Quand on sut que M. de Chateaubriand écrivait ses Mémoires, une femme du monde, qu’il avait dans un temps beaucoup aimée ou désirée, lui écrivit un mot pour qu’il eût à venir la voir. […] Un poison inconnu se mêlait à tous mes sentiments… Je suppose, Céluta, que le cœur de René s’ouvre maintenant devant toi : vois-tu le monde extraordinaire qu’il renferme ? […] » C’est l’éternel cri qu’il reproduira dans la bouche d’Atala, de Velléda ; c’est ainsi qu’il a donné à la passion un nouvel accent, une note nouvelle, fatale, folle, cruelle, mais singulièrement poétique : il y fait toujours entrer un vœu, un désir ardent de destruction et de ruine du monde. […] Il semble que, même alors qu’il se pique d’aimer, cet homme voudrait détruire le monde, l’absorber en lui bien plutôt que le reproduire et le perpétuer ; il le voudrait allumer de son souffle pour s’en faire un flambeau d’hyménée, et l’abîmer en son honneur dans un universel embrasement. […] Puis le soir (n’allant jamais dans le monde), il rentrait au logis en puissance de Mme de Chateaubriand, laquelle alors avait son tour, et qui le faisait dîner avec de vieux royalistes, avec des prédicateurs, des évêques et des archevêques : il redevenait l’auteur du Génie du christianisme jusqu’à nouvel ordre, c’est-à-dire jusqu’au lendemain matin.
Homme du monde et du très grand monde, tenant à passer pour tel, réservé, diplomatique et un peu enveloppé, très peu enclin aux confessions, on ne sait presque rien de précis sur ses débuts. […] Ceux que vous avez eu la bonté de m’envoyer sont tels que ceux que l’on faisait il y a cent ans, lorsque les Boileau, les Molière, les La Fontaine étaient au monde. […] Il y a certainement des coins du génie russe que Rulhière n’a point pénétrés ni appréciés ; n’ayant vécu qu’à Saint-Pétersbourg et dans le grand monde, il a vu surtout dans ce peuple plein de disparates les mœurs d’un Bas-Empire, il a cru y voir une sorte d’Empire grec finissant, et il n’a pas assez signalé, sous ce vernis de civilisation avancée, un peuple jeune qui commence. […] Homme du monde, il vivait dans toutes les compagnies et était initié dans ce qu’il y avait de mieux à la Cour. […] Cet homme du monde, qui ne semblait qu’un spirituel épicurien, a montré qu’il savait se proposer l’élévation du but, et y diriger avec art tous ses moyens.
Les Mémoires que nous lisons, et qui ne sont guère qu’un examen moral et chrétien de conscience, nous le montrent au fond meilleur à bien des égards que ne le jugeait le monde et que les observateurs sévères ne le soupçonnaient. […] Les plus sages même agissent comme s’il n’y avait rien de réel que ce monde, comme s’il n’y en avait pas un autre invisible plus certain et permanent. […] Le lendemain au réveil, regardant à sa fenêtre, il fut bien étonné d’avoir la plus belle vue du monde. […] Voilà, certes, de quoi le détacher du monde et de la Cour, et le reporter à ces déterminations sages et religieuses qu’il avait comme entrevues en 1707. […] La chose du monde que je comprends le moins, c’est qu’un homme se conduise comme je fais, et qu’il soit aussi convaincu que je le suis de toutes les vérités que je mets sur le papier.
Il fut, dès 1736, un des fidèles de ce petit monde de Remusberg, où l’on regrettait tant que M. de Suhm ne pût être plus souvent ; où l’on espérait Gresset ; où l’on possédait Algarotti pendant huit jours ; où Voltaire ne fit qu’une première et rapide apparition au début du règne. […] Nous ne sommes plus ici à la hauteur où M. de Suhm nous a portés ; nous n’avons plus affaire à un métaphysicien, homme du monde, homme d’affaires, et à la fois resté plein d’enthousiasme, de l’esprit le plus vif uni avec l’ingénuité du sentiment. […] On voit que Jordan était de ceux qui apportaient dans le monde l’érudition de leur bibliothèque, sans en apporter pour cela la poussière ; c’est l’éloge qu’on lui a donné. […] Qui aurait dit, il y a quelques années, que ton écolier en philosophie, celui de Cicéron en rhétorique et de Bayle en raison, jouerait un rôle militaire dans le monde ? […] Enfin il faut dans ce monde que chacun fasse son métier, et j’ai la fantaisie de ne vouloir rien faire à demi. » Jamais on n’a mieux vu le parti pris à l’avance d’être un grand prince, et le ferme propos de faire supérieurement tout ce qui concerne ce métier de roi.
