Je crois que les plus récentes conceptions de l’histoire du monde, surtout la théorie de l’évolution, ont contribué à développer ce sentiment. […] On dirait qu’ils sont à peine sortis de la matrice universelle, à peine dégagés de la boue féconde des antiques déluges, et que leurs yeux viennent à peine de s’ouvrir sur le monde, tant ils y sentent d’inconnu et tant leurs idées sont simples et leurs sentiments abrupts. […] Parce que nous voyons clair à deux ou trois pas autour de nous, nous ne nous souvenons plus qu’au-delà de ce cercle de lanterne c’est le gouffre, c’est l’inexpliqué… Et pourtant quoi qu’on en ait dit, le monde que la science nous permet de concevoir n’est peut-être pas si beau que celui d’André Fleuse. […] Nous avons sur le monde des notions que les anciens n’avaient pas ; mais notre puissance d’imaginer n’est pas plus grande que la leur. […] Vraiment il est fort heureux pour nous que le monde soit inintelligible : nous en faisons ce que nous voulons.
Il était nu, au milieu d’un monde armé et cuirassé de toutes pièces, cerné, petit et débile, par des énormités dévorantes. […] Le monde des métaux, fondu par le feu, lui ouvre un arsenal avec un trésor. […] Mais ce point est le sommet culminant du monde, le plateau de la haute Asie où vint se poser l’arche de nos origines, d’où découlèrent toutes les grandes familles de l’espèce humaine. […] Le foyer, dans le monde antique, reste la pierre angulaire de toutes les cités. […] Par des révolutions dynastiques et des usurpations triomphantes, le fils de Cronos s’était emparé royalement du monde.
La présidente Le Jay prêta à cette petite troupe son hôtel, rue Garancière ; le beau monde y accourut ; on dit que la porte, gardée par huit suisses, fut forcée par la foule. […] C’était Du Marsais, le philosophe grammairien, homme naïf, peu façonné au monde, franc et d’une inexorable justesse. […] Molière, à force de génie et d’esprit, Baron, par son talent aidé de sa fatuité même, avaient relevé l’état de comédien dans le monde, et s’y étaient maintenus sur un pied respectable. […] Racine, le tendre et autrefois amoureux Racine, parle de la Champmeslé, en apprenant sa mort, comme d’une pauvre malheureuse, et d’un ton que l’austère dévotion même n’eût jamais permis depuis à l’honnête homme du monde. […] Sa physionomie annonce d’abord son esprit : un air du monde, répandu dans toute sa personne, le rend aimable dans toutes ses actions.
Dans le monde et dans les familles on se montra sensible à un tel éclat comme on devait l’être ; on rougit, on souffrit. […] Chaque femme d’esprit et de sensibilité, à son exemple, tenait registre de ses impressions, de ses souvenirs, de ses rêves ; elle écrivait en petit ses Confessions, fussent-elles les plus innocentes du monde. […] Il était avec elle plus aimable, plus gai, plus extravagant qu’à quinze ans ; il lui faisait toutes sortes de déclarations les plus plaisantes du monde. […] L’essentiel est dans le choix. » Et quant aux propos du monde ; qu’importe ? […] On sent, en lisant Grimm, un esprit supérieur à son objet, et qui ne sépare jamais la littérature de l’observation du monde et de la vie.
Cependant le monde ne va ni plus ni moins, et l’influence des opinions les plus hardies est équivalente à zéro. » Grimm se trompe ; en attribuant toute la morale publique aux institutions et à la législation d’un peuple, il oublie que, dans les intervalles de relâchement, les livres ont grande influence. […] Il essaye de la géométrie quand Maupertuis l’a mise à la mode dans le monde ; mais la mode change avant qu’Helvétius soit devenu géomètre. […] Diderot résistait à ces objections de son ami ; il s’enflammait et s’exaltait de plus belle : le siècle de la philosophie décidément allait régénérer le monde. — La porte s’ouvre, un valet entre, à l’air effaré : « Le roi est assassiné ! […] » Dans sa doctrine essentiellement aristocratique, il pensait encore que la vérité et la liberté, telles qu’il les entendait, n’appartiennent en ce monde qu’à un petit nombre, à une élite, et encore « sous la condition expresse d’en jouir sans trop s’en vanter ». Ces tristes idées qu’il avait de tout temps nourries, et où il faisait bon marché de la majorité de l’espèce, durent lui revenir plus habituelles et plus présentes dans les années de sa chagrine vieillesse, après qu’il eut perdu tous ses amis, et quand le monde, bouleversé en apparence, se renouvelait autour de lui d’une façon si étrange.
