Non ; il va détruire : il ne peut enfanter que la mort ! […] c’est pour lui qu’on a formé ces cabinets, écoles où la Mort, la faux à la main, est le démonstrateur ; cimetières au milieu desquels on a placé des horloges pour compter des minutes à des squelettes, pour marquer des heures à l’éternité ! C’est dans ces tombeaux où le néant a rassemblé ses merveilles, où la dépouille du singe insulte à la dépouille de l’homme ; c’est là qu’il faut chercher la raison de ce phénomène, un naturaliste athée : à force de se promener dans l’atmosphère des sépulcres, son âme a gagné la mort. […] Quelle ample matière de réflexions sur cette histoire de l’arbre de science, qui produit la mort !
Que la vie renaisse de la mort, cela est certain ; mais la mort est un terme après lequel les conditions d’existence sont changées. […] Déjà la vie, déjà la mort l’assiègent de leurs mystères ; à qui s’adressera-t-il ? […] La ville des morts ressemble à la ville des vivants. […] Tu es dans cet état semblable à la mort qui précède et prépare la vie. […] Et ces phénomènes, que nous appelons mort, sont encore de la vie, de la vie à part, si je puis parler ainsi, mais de la vie ; car la mort absolue est une pure conception de notre esprit.
Boileau, [Gilles] Contrôleur de l’Argenterie du Roi, de l’Académie Françoise, né à Paris en 1631, mort dans la même ville en 1669. […] Des feux de mon bûcher, j’irai jusqu’en l’abîme Allumer dans ton cœur les remords de ton crime ; Et mon ombre par-tout te suivant pas à pas, Te montrera par-tout ton crime & ton trépas ; Et jusque dans l’Enfer faisant vivre ma haine, Mon ame, chez les Morts, jouira de ta peine, Ceux qui connoissent les vers Latins, verront qu’il seroit difficile de les rendre plus fidélement. […] Mourons donc, puisqu’enfin, dans l’état où je suis, La mort est l’espoir seul qui reste à mes ennuis.
Rancé, [Dom Armand-Jean le Bouthillier de] Chanoine de Notre-Dame, puis Abbé de la Trappe de l’Ordre de Cîteaux, né à Paris en 1626, mort à la Trappe en 1700. […] L’Abbé de Rancé a encore ajouté à ses autres travaux une Relation de la vie & de la mort de quelques Moines de la Trappe, en 4 vol. où, d’un style simple & plein d’onction, il trace des tableaux propres à édifier & à mettre les sentimens de la Religion dans tout leur jour. […] Ne vaudroit-il pas mieux qu’il y vécût lui-même dans un sage silence, que de faire entendre une voix qui a si souvent outragé les vivans & les morts ?
Et moi aussi, c’est à travers le souvenir de la mienne que je vois la vie et la mort. […] Sa mort. […] Tu n’auras pas une heure pour te recueillir entre la vie et la mort : c’est ton expiation ! […] L’actrice, qu’il espérait épouser, ne l’aimait plus ; il avait affronté pour elle la mort et le théâtre. […] Il en jouit à son lit de mort comme il en avait joui dans son berceau : Dieu lui parlait seul à seul avec plus d’intimité et de majesté que dans sa retraite de Paris.
Voici une chose grave, plus grave qu’on ne croit : le Plaisir est mort. […] La femme qu’il aimait lui a écrit que, fatiguée des tyrannies de son amour, son amour à elle était mort, bien mort, et pour lui ôter tout espoir de raccommodement, elle lui a fait entendre qu’elle a pris un autre amant. […] Tout, en ce spectacle de la mort, a été digne, simple, décent, chose rare ! […] Le cinquième acte paraît un peu lyrique, et Saint-Victor trouve que la mort de notre homme de lettres est trop une mort de sensitive10. […] C’est cependant de cette mort de sensitive que mourra mon frère.
. — Un Lautrec ; — des Angrand ; — les Laveuses d’Amiet sous les arbres charnels, et sa Fileuse soupesant sous la mort du soleil rouge le coeur de son chanvre percé ; — de curieux H. […] Et le si connu sommeil et mort sur l’orgue de Clotho des araignées vieillardes aux doigts filandiers. […] Aux pommettes de la petite fille pendent mortes, tenaille, deux mains de gloire : à leur paume de ventouse, le reflux de l’épiderme est bu, et l’attention hulule des deux yeux subits d’effroi presque, ronds boucliers. […] Bœcklin a retrouvé la couleur des vieux maîtres ; dans un livre qui doit paraître après sa mort, il nous dira son secret. […] Elle ignore Rimbaud, sait que Verlaine existe depuis qu’il est mort, et est fort terrifiée à l’audition des Flaireurs ou de Pelléas et Mélisande.
La peste décimait Florence ; les vivants ne suffisaient plus à ensevelir les morts ; les cantiques funèbres qui accompagnent les cortéges aux campo santo se taisaient, faute de voix pour gémir ; les tombereaux précédés d’une clochette pour annoncer leur passage aux survivants s’arrêtaient le matin de porte en porte, pour emporter comme des balayeuses, sans honneurs, tout ce que ce souffle de la mort avait fait tomber de tous les étages pendant la nuit ; on ne se fiait pas même pour une heure à l’amitié ou à l’amour ; on n’était pas sûr de retrouver en rentrant ceux qu’on laissait, encore jeunes et sains, à la maison en gage à la contagion invisible ; le moindre adieu était un éternel adieu, le lendemain n’existait plus, l’avenir était mort avec tant de morts. […] ces aspirations l’ont tué avant l’âge ; il est mort de la mort de Léopold Robert, de la mort de ceux qui ont trop aspiré. […] » Cette humeur du talent méconnu, cette impatience de la justice, quand elles vont jusqu’à la mort, sont un crime sans doute ; mais, dans le délire, où est le crime ? […] Laprade récita d’abord froidement, puis en s’animant peu à peu aux sons de sa propre voix, l’élégie sylvestre sur la mort d’un chêne : Quand l’homme te frappa de sa lâche cognée, Ô roi qu’hier le mont portait avec orgueil, Mon âme, au premier coup, retentit indignée, Et dans la forêt sainte il se fit un grand deuil. […] Il faudrait citer quatre cents vers exquis, si je citais ici les trois ou quatre élégies viriles et pensives que le poète amant des forêts nous récita sur la mort et la renaissance de ces jalons de l’éternité sur la terre qu’on nomme les cèdres ou les chênes.
Ils étaient nombreux, volumineux, sincères ; flattés de ce qu’une main libre cherchait dans leurs portefeuilles ou dans leur mémoire l’impartiale lumière qui ne luit qu’après que les partis sont morts et que les ressentiments sont éteints. […] Il m’accuse d’avoir non falsifié, mais inventé la fable de la mort et du banquet des Girondins la veille de leur supplice. […] Je lui écrivis pour lui demander si les circonstances de sa participation aux événements du 31 mai étaient vraies, et si, dans le cas où ce bruit aurait quelque fondement, il voudrait bien consentir à me recevoir et à me donner sur la mort de ses amis les informations utiles à l’histoire. […] Je connus par lui tous les secrets de nature et d’intimité sur le caractère, sur la vie intérieure, sur les sentiments privés, sur la séparation dernière, sur la mort tragique d’un de ces hommes à deux aspects, terribles au dehors, placables au dedans. […] Fils de royaliste, royaliste moi-même de naissance, de tradition, d’éducation, pendant mes jeunes années, si Robespierre n’était pas mort, mon père n’aurait pas vécu, et toute ma famille aurait été victime de son système de rénovation de la France par l’extermination.