» Il n’est point propre d’ailleurs à être lu de suite, étant trop plein et trop dense de matière, c’est-à-dire d’esprit, pour cela ; mais, à quelque page qu’on l’ouvre, on est sûr d’y trouver le fond et la forme, la réflexion et l’agrément, quelque remarque juste relevée d’imprévu, de ce que Bussy-Rabutin appelait le tour et que nous appelons l’art. […] Adrien Destailleur, qui avait un goût particulier pour le genre de La Bruyère et un culte pour l’auteur lui-même, travaillait lentement, de son côté, à une édition qui parut pour la première fois en 1854 dans la Bibliothèque-Jannet : elle se recommandait dès lors par un très bon texte, ce qui est l’essentiel en pareille matière. […] il avait devant lui la matière la plus riche pour l’observation, et il venait d’acquérir dans la maison de Condé, en s’y abritant, ce que d’autres y auraient perdu, l’indépendance.
Malgré la difficulté qu’on rencontre à rien extraire d’une trame si dense, à rien tailler et découper dans une matière si bien cimentée, nous essayerons, par l’analyse de quelques chapitres, de donner idée de l’intérêt sérieux qui fait le prix de cette œuvre durable. […] En lisant cette histoire de Louvois, en la voyant ainsi montrée à nu et comme par le revers de la tapisserie, je crois entendre continuellement ce mot de la tragédie grecque, qui résonne et se murmure de lui-même à mon oreille ; « S’il faut violer le droit, c’est pour l’empire et la domination, c’est en haute matière d’État qu’il est beau de le faire : dans tout le reste, observe la bonne foi et la justice. » Je paraphrase un peu là parole d’Euripide, cette parole si détestée de Cicéron. […] Strasbourg, cessant d’exister comme république, garda comme cité ses institutions municipales, sa juridiction civile et criminelle, ses privilèges en matière d’impôt, la liberté de son culte : « l’évêque et le Clergé catholique rentraient en possession de la cathédrale ; mais les Luthériens conservaient toutes les autres églises, les écoles et les biens ecclésiastiques en général.
Didot en son intéressante brochure, et il en ressort que, pour réussir à obtenir quelque chose en telle matière et pour triompher de l’habitude ou de la routine, même lorsque celle-ci est gênante et fatigante, il ne faut pas trop demander, ni demander tout à la fois. […] D’autres esprits plus précis et plus fermes étaient écoutés : Dumarsais, Duclos, — n’oublions pas un de leurs prédécesseurs, le Père Buffier, un jésuite doué de l’esprit philosophique, — l’abbé Girard, — mais Voltaire, surtout, Voltaire le grand simplificateur, qui allait en tout au plus pressé, et qui, en matière d’orthographe, sut se borner à ne demander qu’une réforme sur un point essentiel, une seule : en la réclamant sans cesse et en prêchant d’exemple, il finit par l’obtenir et par l’imposer. […] Cette espèce d’accident et d’affront qui a défiguré tout d’abord d’une manière irréparable le mot même exprimant l’art d’écrire avec rectitude, nous est un avertissement qu’en telle matière il ne faut pas ambitionner une réforme trop complète, que la perfection est interdite, qu’il faut savoir se contenter, à chaque reprise, du possible et de l’à peu près.
J’ai désormais des devoirs plus simples et plus clairs ; le reste de ma vie sera, je l’espère, consacré à les remplir, selon la mesure de mes forces… Qu’on ne s’y trompe pas, le monde a changé : il est las des querelles dogmatiques. » Telle est la déclaration formelle que M. de La Mennais exprime aux dernières pages de ce livre ; les termes seuls dans lesquels elle est conçue montrent assez que, si le nouvel écrit est destiné à clore la série de ceux que l’auteur a publiés à partir des Réflexions sur l’État de l’Église, datant de 1808, il ne leur ressemble ni par les principes ni par le ton, et que, sinon pour le sujet et la matière, du moins dans les pensées et les conclusions, il se rattache déjà à cette série d’écrits futurs que nous promet l’illustre auteur. […] Or, je trouve que, dans ses griefs contre Rome, il n’y a rien dont l’abbé de La Mennais l’ancien, celui d’autrefois, celui même de l’Avenir, pour nous en tenir là, n’eût eu de quoi se jouer si on lui en avait fait matière à objection. […] Croit-il à la réhabilitation de la matière, comme on dit ?