Je m’imagine que s’il revenait au monde, lui, le superbe de son esprit, il regarderait comme une impertinence envers sa mémoire cette manière d’agir, littéraire ou commerciale, avec ses œuvres, — si on peut appeler de ce nom d’œuvres les improvisations d’un homme qui, en produisant, a si peu travaillé ! […] Sardanapale d’un nouveau genre, couronné des roses des succès d’un jour, le malheureux brûla son génie tout entier sur le bûcher du monde, fait, comme l’autre, de bûches entassées, ces sots que son esprit savait animer tous les soirs ! […] Mais, malheureusement pour nous qui n’étions pas de son temps, et pour lui qui n’est plus d’aucun temps, il préféra le monde à la littérature et les salons à la postérité. […] Il avait le même mal que cette autre ennuyée, la marquise du Deffand, de cette femme, charmante aussi, que le monde fais ait mourir d’ennui pour sa peine de l’avoir aimé, de l’avoir diverti, et d’avoir mis à son service un esprit fait pour monter plus haut ! […] Il eut, — on le savait déjà parmi ceux qui l’avaient connu, mais ses Lettres récemment publiées l’ont appris à ceux qui ne le connaissaient pas, — il eut toutes les grâces que le monde adore et tout l’imposant qu’il respecte.
Ne croyez pas que Zola soit le moins du monde déconcerté. […] … Aussi, pas plus dans le monde moral que dans le monde physique, nous ne nierons maintenant la divisibilité à l’infini. […] L’autre menteuse est une grande dame du meilleur monde. […] Des solitaires qui fuient le monde, ou au milieu du monde s’isolent et ont échappé ainsi à la contagion. […] Et le monde !
Sa vie publique, tout en dehors et pleine d’excitation, a, durant de longues années, fait sortir aux yeux de la France et du monde entier certains défauts et certaines dispositions intérieures, dont ses amis seuls avaient jusqu’alors le secret : toutes ses humeurs, ses splendeurs de bile et ses âcretés de sang si je puis dire, ont fait éruption. […] Je n’ai pas assez comparé les deux pays pour être juge ; mais ici le monde catholico-légitimiste qui avait pourtant connu Chateaubriand aussi bien que moi, et qui, dans le particulier, ne s’exprimait pas autrement sur son compte, parut se scandaliser et s’insurgea sur toute la ligne. […] Il ignore même profondément ce qui est approuvé dans le monde ou ce qui ne l’est pas. […] Dans cette persuasion, il fait avec une pleine et entière sécurité ce qui lui passe par la tête, sans s’approuver ni se blâmer le moins du monde. […] Il prêterait volontiers sa plume, mais non sa langue, à la plus belle cause du monde.
Celle-ci nous offre le développement prévu et l’application au monde moral de cette magnifique langue de poésie, qui, à partir de la première manière, quelquefois roide et abstraite, des Odes politiques, a été se nourrissant, se colorant sans cesse, et se teignant par degrés à travers les Ballades jusqu’à l’éclat éblouissant des Orientales. […] Victor Hugo, ses excursions et voyages dans le pays des fées et dans le monde physique une fois terminés, à reprendre son monde intérieur, invisible, qui s’était creusé silencieusement en lui durant ce temps, et à nous le traduire profond, palpitant, immense, de manière à faire pendant aux deux autres ou plutôt à les réfléchir, à les absorber, à les fondre dans son réservoir animé et dans l’infini de ses propres émotions. […] Il est donc à errer dans ce monde, à interroger tous les vents, toutes les étoiles, à se pencher du haut des cimes, à redemander le mot de la création au mugissement des grands fleuves ou des forêts échevelées ; il croit la nature meilleure pour cela que l’homme, et il trouve au monstrueux Océan une harmonie qui lui semble comme une lyre au prix de la voix des générations vivantes. […] Quand il marche, voyez-le, le cou penché, voyageur sans but, rêveur effaré, courbant son vaste front sous la voûte du monde : Que faire et que penser ? […] Voici la vérité qu’au monde je révèle : Du ciel dans mon néant je me suis souvenu.