Les longues souffrances physiques et morales étaient empreintes sur sa physionomie, plus en amertumes qu’en colères. […] D’avance, il souscrivait à cette phrase d’André Chevrillon : Le gentleman anglais, développé au grand air, tranquillement assis sur quelques fortes idées morales, est un des spécimens accomplis de notre humanité, par sa noblesse et par son bonheur 62. […] Selon Ruskin, l’Italie est faite pour procurer aux Anglais des émotions esthétiques et des impressions morales.
Nous louerons son repentir, mais sa faute n’en sera que plus évidente, et n’en déposera qu’avec plus de force contre le caractère moral du libelliste… Si l’on eût imprimé dans les papiers publics : Jean-Jacques, en mourant, a reconnu l’injustice cruelle qu’il avait commise envers un ami qui lui écrivait : « Et vous croyez en Dieu, et vous porterez ce crime à son tribunal ! […] « Racine, qui avait un tact si fin, un sentiment si exquis du beau moral, regardait Sénèque comme un charlatan. » Ce jugement valait bien la peine d’être appuyé d’une citation. Mais si Racine, en appliquant ce tact si fin, ce sentiment si exquis du beau moral à l’examen du caractère de Sénèque, crut reconnaître un hypocrite, Burrhus, essayé à la même coupelle, ne lui aurait paru qu’un lâche courtisan. […] J’ai ajouté que, bien qu’il fût triste de sortir des écoles au bout d’un assez grand nombre d’années précieuses sans avoir appris les langues anciennes, presque les seules choses qu’on y enseigne, du moins jusque sur le seuil de la philosophie, cette éducation, telle qu’elle était, me semblait une utile ressource pour des parents à qui leur occupation journalière ou leur insuffisance ne laissait pas le temps ou la capacité d’élever euxmêmes leurs enfants, ou à qui la médiocrité de fortune ne permettait pas de les faire élever sous leurs yeux ; que la journée collégiale serait mieux distribuée en deux portions, dont l’une serait employée à nous rendre moins ignorants, et l’autre à nous rendre moins vicieux ; qu’un choix de préceptes moraux tirés de Sénèque, et mis en ordre par un habile professeur, fournirait d’excellentes leçons de sagesse à de jeunes élèves qui, jusqu’à présent, en avaient été privés par un injuste dédain237.
C’est un frein moral ; c’est un texte aussi sur lequel s’appuient ceux qui réclament. […] Je voudrais donc qu’on eût, dans chaque Etat, un code moral ou une espèce de profession de foi civile qui contint positivement les maximes sociales que chacun serait tenu d’admettre ; et négativement les maximes fanatiques qu’on serait tenu de rejeter, non comme impies, mais comme séditieuses. […] Il faut, tout en indiquant, s’il y a lieu, si c’est vrai, que les idées qu’on professe n’ont pas laissé d’être obscurément pressenties par de bons esprits d’autrefois — et que les chrétiens rappelassent le souvenir des prophètes juifs, il n’y avait pas de mal — insister surtout sur ceci qu’on est des révoltés, des novateurs et des fondateurs, qu’on a ses raisons pour l’être, qu’on vient changer le monde parce qu’il a besoin d’être changé, et que s’il n’en avait pas besoin on ne serait pas venu ; que, par exemple, dans le cas dont il s’agit, les Juifs n’avaient pas compris Dieu et que Dieu est venu pour se faire comprendre aussi bien de ceux qui ne l’avaient pas compris que de ceux qui ne le connaissaient pas. — Mais être moitié juifs, moitié chrétiens ; et associer Moïse et Jésus ; et, quand on a fait l’Evangile, déclarer sien et vénérable et divin un livre plein de génie poétique, mais en son ensemble aussi peu moral et aussi peu moralisateur que possible et qui donne de Dieu une idée propre à vous rendre athée : c’est là qu’est l’erreur énorme et c’est là qu’est le danger. Le danger : parce que, vous le voyez bien, on vous rendra responsable de tout ce qui est dans la Bible ; on ne citera jamais l’Evangile ; on citera insatiablement la Bible et on vous écrasera sous le poids de ses erreurs morales, de ses violences et de ses sauvageries, et vous ne pourrez plus vous délier de cette chaîne, vous laver de cette marque et vous secouer de cette charge.
C’est un assemblage monstrueux et grandiose d’images, de descriptions, de symboles, de dissertations morales, et de visions fantastiques. […] Même quand ils ont l’air de penser et d’agir, ils ne font que les gestes de l’action et de la pensée ; mais ils font ces gestes imperturbablement et ils ne font jamais qu’une espèce de gestes, et ainsi leur automatisme moral devient une force énorme et irréductible.
Il ne faut donc pas voir, dans l’Enquête que je soumets au public, une étude générale de notre littérature pendant une période caractérisée par des concomitances, des affinités intellectuelles et morales comme l’ont été le romantisme et le naturalisme, comme le seront peut-être le symbolisme et le psychologisme. […] Est-elle, au contraire, le commencement d’une ère de certitudes et de solidité politiques, morales et religieuses ? […] Doué d’une philosophie ultra-méridionale et d’un aplomb moral qui déconcerte, il promène depuis sept ans, à travers les escarmouches littéraires du quartier Latin, une admirable confiance de Maître, une sérénité et une quiétude apolloniennes. […] C’est l’art altruiste, en but humanitaire, pour le Mieux intellectuel et moral.
L’abbé de Voisenon disait à ce propos : « Si dans l’autre monde on se connaît en vers, cet ouvrage pourra l’empêcher d’entrer dans le Ciel, comme son Ode l’a empêché d’entrer à l’Académie. » Piron s’était moqué dans le temps de Gresset chantant la palinodie ; arrivé au même point, et à l’heure où le moral tourne, il la chanta de même.
Homère n’a-t-il pas su, comme un peintre divin, rattacher par des épisodes rapides et par des coups d’œil naturels, tantôt en arrière, tantôt à côté, tantôt en avant de son sujet, le monde moral et le monde physique tout entier à ce petit coin de sable de la plage de Troie où s’agite le sort de la Troade et de la Grèce ?
« La beauté essentielle de l’ordre avait d’abord frappé l’esprit dans l’univers visible, et c’est de là que nous l’avons transporté dans nos actions et dans nos paroles, monde moral dont l’ordre est l’ornement ; puis vient la modération, ou la mesure qui nous fait éviter en tout l’excès ou la témérité, qui nous détourne d’offenser nos semblables par nos actions ou par nos discours, et de rien faire, en un mot, a qui soit indigne de la nature humaine.
On devient, à force de s’étudier, au lieu de s’endurcir, une sorte d’écorché moral et sensitif, blessé à la moindre impression, sans défense, sans enveloppe, tout saignant.