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379. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.) »

L’ennemi était en forces ; l’Électeur de Bavière, avec un corps considérable de troupes, ayant joint le duc de Savoie, Catinat n’eut plus qu’à se tenir sur la défensive, et il parut, dans le reste de cette campagne, « prendre continuellement la leçon de ses adversaires et ne régler ses mouvements que sur les leurs. » C’est ainsi, du moins, qu’en jugeaient les critiques sévères. […] Au mois de septembre 1692, à son camp d’Aspre, pendant la petite vérole du duc à Embrun, il se considérait dans une situation fort bonne pour être à portée de tout, et fort dangereuse pour les ennemis, s’ils faisaient un mouvement de plus en avant dans notre pays. […] On était au 23 septembre ; il promettait, pour donner de la marge, que le bombardement serait différé jusqu’au 26 inclusivement ; mais Catinat informé par Tessé ne put ni ne voulut faire ce mouvement qu’on lui demandait. […] Il trouve cette fois, pour assembler son armée et la porter au-delà des monts, une vivacité de mouvement inaccoutumée ; il était rendu en Italie le 1er octobre et tenait la plaine. […] Tessé ayant reproché à M. de Saint-Thomas la ruse du duc et le panneau dans lequel il avait voulu faire tomber Catinat à propos du bombardement de Pignerol, comme si un mouvement en avant du général français eût suffi pour l’en détourner, Saint-Thomas l’interrompit et lui dit : «  Moi, je vais vous conter l’histoire de la bataille que nous avons perdue, et je vous jure par tout ce qu’il y a de plus saint et de plus sacré que je vous parlerai vrai.

380. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XII. La littérature et la religion » pp. 294-312

Elle brûle, écrase, extermine ses adversaires ; mais, une fois son triomphe et sa tranquillité assurés, elle se reprend à imposer aux hommes et aux choses sa domination et le mouvement de révolte recommence. […] Mais il ne suffit pas de constater vaguement le mouvement qui emporte la société dans l’un ou dans l’autre sens. […] L’art lui devient suspect ; tout ce qui brille lui semble mauvais ; les grands mouvements comme le grand éclat sont proscrits. […] En ces moments où le mouvement de l’évolution, comme l’oscillation régulière d’un balancier, ramène les esprits vers les croyances et les institutions ébranlées, la littérature change de rôle. […] Ces limites se déplacent incessamment d’une génération à une autre ; tel qui fut rangé parmi les mécréants peut, vingt ans après, sans avoir changé d’opinion, se trouver classé dans le gros des demi-croyants  ; de l’aile gauche il a passé au centre sans avoir fait un mouvement.

381. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — II. (Suite.) » pp. 23-46

» Il assigna aux 10 000 hommes du maréchal des mouvements et des positions, et, sur la remarque que lui fit Marmont que, loin de disposer de 10 000 hommes qu’il n’avait plus depuis longtemps, il n’en avait guère alors que la moitié, l’Empereur (soit calcul, soit oubli) continua de raisonner dans la supposition des 10 000. […] Ordre fut donné devant les plénipotentiaires de ne faire aucun mouvement de troupes jusque-là. […] Au matin, Marmont était chez le maréchal Ney, lorsque le colonel Fabvier, arrivant en toute hâte d’Essonne, lui apprit que, contrairement à ses ordres, les généraux avaient mis les troupes en mouvement vers les lignes ennemies, et qu’une défection était imminente. […] Ce mouvement fatal, exécuté en un si fâcheux moment, avait été provoqué par une sorte de panique des généraux Souham et autres. […] Une des pièces les plus positives qu’il eût pu produire et qui est une lettre du général Bordesoulle à lui adressée, par laquelle les généraux s’excusent d’avoir exécuté ce mouvement du 4 au 5 avril qu’on était convenu de suspendre, cette lettre avait été négligée, omise par le maréchal, et ne fut retrouvée au fond d’un tiroir qu’après 1830, par ses amis, occupés alors à le justifier.

382. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Première partie. Écoles et manifestes » pp. 13-41

Entraîné d’un pôle à l’autre et sans cesse emporté dans un mouvement de pendule, l’esprit devenait incapable de se fixer, c’est-à-dire de choisir, de conclure et de se décider. […] L’origine de ce mouvement remonte à Renan dont l’influence a si lourdement pesé sur cette génération pénétrée de son esprit. […] Le symbolisme a augmenté la sensibilité esthétique de notre époque et, sans lui, le mouvement de renaissance latine ne se serait pas produit ou serait resté une simple continuation du lyrisme parnassien. […] Nous nous moquons de l’art pour l’Art et de ces questions si vaines et stériles…” « Paganisme, Chrétienté, Génie national, auxquels nous devrons ajouter le mouvement scientifique (qui remontant aux époques immémoriales de Prométhée et de l’inventeur de la charrue, pour aboutir à Képler et Ampère, modifie tous les jours la nature par ses nobles découvertes), voilà les quatre grandes traditions que doivent rénover pour une définitive synthèse, les jeunes et candides esprits, soucieux d’une œuvre humaine, conforme à la nature6. […] André Gide comme l’initiateur de ce mouvement.

