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493. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la révolution française — I. La Convention après le 9 thermidor. »

En même temps, la déportation déjà prononcée contre Billaud, Collot et Barrère, parut trop douce, et l’on décida de les soumettre à un nouveau jugement, c’est-à-dire de les envoyer à la mort. […] Le vieux Ruhl, qu’on avait seul excepté du décret d’accusation, ne voulait pas de ce pardon ; il croyait la liberté perdue, et il se donna la mort d’un coup de poignard. […] Ils furent néanmoins condamnés à mort. […] Au reste, leurs morts sanglantes, qui viennent les dernières après tant de morts illustres, sont dignes de figurer avec elles sur les mêmes tables de proscription, et de clore ces listes funèbres aussi déplorables que glorieuses.

494. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIII » pp. 109-125

Descartes était mort en 1650, Sarrazin et Balzac en 1654. […] Orpheline depuis l’âge de 5 ans, élevée par un oncle respectable, instruite par Ménage, mariée à 18 ans, veuve à 26, retirée pendant deux années qu’elle emploie à l’éducation de ses enfants et à l’arrangement de leur fortune, sachant le latin, l’espagnol, l’italien et la littérature, ses premiers pus dans la société se tournent vers l’hôtel de Rambouillet ; la marquise, âgée, isolée par le mariage de sa fille, désolée de la mort de son mari et de celle d’un fils de 31 ans arrivées à un an de distance, fut la première personne dont madame de Sévigné, belle, brillante de jeunesse, d’esprit et de savoir, rechercha la société et ambitionna la confiance. […] Le duc de Saint-Simon parle de l’hôtel d’Albret comme d’une maison somptueuse, où affluait la meilleure compagnie, et il en suppose l’existence du vivant de Scarron, mort en 1660. […] Ses habitudes d’intrigue finirent en 1661, à la mort du cardinal Mazarin. […] Elle écrivait à madame de Guittaut, après la mort de madame de La Fayette, que leur amitié de quarante ans n’avait jamais eu le moindre nuage, que son goût pour madame de La Fayette avait toujours été vif et nouveau.

495. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Balzac »

Le dix-huit Brumaire de Balzac n’a eu lieu qu’après sa mort. […] le plus touchant et le plus beau, l’intérêt majeur de ce volume de lettres, c’est particulièrement celles-là que Balzac a écrites à la femme qu’il a épousée, et qui fut, jusqu’à sa mort, son inspiration, son idée fixe, et comme il disait : « son étoile polaire ». […] L’homme n’existe dans ses mérites divins que par le cœur et par l’esprit, et les lettres d’amour de Balzac devaient être publiées, parce qu’elles importent au Cœur humain comme le système de la gravitation importe à l’Esprit humain, et devrait être publié si, Newton mort, il était resté inédit. […] « Quand la maison est bâtie, — disent les Turcs, — la mort entre. » C’est pour cela, ajoutait Gautier, qu’ils ont toujours un palais en construction quelque part. — Mais ce n’était pas un palais que Balzac, le constructeur des palais de la Comédie humaine interrompue, avait en construction : c’était cent palais ; et ce n’est pas ces cent palais en construction qui ont empêché la mort d’entrer !

496. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Alexis de Tocqueville »

… Si tous les amis de France s’avisaient de publier tous les papiers laissés par leurs amis morts, lesquels, eux, de leur vivant, se gardaient bien de les publier, de quel déluge de choses médiocres et même plates ne serions-nous pas inondés ? […] C’était l’Ancien Régime et la Révolution, que la mort — une mort prématurée — ne lui a pas permis d’achever. […] Mort, enfin, car il est des acharnements de fortune comme il y a des acharnements de malheur, il eut pour successeur à l’Académie française et pour y faire son oraison funèbre, un des hommes qu’on a été le plus étonné d’y voir, le P.  […] Voilà pour la forme, c’est-à-dire pour ce qui fait la vie des livres et leur durée, quand les idées sur lesquelles ils reposent sont décrépites ou mortes ; mais pour le fond, c’est aussi les idées de tout le monde qui lui créent son originalité, à ce penseur, comme c’est la courte vue de tout ce monde qui se chausse de lunettes d’écaille qu’il promène sur les événements contemporains et la politique, qui devait les dominer… Seulement, penser et parler comme tout le monde pense et parle à une certaine hauteur de société, explique peut-être suffisamment aux esprits profonds que tout ce monde, qui se reconnaît en de Tocqueville, lui ait fait un honneur si exceptionnel !

497. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Auguste Barbier »

Il est vrai que cette gloire, qui, vu l’esprit de l’époque, tendrait un peu à devenir momie, Hugo et Lamartine, pour la raviver et pour la rajeunir, l’ont plongée, comme le vieil Éson, dans la cuve bouillante de la politique, tandis qu’Auguste Barbier, qui est sorti de cette cuve-là comme le bronze de la fournaise, n’y est pas rentré, et s’est — comme les morts — froidi à l’écart. […] S’il ne grandit point dans l’Art, puisque j’ai dit que dès le premier coup il y fut complet, comme dans la gloire, il s’y féconda et il publia successivement ces merveilles : Le Lion, L’Émeute, La Popularité, Melpomène, Le Rire, Desperatio, Les Victimes, Terpsychore, L’Amour de la mort, La Reine du monde, La Machine, Le Progrès et L’Idole, L’Idole, qui, dans la préférence que l’on donne à des beautés égales, me semble ce qu’il y a de plus beau. […] Comme après La Curée, après ces douze chefs-d’œuvre que nous venons d’énumérer si le poète des Iambes était mort, il aurait laissé une immortalité d’autant plus belle que le regret, le regret de l’avoir perdu dans la plénitude de sa force, aurait ajouté à ses œuvres finies la poésie d’œuvres qu’il n’aurait pas faites. […] Depuis, cette inspiration par laquelle il fut sembla l’avoir abandonné, et je dis moi-même alors que le génie était mort en lui. […] On les croit morts, comme Franklin et comme Lapérouse… mais ils ne sont peut-être que disparus, et, plus heureux, prêts à revenir.

498. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1887 » pp. 165-228

Nous causons avec Francis de l’armée, et il me dit qu’il n’y a plus de démissions à cause de la politique : la légitimité ayant été tuée par la mort du comte de Chambord, l’impérialisme par la mort du prince impérial, l’orléanisme par la veulerie des princes d’Orléans. […] Agacé, il lui flanque un coup de pied, qui le jette à demi mort au milieu de la cuisine. […] Les Arabes condamnés à mort, en sa présence, ne laissaient rien voir de leur peur de la mort, dans l’expression des yeux, dans le port de la tête, dans l’ensemble des attitudes, mais en les regardant bien, on remarquait un battement de l’artère du cou, une agitation nerveuse de la pomme d’Adam. […] C’est la première fois que je manque, pendant cette semaine des Morts, à la visite sur la tombe de mon frère. […] Et tout le monde sait que les trois porteurs des chapeaux verts, sont morts fous.

499. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Œuvres complètes d’Hyppolyte Rigault avec notice de M. Saint-Marc Girardin. »

La mort de son père changea ce plan, et il se tourna vers la carrière du professorat. […] Je ne sais trop, mais il est bien mort, et quand il s’est agide le juger à son décès académique, il était depuis longtemps enterré. […] En bonne et sage tactique, on ne doit jamais tuer l’adversaire ni le haïr à mort, car on en vit. […] Quand Fréron mourut, Voltaire s’écria : « Fréron est mort, qu’allons-nous faire ? […] Sa mort si brusque, précédée et accompagnée de circonstances particulièrement touchantes, excita un sentiment de regret universel.

500. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. PROSPER MÉRIMÉE (Essai sur la Guerre sociale. — Colomba.) » pp. 470-492

La mort surtout de chacun de ces chefs indomptables a de quoi se graver dans la mémoire, par la manière dont l’historien nous l’a fixée. […] Cinquante mille morts des deux partis étaient étendus sur le champ de bataille. « Longtemps, dit l’historien, on chercha Télésinus. […] Heureux si la mort le surprit tandis qu’il se croyait vainqueur !  […] Tel fut le genre de mort que choisirent Marius et Télésinus. […] Elle se compare dans sa plainte au rossignol qui a perdu ses petits ; elle s’écrie à qui la veut consoler : « Insensé qui peut oublier ses parents morts de la male mort !

501. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le surintendant Fouquet. (Article Fouquet, dans l’Histoire de Colbert, par M. P. Clément.) 1846. » pp. 294-312

Brienne, en sortant du château de Vincennes, rencontra Fouquet qui venait à pied par les jardins et à qui il apprit cette mort, ajoutant que le roi voulait lui parler ; et Fouquet, se voyant en retard, s’écria : « Ah ! […] Six mois s’étaient écoulés depuis la mort de Mazarin : ce fut le temps qu’il fallut pour consommer cette ruine et opérer ce coup de maître. […] Elle et les partisans de Fouquet ne craignent rien tant qu’une chose, c’est la peine de mort, cette peine que le roi désire, et qu’il n’aurait point commuée. […] Mais le plus grand témoignage rendu à Fouquet dans sa disgrâce, fut assurément celui du poète Brébeuf, lequel, dit-on, mourut de chagrin et de déplaisir de le savoir arrêté : voilà une mort qui est à elle seule une oraison funèbre. […] On ne songea pas plus à Fouquet qu’à un mort, dont le nom revient à peine quelquefois dans l’entretien.

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