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629. (1767) Salon de 1767 « Peintures — La Grenée » pp. 90-121

Sera-ce au mot froid de l’abbé ? […] Cela parle aux yeux, mais cela ne dit pas le mot à l’esprit, ni au cœur. […] Cela parle encore et cela s’entend, sans dire le mot. […] C’est un bon mot usé, dès qu’il est redit. […] En un mot, la peinture est-elle l’art de parler aux yeux seulement ?

630. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre I. Les Saxons. » pp. 3-71

On juge bien que, dans un tel état, l’ordre régulier des mots et des idées est à chaque pas brisé. […] Quelqu’un a dit que le premier et le plus sincère des hymnes est ce seul mot ô ! […] Mot de Milton (Kites and Crows). […] Ce mot désigne les hommes qui combattaient sans cuirasse, probablement vêtus d’une simple blouse. […] Mot de Guillaume de Malmesbury.

631. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Préface pour les Maximes de La Rochefoucauld, (Édition elzévirienne de P. Jannet) 1853. » pp. 404-421

Duplessis, que la mort a enlevé si inopinément et d’une manière si sensible pour sa famille et pour ses amis le 21 mai dernier74, avait préparé cette édition de La Rochefoucauld : c’est à lui qu’on en doit la distribution, l’ordre, les notes, toute l’économie en un mot ; il n’y manquait plus que quelques pages qu’il devait mettre en tête : on vient me demander, à son défaut, de les écrire et de le suppléer. […] Comme on le respecte beaucoup, on attend qu’il ait fini pour glisser un mot ; mais il a trouvé l’art de ne jamais finir ; car, ayant respiré en toute hâte au milieu d’une parenthèse, il repart et court de plus belle, si bien que la parole lui reste toujours, que sa phrase commencée dans un salon se continue dans un autre ; que dis-je ? […] Au moment le plus grave du premier empire assyrien ou de l’ère de Nabonassar, il grasseye tout d’un coup en prononçant certains mots que tout à l’heure il prononçait bien. […] C’est le même écrivain qui dira de Mme de Sévigné qu’elle est « une incomparable épistolière », appliquant à ce charmant et libre esprit un mot de métier, qui ne convient qu’à Balzac, épistolier de profession en effet, et qui en avait patente. […] Il est possible que les mots soient tous de la langue du xviie  siècle, mais les mouvements n’en sont point.

632. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Sénecé ou un poète agréable. » pp. 280-297

Il brille d’une lumière éblouissante comme s’il était d’un seul diamant ; son éclat n’est pourtant point sa plus belle qualité, car il échauffe, il anime, il vivifie ; en un mot, il est comme le soleil du climat où il est situé. […] L’épigramme, chez les Grecs, n’est souvent que cela, un mot, une larme, un regret, un désir, un sourire, un sentiment vif et fugitif qu’on veut fixer. […] Dans les langues modernes, où le tour est moins marqué, où la langue en elle-même n’a pas à peu de frais, comme chez les anciens, sa grâce, sa cadence, et où les mots ont moins d’énergie et de jeu, il faut, en terminant, ce qu’on appelle le trait et la pointe. […] Le Brun, le plus complet des modernes en ce genre, en a résumé, au reste, toute la théorie dans l’épigramme suivante : Le seul bon mot ne fait une épigramme ; Il faut encore savoir la façonner. […] Et le bon mot avec grâce amener.

633. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Lammenais » pp. 22-43

En un mot, il n’a pas de convictions proprement dites comme tel ou tel philosophe, il n’a que des croyances. […] Ce mot d’avenir est magique pour lui et lui fait mirage. […] Il est d’un naturel, en effet, d’un sincère, d’une intrépidité sans égale, d’une imprudence à faire peur ; il justifie ce mot de l’abbé Frayssinous sur lui (seule réponse à tant d’injures) : « Cet homme d’une candeur effrayante… » Il justifie cet autre mot de son frère, l’abbé Jean, qui le nomme de son vrai nom : « Dieu l’a fait soldat !  […] Tout à la fin de mars ou dans les premiers jours d’avril 1834, M. de Lamennais, avec qui j’étais lié alors (et avec lui on ne l’était pas à demi), m’écrivit un mot par lequel il m’exprimait le désir de me voir pour une affaire qui pressait. […] J’allai immédiatement chez l’éditeur Eugène Renduel, qui consentit au premier mot, en regrettant seulement que l’auteur ne voulût point se nommer.

634. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres publiées par M. de Falloux. »

» « L’attention est une tacite et continuelle louange. » « Le repentir, c’est le remords accepté. » Elle excelle à faire des provisions de mots qui ensuite assaisonnent le discours et lui donnent du piquant ou de la profondeur ; qui sont comme des clous brillants ou comme des coins qui enfoncent. […] sous les yeux de Jésus-Christ nous pouvons faire descendre quelques rayons de soleil pour éclairer, ranimer, réchauffer le soir de notre vie. » Elle a remarqué pourtant que Jésus-Christ n’a pas laissé d’enseignement direct et d’exemple pour la vieillesse ; « qu’il n’a pas sanctifié cet âge en le traversant », qu’en un mot il a voulu mourir jeune et n’a pas daigné vieillir. […] « La nuit de notre exil, dit-elle, peut avoir des ombres, mais elle n’a point de ténèbres. » Elle excelle à ces nuances incroyables, à cet art d’opposer entre eux les mots les plus voisins parle sens, de manière à multiplier la pensée en la divisant, et à faire croire peut-être à plus de choses possibles qu’il n’y en a ; c’est ainsi qu’ailleurs elle dira, en jouant sur ces mots unisson, union, unité : « Il n’y a rien de si attractif pour les belles âmes qu’une belle âme ; et quand cette harmonie qui se devine existe, il faut peu de chose pour que, partant de l’unisson, on arrive à prétendre à l’unité. […] Pour en être resté avec Mme Swetchine à ce degré de haute estime où j’ai même glissé le mot d’admiration, on ne saurait s’imaginer quantité d’injures signées ou anonymes, manuscrites ou imprimées, que j’ai eu à essuyer. […] Je glisse en passant un tout petit mot qui n’a l’air de rien et qui a sa philosophie.

635. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite) »

Dans son mélange de rêverie et d’épreuve, de réalité et de chimère, il songeait par moments à la Corse dont Rousseau était censé faire la Constitution et qui semblait sur le point de se régénérer : « En un mot, cher ami, je cherche un pays où je n’entende point le peuple se plaindre du gouvernement, où l’on puisse parler avec plaisir et des lois et de leur exécution, où l’étranger n’ait rien à craindre des citoyens, ni ceux-ci de leurs régisseurs. […] Il continue ainsi : « Ce mot de vos paysans, en montrant les ruines d’un village que la fièvre a détruit : La mort y a passé, ce mot m’a fait frémir. […] En vérité, il ne faut qu’une cabane dans un séjour d’apparition où nous ne sommes que des Ombres occupées à en voir passer d’autres, et où les mots d’établissement, de projets, de gloire, de grandeurs, ne peuvent exciter que la pitié. » Et tout à coup, une autre fois, à propos de la mort ou de la maladie de quelques membres de l’Académie, Condillac, Watelet, M. de Beauvau : « Mon ami, je regarde nos quarante fauteuils comme quarante tombes qui se pressent les unes contre les autres. » Mais ceci tourne à l’imagination funèbre et devient trop effrayant. […] Tel qu’il apparaît jusque dans son incomplet, et tout mal servi qu’il était par l’instrument insuffisant de la langue poétique d’alors, par cette versification solennelle qui, dans le noble, excluait les trois quarts des mots, presque toutes les particularités de la vie et tous les accidents de l’existence réelle, ce poète en Ducis éclatait assez pour se donner à tout instant la joie de l’air libre et de la grande carrière, tandis que le pauvre Deleyre avec son expression hésitante, ses nuances exquises, suivies d’empêchement et de mutisme, n’était qu’un malade, un romantique venu avant l’heure et cherchant sa langue. […] Sans qu’un seul mot y vise à la conversion, n’est-ce pas la prédication la plus éloquente ?

636. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Méditations sur l’essence de la religion chrétienne, par M. Guizot. »

Mais le matérialisme n’est pas le dernier mot du genre humain. […] Ne lui en demandez pas ; il rougirait de se payer et de vous payer de ce qui n’est pour lui que sons et vains mots. […] Le mot simule l’idée, et, s’il est brillant, il lui prête la vie. […] Mon remerciement est aussi sincère que le mot par lequel vous avez bien voulu terminer votre article. […] C’eût été, de ma part, une outrecuidance et, tranchons le mot, une fatuité.

637. (1890) L’avenir de la science « V »

Philosopher est le mot sous lequel j’aimerais le mieux à résumer ma vie ; pourtant, ce mot n’exprimant dans l’usage vulgaire qu’une forme encore partielle de la vie intérieure, et n’impliquant d’ailleurs que le fait subjectif du penseur solitaire, il faut, quand on se transporte au point de vue de l’humanité, employer le mot plus objectif de savoir. […] Tout ce que je sais, c’est que, si elle ne le fait pas, nul ne le fera, et que l’humanité ignorera à jamais le mot des choses ; car la science est la seule manière légitime de connaître, et, si les religions ont pu exercer sur la marche de l’humanité une salutaire influence, c’est uniquement par ce qui s’y trouvait obscurément mêlé de science, c’est-à-dire d’exercice régulier de l’esprit humain. […] Rien de mieux, pourvu qu’il soit bien entendu qu’on n’y enseignera pas autre chose qu’à la Sorbonne ou au Collège de France, que ce seront en un mot des écoles dépouillées de leur vernis pédagogique. […] La question de l’avenir des religions doit donc être résolue diversement, suivant le sens qu’on attache à ce mot. […] Si au contraire on entend par ce mot une croyance accompagnée d’enthousiasme, couronnant la conviction par le dévouement et la foi par le sacrifice, il est indubitable que l’humanité sera éternellement religieuse.

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