On exhuma Conaxa ; c’était le titre de la pièce qui avait, disait-on, servi de matière et d’étoffe aux Deux Gendres. […] Sur ce sujet qui nous semble de notre ressort et de notre métier, et sur lequel, à force d’y avoir repassé, il nous est impossible désormais de retrouver notre première impression, soyez sûr que cet esprit bien fait, nourri dans d’autres habitudes, longtemps exercé dans d’autres matières, trouvera du premier coup d’œil quelque chose de neuf et d’imprévu qu’il sera utile d’entendre, surtout quand ce bon esprit, comme dans le cas présent, est à la fois un esprit très-délicat et très-fin. […] Mais sur les autres sujets un peu mixtes et par les autres œuvres qui atteignent les bons esprits dont je parle, dans ces matières qui sont communes à tous ceux qui pensent, et où ces hommes de sens et de goût sont les excellents juges, prouvons-leur aussi que, tout poëtes que nous sommes, nous voyons juste et nous pensons vrai : c’est la meilleure manière, ce me semble, de faire honneur auprès d’eux à la poésie, et de lui concilier des respects ; c’est une manière indirecte et plus sûre que de rester poëtes jusqu’au bout des dents, et de venir à toute extrémité soutenir que nos vers sont fort bons .
Je tâcherai de faire en lui les deux parts avec sincérité et avec la circonspection qui convient dans ces matières mixtes, où le critique littérateur n’est juge qu’à demi. […] Il y a quelqu’un à qui il ressemble bien plus qu’à Massillon, c’est Garat, le beau diseur en toute matière, Garat, l’orateur académique et le professeur d’idéologie à l’Athénée. […] Le tout revêtu de considérations et d’hypothèses, et augmenté des impressions de voyage, a fourni matière à un grand in-quarto.
Son originalité est toute dans la manière, et non dans la matière. […] Dans la fable, Les Deux Rats, Le Renard et l’Œuf, adressée à Mme de La Sablière, La Fontaine discute, il raisonne sur ces matières subtiles, il propose même son explication, et, en sage qu’il est, il se garde d’oser conclure. […] Il disait de La Fontaine : « Si ses Fables n’étaient pas l’histoire des hommes, elles seraient encore pour moi un supplément à celle des animaux. » Lamartine, tout en tenant beaucoup de Bernardin, n’a pas également ce côté naturel ; il échappe à la matière dès qu’il le peut, il n’a point de racines en terre, et il ramène volontiers en chaque rencontre son idéal séraphique et céleste : ce qui est l’opposé de La Fontaine.
Le jugement de l’artiste en matière d’art est un amalgame de sensations et de superstitions. […] En matière d’art, à l’opinion de la sensibilité s’oppose l’opinion de l’intelligence. […] La morale écartée, il reste la matière d’une discussion peut-être gastronomique. […] Il faut comprendre les matières dont on traite, être théologien, s’il s’agit de théologie. […] En dehors, disent les théologiens, des matières de la foi, il n’y a que des opinions.
C’est la propriété qui règne, donc c’est de la matière qui règne ; c’est l’or, c’est l’argent ; c’est de la terre, de la boue, du fumier. […] Autrefois on possédait la matière parce qu’on avait un titre dans la société ; aujourd’hui c’est l’inverse : on a titre dans la société à titre de la matière que l’on possède. Donc, encore une fois, c’est la matière qui règne. […] Je ne veux pas être à titre de matière ; je ne veux pas rendre honneur à ceux qui n’existent qu’à ce titre. J’avais autrefois une richesse qui n’était pas matière ; j’avais pour richesse l’estime dont je pouvais payer les travaux des autres.