C’est là un bon travail dans le genre qu’on peut dénommer roman ethnographique, dans une mesure encore roman historique, puisque narrateur de civilisation et de mœurs authentiques et autres que les nôtres. […] C’est la peinture de mœurs administratives et de mœurs locales d’une sous-préfecture algérienne, avec ses puérilités paperassières plus ridicules sous certaines latitudes, en tels climats ; c’est une Algérie enfantine, vaniteuse et bavarde, c’est aussi un coin de l’Islam, un petit morceau de grandeur.
C’étoit à propos de Térence, ce comique d’un si bon goût, heureux imitateur de Ménandre & supérieur à Plaute, du moins pour la vérité des caractères & des mœurs, pour les graces de la diction. […] La partie des mœurs & des sentimens avoit encore été traitée, ainsi que plusieurs autres points de la théorie du théâtre. […] Elle crie au plagiat, au brigandage, fait tout retentir de ses clameurs, insulte au galant géographe qui ne décrit que d’après elle les lieux & les mœurs d’un pays qu’elle prétendoit mieux connoître que personne.
L’examen de ces livres nous sera une bonne occasion de démontrer par les faits que les vrais exemples à suivre pour la politique des temps présents ne sauraient être invoqués que là où nous trouvons, soit en germe, soit développés, les deux principes de la société moderne : l’élévation des mœurs dans la famille, et la grandeur de la nationalité. […] Ce qui nous distingue d’elle et nous en sépare, c’est ce qu’il y a de plus profond dans l’être des peuples, ce sont nos instincts et nos mœurs. […] Assurément, le Christianisme, qui élève les mœurs de la famille à une hauteur après laquelle il n’y a plus à monter, le Christianisme, qui remplace le despotisme du père par l’intervention de la mère et des autres parents, devait avoir de mortelles peines à s’établir dans un pays où ne subsistait pas la famille au sens que ce mot rappelle à nos affections comme à nos devoirs.
s’organiser dans des institutions qui furent aux mœurs de ce pays ce que le fourreau est à l’épée, cet esprit si antipathique à nos idées actuelles et qui épouvante à la fois et nos théories et nos cœurs, nous ne l’estimons pas assez pour chercher à le bien comprendre ; et voilà, en un mot, pourquoi le sens de tant de faits de l’histoire d’Espagne nous échappe ! […] Si le politique Charles-Quint, mi-parti d’Autrichien, de Flamand, de Bourguignon, et dont le génie, mêlé au génie de plusieurs races, était écartelé comme son blason impérial, si ce Charles-Quint ne fut pas un moine et ne songea jamais à l’être, malgré la piété très profonde de toute sa vie, l’Espagne était, elle, qu’on nous passe le mot, une nation moine (una monja), et tellement moine d’éducation, d’habitude et de préjugés, que c’est à l’influence de cette nation cloîtrée dans des mœurs religieuses comme il n’en avait peut-être existé nulle part, que Charles-Quint dut ces impulsions monastiques dont la philosophie a été la dupe, et qui étaient parfaitement contraires à la nature positive et tout humaine de son génie. […] Elle était tout ensemble sa législation et ses mœurs, son opinion et sa volonté.
… Pourquoi ne pas laisser tranquilles un temps et un homme qui ont eu assez d’historiens comme cela, et qui prouvent, avec la plus désagréable évidence, combien le passé l’emportait, dans ses idées, ses mœurs, ses institutions et ses hommes, sur les hommes, les institutions, les mœurs et les idées sortis de nos glorieuses et modernes révolutions ? […] Tout en admirant les vertus surhumaines de Saint Louis, qui, dans toute époque, auraient fait de lui une des plus éminentes personnalités de l’Histoire, il faut cependant défalquer de l’admiration qu’il inspira ce qui doit en revenir à son époque, prête, alors, par les mœurs, par l’éducation du respect, par son Christianisme profond, à accepter le pouvoir unitaire et personnel de la Royauté.
