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328. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE DURAS » pp. 62-80

Dans le monde et la haute société, ce mouvement d’esprit, si fécond alors et si imposant en promesses, avait pour centre et pour foyers deux ou trois salons dits doctrinaires. […] L’usage qu’elle fait des couvents et du prêtre la différencie surtout d’une manière bien tranchée d’avec Mme de Souza ; il y a entre elles deux, comme séparation sur ce point, tout le mouvement religieux qui a produit le Génie du Christianisme et les Méditations. […] Comme, à propos d’une de ces saillies de premier mouvement, un ami lui faisait remarquer qu’elle avait bien droit d’être ainsi libérale, fille qu’elle était de M. de Kersaint : « Oh ! […] Ainsi l’on pouvoit voir en ces trois serviteurs de Dieu trois différents mouvements : en l’un la crainte du châtiment, en l’autre l’espoir de la recompense, et dans le dernier le désintéressement et la tendresse d’un parfait amour. » Et n’admirez-vous pas comment l’esprit chrétien se maintient fidèle, en ceux qui l’ont, à travers les siècles, et arrive à peu près dans le vieil abbé du Sinaï ou dans la grande dame de nos jours aux mêmes distinctions morales et aux mêmes éclaircissements ? […] De la lecture rapide qu’il m’a été donné de faire de l’un de ces ouvrages (Olivier), j’avais pris en note quelques pensées, notamment celles-ci : « Il y a des êtres dont on se sent séparé comme par ces murs de cristal dépeints dans les contes de fées : on se voit, on se parle, on s’approche, mais on ne peut se toucher. » « Il en est des maladies de l’âme comme de celles du corps : celles qui tuent le plus sûrement sont celles qu’on porte avec soi dans le monde ; il y a des désespoirs chroniques (si on osait le dire) qui ressemblent aux maux qu’on appelle ainsi : ils rongent, ils dévorent, ils détruisent, mais ils n’alitent pas. » « Le désaccord dans les mouvements du cœur irrite comme le désaccord en musique, mais fait bien plus de mal.

329. (1899) Esthétique de la langue française « Le vers libre  »

Ces vers sont régis par le mouvement intérieur de la pensée, et non plus par un mouvement extérieur et imposé d’avance. […] C’est là un art agréable, mais ce mouvement est-il vraiment nouveau dans la versification française ? […] A peine s’est-on laissé aller à un bercement, que l’on se réveille secoué par une brusque volte du mouvement ; cette discontinuité du rythme entraîne la discontinuité du ton : il y a tangage et il y a roulis. […] La Vie de Saint-Chef210 a plus de mouvement : Cujas tanc temporis candidissima fama, Famosissima claritudo, Clarissima miraculoram coruscatio Non solum vicina quaeque loca, Verum etiam totius Europae terminos Adusque Oceani limbos Illustrabat.

330. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Appendice aux articles sur Roederer. (Voir page 393.) » pp. 533-543

C’est déjà un plaisir assez grand que celui de faire la guerre ; on est dans le bruit, dans la fumée, dans le mouvement : et puis, quand on s’est fait un nom, eh bien ! […] (Il fait un mouvement de la main qui figure la position et le mouvement d’un homme à cheval qui galope. […] Ces hommes-là ne donnent point de mouvement au soldat ; il faut sous eux des officiers qui aient de l’ardeur et du feu.

331. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Frochot, Préfet de la Seine, histoire administrative, par M. Louis Passy. »

Frochot, né à Dijon en 1761, marié fort jeune, établi prévôt royal et notaire dans le bourg d’Aignay-le-Duc, avait vingt-huit ans au moment du grand mouvement de 89 : il en partageait les vœux et les espérances, et il fut porté comme député aux États-Généraux. […] De là sa foi persévérante en la vertu immaculée de Mirabeau, et d’ailleurs, l’eût-on poussé à bout, il avait droit de dire, comme il fit un jour sous le coup de l’insulte et dans un mouvement d’apologie courageuse pour son ami : « Si pourtant il se trouvait coupable ! […] Mais dans le bourg d’Aignay, comme ailleurs, les luttes commencèrent : l’étendue et la hauteur du théâtre n’y font rien ; c’étaient sous d’autres noms les mêmes hommes, les mêmes passions et les mêmes mobiles, les mêmes défections d’amitié, les mêmes arriérés de haine, les mêmes envies d’humilier, les mêmes besoins d’arriver à son tour, que sur la scène principale et centrale ; et Frochot eut à déployer les mêmes qualités de modération et de fermeté dont il aurait eu à faire preuve, s’il avait été de la Législative ou de la Convention. — Louis XIV demandait un jour au cardinal de Janson, aussi bon négociateur qu’habile courtisan, où il en avait tant appris : « Sire, répondit le cardinal, c’est en courant la nuit avec une lanterne sourde, tandis que j’étais évêque de Digne, pour faire les consuls d’Aix. » Et Lisola, le célèbre diplomate franc-comtois, disait qu’il s’était très bien trouvé, dans les grandes affaires, des subtilités qu’il avait apprises « dans le ménage municipal de Besançon. » Une seule maison quelquefois suffit à qui veut observer les variétés des passions humaines : un seul bourg peut suffire, en un temps d’agitation populaire, pour soulever et faire sortir toutes les variétés d’ambitions et de haines, et pour exercer d’autre part toutes les vertus civiques ; Frochot eut de quoi en faire de plus en plus l’apprentissage : il s’honora par toute sa conduite durant ces temps calamiteux ; il y montra une fermeté qui tenait encore chez lui au premier mouvement et à l’impulsion du sang dans la jeunesse. […] Comme le dit son ami Regnaud de Saint-Jean-d’Angély, d’un mot expressif à la fois et indulgent, « ce jour-là et à cette heure-là, Frochot fut frappé d’une sorte d’apoplexie morale. » Il n’en revint, une demi-heure après, que par un autre mouvement excessif, et qui peint bien le désordre de sa pensée ; lorsqu’il apprit que tout ce qu’il avait cru d’abord n’était qu’une déception et qu’un rêve, quand les écailles tout à coup lui tombèrent de dessus les yeux : « Ah !

332. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre II. Diderot »

Avec une rapidité surprenante dans les mouvements, dans les désirs, dans les projets, dans les fantaisies, dans les idées, ils ont le parler lent. […] Il a besoin qu’un choc du dehors mette en mouvement les tourbillons de sa pensée, il ne peut donner lui-même la chiquenaude. […] Le monde est un vaste billard, où une infinité de billes roulent, se croisent, se choquent, formant un inextricable réseau de mouvements nécessaires, qui ne s’épuisent jamais. […] Dès qu’il conte, il voit ; figures, mouvements, locaux et accessoires, tout est dans son œil, vient sous sa plume ; et son conte est une suite d’estampes.

333. (1875) Premiers lundis. Tome III « Profession de foi »

La première idée, la conception du Globe, lorsqu’il fut fondé il y a près de sept ans (et celui qui parle ici est plus compétent que personne pour décider ce point), consistait à recueillir et à présenter au public français tous les travaux scientifiques, littéraires et philosophiques de quelque importance dans le grand mouvement pacifique qui commençait à emporter de concert les nations civilisées du monde. […] Alors pourtant le Globe eut son unité, et cette unité pleine d’accidents, de saillies, de sentiments probes, de pensées utiles, fut, non plus une idée générale un peu vague et confuse dans sa réalité lointaine, mais un homme ; un homme de premier mouvement et d’action, d’une intelligence ouverte, d’une parole incisive, écrivain loyal, âpre et intrépide, tous les jours sur la brèche, à l’aise et en plein sur le terrain mouvant de la liberté ; répandant sur l’ensemble parfois discordant du journal l’unité passionnée, et sans cesse renaissante, de sa physionomie ; liant, non par des liens, mais par des étincelles électriques, en quelque sorte, les portions les plus excentriques du cercle ; nature impressive et rapide, embrassant par son impartialité la nuance doctrinaire, et par sa verdeur la nuance républicaine : c’est assez désigner M. […] Nous le voulions actif, généreux, fertile en initiatives de progrès, entretenant la confiance par son mouvement, ayant un cœur, non pas tel qu’un bourgeois peureux, bonhomme égoïste et cupide ; mais fidèle à son origine et à sa fin ; tout au vrai peuple, en France et ailleurs ; sans arrière-pensée, sans système honteux de replâtrage.

334. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre I. Influence de la Révolution sur la littérature »

Le mouvement des idées et des passions politiques, l’imitation prétentieuse et sincère de la fermeté Spartiate, de l’héroïsme romain, ont renforcé le courant artistique qui, dès le temps de Louis XVI, ramenait le goût antique dans la peinture comme dans les lettres. […] Mais les rédacteurs sont des esprits curieux, très au courant du mouvement scientifique ou littéraire, en France et à l’étranger. […] Desmoulins (1760-1794). né à Guise, fit son droit, prit une part active aux mouvements populaires de la Révolution, se fit journaliste, fut élu député de Paris à la Convention, et devint secrétaire général de Danton, ministre de la justice.

335. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XI. Trois bons médanistes : Henry Céard, Joris-Karl Huysmans, Lucien Descaves » pp. 145-156

Huysmans a le plus souvent choisi pour héros un homme de lettres, et, qu’il s’appelle André dans En ménage, ou Durtal comme aux derniers livres, il est le même être, en mouvement, et bien cousin de l’auteur… Maintenant, on voit mal M.  […] Lucien Descaves applique son talent de romancier à la description de milieux sociaux ou naturels, hier les casernés, aujourd’hui les aveugles, envisagés non descriptivement, en teinte plate, et au repos mort d’une pose même instantanée chez le photographe, mais en mouvement, en vie active. […] C’est la vie, dans son complexe mouvement physiologique, dans son devenir incertain et émouvant que ses livres savent évoquer.

336. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Conclusions » pp. 169-178

Conclusions Nous voici parvenu au second relai de notre randonnée à travers le mouvement symboliste. […] Le vif mouvement de curiosité qu’ils avaient éveillé, à leurs débuts, n’avait été qu’un feu de paille. […] Je n’ai effleuré dans ce livre le mouvement roman qu’en tant qu’il fut mêlé à l’aventure symboliste, me réservant de lui consacrer ailleurs une étude spéciale.

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