L’Iliade n’est-elle point exposée à subir un jour le sort du systême de Ptolomée, dont le monde est aujourd’hui désabusé ? […] La plûpart des sçavans de son temps furent persuadez de son opinion, et ils l’établirent même dans le monde autant qu’une verité physique, qui ne tombe pas sous les sens, y peut être établie, c’est-à-dire, qu’elle y passa pour un sentiment plus probable que l’opinion contraire. La foi du monde pour les raisonnemens des philosophes, ne sçauroit aller plus loin, et soit par instinct, soit par principes, les hommes mettent toujours une grande difference entre la certitude des veritez naturelles, connuës par la voïe des sens, et la certitude de celles qui ne sont connuës que par la voïe du raisonnement. […] Ainsi quoique le grand nombre des physiciens, et la plus grande portion du monde fussent persuadez en mil six cens quatre-vingt-sept, que la circulation du sang étoit une chose certaine, néanmoins il y avoit encore bien des sçavans qui entraînoient aussi leur portion du monde, lesquels soutenoient toujours que la circulation du sang n’étoit qu’une chimere. […] Le monde se partagea de nouveau, et Tycho Brahé mit au jour un systême mitoïen pour accorder les faits astronomiques dont on avoit alors une connoissance certaine, avec l’opinion de l’immobilité de la terre.
Il a été le Balzac du monde des artistes, — non pas le Balzac impassible de la Comédie humaine, voyant et n’éprouvant pas, — mais un Balzac miséricordieux. […] Lousteau est l’incarnation de ce monde-là. […] » Lousteau voit tout le monde — et tous les mondes ; d’Arthez ne se réunit qu’à quelques amis triés, mais ces réunions sont un cénacle. […] Les réalistes partagent l’âme humaine par le milieu — comme une pomme ; et jetant sournoisement sous la table le quartier, succulent, ils vous offrent le plus gentiment du monde le quartier pourri, et vous disent avec un sourire : « Voyez donc les amours de petits vers qui grouillent là-dedans ! […] J’en sais tant, et de renommés par le monde des lettres, qui sont toujours chez les autres !
« Le monde ne nous rend rien pour une seule des joies qu’il nous ôte », a dit lord Byron avec son inexprimable mélancolie. […] un voyage des bourgs de Bretagne aux villes d’Italie ; « double voyage idéal et réel », dit le Breton, devenu Revue des Deux Mondes. […] Comparez-le à un autre idyllique-élégiaque, — André Chénier, par exemple, — et malgré tout, malgré l’inspiration sensuelle et païenne, la vieille mythologie usée, tout un monde connu et l’imitation archaïque d’André qui se fait Grec, et aussi malgré l’inspiration chrétienne au contraire, qui donne toujours un accent profond, malgré des mœurs neuves en poésie, et supérieures en morale, enfin malgré tous les détails du pays moins connu et moins classique de ce Breton qui se défait Breton, voyez si l’originalité, l’inoubliable originalité, n’est pas du côté de celui qui devrait être, à ce qu’il semble, le moins original des deux ! […] Brizeux avait enlevé celle de ce poème, avec une grande légèreté de main, au monde du sentiment et au monde de la sensation, mais ni l’un ni l’autre de ces deux mondes n’y avaient été exprimés de manière à porter dans les esprits, où il éveille d’immortels échos, ce violent coup de l’originalité qui est comme la détonation du génie ! […] Les gens de Paris l’avaient trouvé si agréablement Breton qu’il s’est dit, connaissant peu son monde du reste, qu’il allait leur donner de la Bretagne ancienne avec de la Bretagne moderne, puisque la moderne leur avait plu ; et il se mit à écrire en vingt-quatre chants son poëme épique et populaire intitulé Les Bretons.
Elle a créé, au commencement du monde, l’analogie et la métaphore. […] Un bon tableau, fidèle et égal au rêve qui l’a enfanté, doit être produit comme un monde. […] On dirait que pour lui toute la lumière qui inonde le monde est partout baissée d’un ou de plusieurs tons. […] Regardez ces deux petits mondes dramatiques inventés par M. […] L’idée de sagesse représentée par le hibou m’entraîne à croire que les marionnettes figurent les frivolités du monde.
L’ensemble eût pu être très supérieur à ce qu’il est, et c’est probablement ce qui arrive dans des mondes où le courant est lancé à travers une matière moins réfractaire. […] Il est vrai que Platon n’identifiait pas celle-ci avec Dieu : le Démiurge du Timée, qui organise le monde, est distinct de l’Idée du Bien. […] Une personne fait l’effet d’être simple ; le monde matériel est d’une complexité qui défie toute imagination : la plus petite parcelle visible de matière est déjà elle-même un monde. […] On construit a priori une certaine représentation, on convient de dire que c’est l’idée de Dieu ; on en déduit alors les caractères que le monde devrait présenter, et si le monde ne les présente pas, on en conclut que Dieu est inexistant. […] Ils n’évoquent certainement pas un concept clos, encore moins une définition de Dieu qui permettrait de conclure à ce qu’est ou devrait être le monde.