De toutes les œuvres de l’esprit humain, une comédie n’est pas la moins grande, et elle demande surtout, pour parler le langage des sociétés avancées dont elle retrace les mœurs ou les caractères, une intelligence profondément cultivée et littéraire, qui n’est pas précisément, comme on le sait, le genre d’intelligence de Μ. de Girardin. […] … L’autre moitié serait des caractères, une peinture de mœurs sincère et profonde, du dialogue étincelant ou mordant. Or, Μ. de Girardin n’a ni dialogue, ni caractères, ni mœurs.
Après la Nouvelle Héloïse, d’autres romans affectèrent la forme épistolaire qui s’était imposée à Rousseau, laquais toujours, alors de Richardson… Quand Laclos finissait ses Liaisons dangereuses, cette pourriture sociale brassée et tripotée d’une main si puissante, Madame de Genlis écrivait, sous forme de lettres, son traité d’éducation, Adèle et Théodore, pour refaire des mœurs perdues, et Madame de Staël ce chef-d’œuvre de Delphine, où passe, idées et mœurs, toute la société du xviiie siècle dans ce qu’elle avait de sain encore, dans ce qui avait échappé aux gangrènes décrites par Laclos. […] Regardez-la dans ce portrait de Madame Lebrun, gravé par Rajon, qui est à la tête du volume, et avant de l’avoir lu vous aurez déjà l’idée d’une femme qui ne ressemble aux femmes de son siècle ni par les passions, ni par les mœurs, ni par la beauté.
Et l’a-t-il peinte ainsi parce qu’il l’a vue ainsi, — car les peintres ont parfois des organes dont ils sont les victimes, — ou parce qu’elle est véritablement ainsi cette Russie, au fond, si peu connue, cette steppe en toutes choses, cette platitude indigente, immense, infinie, décourageante, qu’il nous présente dans les mœurs russes, dans les esprits, dans les caractères ? […] Ces Âmes mortes, qui veulent être un roman de mœurs gigantesque, devaient nous montrer la Russie sous tous Ses aspects. […] » Mais alors, si vous ne la connaissez pas, peintre de mœurs, pourquoi en parlez-vous ?
Une fois demandé, il jaillit, comme tout jaillissait dans Brucker, cet homme-source, qui avait en lui tous les agissements et tous les bouillonnements de l’esprit humain… Mélange de tous les genres de livres dans un seul livre, tout à la fois roman et histoire, critique d’idées et de systèmes, invention de caractères et de personnages pour rendre plus vivantes et plus entraînantes ses théories ; dramatique, poétique, descriptif, mettant des tableaux de mœurs dans des paysages, naturel et intime, et, au milieu de tout cela, débordant de questions, d’explanations, d’argumentations, de démonstrations et de conversations qui roulent dans une verve de style semblable à un battement précipité d’artères, ce livre est peut-être un chaos de puissant ces trop alchimiquement entassées, mais c’est un chaos auquel il faut appliquer cet éternel mot de génie qu’on peut appliquer pour tout à Brucker, — à cet ébaucheur rapide et sublime ! […] La Paternité, qui crée la Famille, insultée maintenant et presque avilie dans une société où les mœurs et les comédies qui les réfléchissent montrent le père toujours inférieur aux enfants et éternellement bafoué par eux ; entamée, de plus, par une philosophie qui a créé l’individualisme moderne et par une révolution qui, du premier coup, enleva à la Famille le droit d’aînesse, cette Paternité a eu bientôt contre elle une effroyable et universelle conspiration, et on le conçoit, car plus une société devient irréligieuse, plus elle peut se passer de père et de Dieu ! […] Eh bien, c’est cette force de la Paternité, dont Brucker n’avait pas seulement que l’idée dans la tête, mais dont il avait aussi le sentiment dans la poitrine, c’est cette force de la Paternité qu’il résolut de réapprendre au monde, en la lui peignant… Et puisqu’il avait accepté la forme du roman dans son ouvrage, il y introduisit un père comme on n’en connaissait plus, un père qui relevait la Paternité de tous les avilissements qu’elle subissait, depuis des siècles, dans les mœurs et dans les comédies !