accords, elles ne peuvent séparer la musique du musicien, et la magie de l’air, de la voix ou de l’instrument se confond dans leur impression avec la magie de l’homme. […] Le palais n’était plein que de tournois, de festins, de chasses, de fêtes, de spectacles, de musiques, couvrant ou trahissant d’ignobles amours. […] » — « On vous dira, écrit à Catherine de Médicis Paul de Foix, son envoyé à Holyrood, la vie gracieuse et aisée de ladite dame, employant tous les matins à la chasse et le soir aux danses, musiques et mascarades ! 

126. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIIe entretien. Poésie lyrique » pp. 161-223

De là la musique, ce chant sans paroles, qui s’écrit en notes intraduisibles dans aucune langue, et qui dit cependant à l’oreille de l’homme plus de choses, et des choses plus douces et plus fortes, qu’aucune parole articulée n’en peut exprimer. […] L’art devient saint, la danse héroïque, la musique martiale, la poésie populaire. […] Ce jeune homme aimait la guerre comme soldat, la Révolution comme penseur ; il charmait par les vers et par la musique les lentes impatiences de la garnison. […] Elles aimaient le jeune officier ; elles inspiraient son cœur, sa poésie, sa musique ; elles exécutaient les premières ses pensées à peine écloses, confidentes des balbutiements de son génie. […] La femme du maire patriote n’était pas encore levée ; Dietrich l’éveilla ; il appela quelques amis, tous passionnés comme lui pour la musique et capables d’exécuter la composition de de Lisle.

127. (1767) Sur l’harmonie des langues, et en particulier sur celle qu’on croit sentir dans les langues mortes

Le diatonique et le consonnant doivent dominer dans la musique ; le dissonant, le chromatique doivent y être parsemés, mais avec sagesse. […] Une musique qui ne serait formée presque entièrement que de simples blanches ou de simples noires, serait certainement plus monotone, et par conséquent moins agréable, que si dans cette même musique, sans y rien changer d’ailleurs, on entremêlait avec intelligence et avec goût les noires et les blanches, et s’il résultait de là une mesure plus vive, plus marquée, et plus variée dans ses parties. […] Il arriverait la même chose qu’à la musique Italienne chantée par des étrangers ou par des Italiens. Les Italiens trouvent, et avec raison, que les étrangers l’écorchent ; un Français ou un Anglais qui chantent devant eux leur musique, leur font grincer les dents ; cependant ces étrangers, tout en écorchant la musique italienne, y éprouvent un certain degré de plaisir, et même assez vif pour affecter beaucoup ceux d’entre eux qui ne sont dénués ni de sentiment ni d’oreille.

128. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff (suite) » pp. 317-378

Toutefois, il aimait la musique avec passion, la musique sérieuse, la musique classique. […] Il finit par montrer sa musique à son hôte, lui joua et lui chanta même d’une voix éteinte quelques fragments de ses compositions ; entre autres, toute une ballade de Schiller, Fridolin, qu’il avait mise en musique. […] Il se mit à parler de musique, puis de Lise, puis de nouveau de musique. […] — Christophor Fédorowitch, quelle est cette merveilleuse musique ? […] — Vous ne savez pas s’il a laissé de la musique de sa composition ?

129. (1861) Questions d’art et de morale pp. 1-449

Rousseau, copiste de musique et compositeur lui-même, enthousiaste, peut-être peu judicieux, de la musique italienne, mit à la mode les discussions musicales. […] L’histoire de la musique appartient surtout à l’avenir. […] Le mot de musique a le même radical que celui de Muses. […] Le son des instruments de musique et des danses conformes au chant complétaient l’ensemble de l’hymne. […] La musique a la prétention tantôt de parler aux yeux, tantôt de s’adresser à la raison.

130. (1875) Premiers lundis. Tome III « Sur une pétition de directeurs de théâtres contre les auteurs, compositeurs et éditeurs de musique »

Simon Lévy, directeur du théâtre de Lille), se plaignent d’abus qui se seraient produits à leur préjudice et qui seraient du fait de diverses sociétés représentant les artistes compositeurs de musique. […] Après celle-ci et à côté de celle-ci, une autre société s’est fondée, la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique.

/ 1213