383. (1920) Action, n° 4, juillet 1920, Extraits

On remarque enfin la présence du « suburbanisme », mouvement dont nous n’avons pas trouvé trace et qui nous paraît marquer le goût de la blague dont témoigne Action, et notamment Fels, comme le démontreront ses « Critiques » du n° 5 ou sa recension de Paris-Revue dans le n° 7, entre deux revues d’avant-garde. Le « mouvement » est ainsi présenté : Il existe, dans la banlieue de Paris, un groupe de poètes, qui ont résolu, sous une forme en quelque sorte communiste, le problème de la vie. […] Il ne s’agit pas d’un mouvement à intentions clownesques, à recherches extravagantes, mais bien d’un état d’esprit qui préoccupe toute une génération. […] Ardengo Soffici (1879-1964), peintre et écrivain italien, fondateur, avec Papini et Palazzeschi, de la revue florentine Lacerba (n° 1, janvier 1913), organe officiel du mouvement futuriste jusqu’en 1915. […] Settimelli, Maria Ginanni et les deux frères Bruno Corra et Arnaldo Ginna sont les fondateurs de la revue florentine L’Italia Futurista, organe du mouvement futuriste de juin 1916 à février 1918 (ibid.

384. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 1, de la necessité d’être occupé pour fuir l’ennui, et de l’attrait que les mouvemens des passions ont pour les hommes » pp. 6-11

Le changement de travail et de plaisir remet en mouvement les esprits qui commencent à s’appesantir : ce changement semble rendre à l’imagination épuisée une nouvelle vigueur. […] Les passions qui leur donnent les joïes les plus vives leur causent aussi des peines durables et douloureuses ; mais les hommes craignent encore plus l’ennui qui suit l’inaction, et ils trouvent dans le mouvement des affaires et dans l’yvresse des passions une émotion qui les tient occupez.

385. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 27, qu’on doit plus d’égard aux jugemens des peintres qu’à ceux des poëtes. De l’art de reconnoître la main des peintres » pp. 382-388

Le contour particulier du trait avec lequel chaque homme forme les vingt-quatre lettres de l’alphabet, les liaisons de ces caracteres, la figure des lignes, leur distance, la perseverance plus ou moins longue de celui qui a écrit à ne point précipiter, pour ainsidire, sa plume dans la chaleur du mouvement, comme font presque tous ceux qui écrivent, lesquels forment plus exactement les caracteres des premieres lignes que ceux des autres lignes, enfin la maniere dont il a tenu la plume, tout cela, dis-je, donne plus de prise pour faire le discernement des écritures que des coups de pinceau n’en peuvent donner. L’écriture partant d’un mouvement rapide et continu de tous les organes de la main, elle dépend entierement de leur conformation et de leur habitude.

386. (1927) Quelques progrès dans l’étude du cœur humain (Freud et Proust)

Oui, il y a, chez Proust, — pour nous résumer sur ce point — un immense mouvement de la pensée, entraîné et secondé, tandis que d’habitude il est troublé, par le désir, par la tristesse, par la douleur, — un immense mouvement de la pensée vers les faits tout purs. […] Mais justement aucune des femmes que Proust a connues et décrites, ne peut être un instant supposée avoir éprouvée ce mouvement, cette tentation du don de soi. […] Ou quand ce sont les émotions, ce sont celles que favorise un mouvement, qui éclosent pour ainsi dire dans son sillage. […] Et le premier mouvement de son génie est de poursuivre ce quelque chose, de tâcher de le reprendre, de l’extorquer au paysage, ou à l’être vivant qui se propose à lui. […] Vous voyez le double mouvement de son esprit.

387. (1856) Cours familier de littérature. I « IIIe entretien. Philosophie et littérature de l’Inde primitive » pp. 161-239

Cette force centrifuge lui imprime tout mouvement, comme la force centrifuge des planètes imprime leur rotation aux astres ; mais les astres eux-mêmes ne progressent pas indéfiniment, ils tournent sur leur axe immobile et dans des orbites prescrits. Le mouvement et le progrès sont donc deux choses dans le ciel : n’en serait-il pas de même dans l’esprit humain ? […] Mais cette fange, ce rayon, ce mouvement, cette puissance végétative, qui donc les avait créés avant que votre humanité fangeuse se dégageât de la mare immonde ? […] Sans cet instinct, l’homme s’arrêterait au second pas, s’assoirait le front dans ses mains sur la route, attendant la mort sans mouvement, ou la devançant par le suicide. Cette aspiration à un bonheur qui n’existe pas ici, est le ressort qui donne l’impulsion à toute vie et le mouvement à toute activité humaine.

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