Voilà ce que n’a pas manqué de comprendre un homme qui a fait déjà ses preuves en histoire. […] il a manqué, comme tous ses contemporains, d’aperçu lointain et supérieur, et il s’expose très simplement à ce reproche qu’on peut lui faire ; mais, du moins, il n’a pas manqué des vifs éclairs d’un magnifique bon sens, et au premier symptôme, au premier flair, avec ce bond de lion des esprits véritablement politiques, qui tombe juste sur les réalités et les saisit, ce qu’il n’a pas vu à l’avance, il l’a, à l’instant même, compris. […] Ils étaient plus ou moins nombreux, plus ou moins célèbres : les uns sceptiques, les autres fatalistes ; les uns abstraits, les autres logiciens ; mais tous, à l’exception de Lamartine, qui est un poète, et de Michelet, qui est un malade, tous étaient des écrivains pâles auxquels manquait le coup de pinceau qui ressuscite les hommes. […] Dans ce sujet assez ingrat de la fin d’un règne qui, en tout, manqua de grandeur, et sous lequel les chefs de parti, racornis en chefs de coterie, ne réalisaient même pas le mot de Goethe : « Un chef de parti n’est guères plus à mes yeux qu’un bon caporal », Cassagnac a montré sa puissance de peintre historique bien plus, selon nous, que s’il avait eu dans les mains un sujet plus grand. […] À la force du bon sens qui le distinguait et qu’à partir de ce moment il ne faussa plus, Cassagnac ajoutait la force de caractère qui ne lui manqua jamais dans toutes les crises de la vie, et à cette force de caractère celle encore du sang-froid, que les gens à caractère n’ont pas toujours.
De toutes les forces d’un grand homme sur son siècle, il ne lui manque que l’honnêteté. […] Formée d’hommes obscurs, pauvres et inconnus, elle aspirait à conquérir tout ce qui lui manquait. […] L’honnêteté, qui manquait à leur chef, manqua à leur conduite : l’intrigue les entraîna. […] En manquant de résolution elle manqua de prudence. […] Elle a montré si une république manquait d’unité et de centralisation pour défendre une nationalité continentale.
J’ai peur que ce soit la foi, sinon la croyance, du moins le zèle, qui ait manqué alors à Boileau : Racine ne nous dit-il pas, en 1698, que la dévotion de son ami est de fraîche date ? […] Cependant si les survivants de la préciosité et de la Fronde ne s’abandonnaient pas tout à fait, il ne manquait pas de gens dans la jeune génération pour soutenir le poète de la raison. […] Ce n’est pas qu’il ait jamais été un brillant causeur ; il manquait de verve, et sa conversation était aimable, mais un peu traînante. […] Une chose lui manque, et lui a toujours manqué, c’est l’abandon, la richesse des émotions intimes et le besoin de s’épancher. […] Jamais ils ne manquent de s’appeler « monsieur » ; et « mon cher monsieur » dénote les moments de plus grand abandon et de moindre tenue.
Taine de manquer de patriotisme ! […] On lui reproche de manquer de critique, de s’appuyer sur des documents arbitrairement choisis et sans valeur sérieuse. « Il nous cite toujours, dit-on, les Mémoires de Bourrienne, qui sont en grande partie apocryphes, et ceux de Mme de Rémusat, qui sont d’une ennemie, d’une femme qui avait contre l’empereur des griefs personnels et des griefs féminins. […] Ce qui manque dans son étude, c’est la silhouette du « petit caporal ». […] C’est, au fond, la psychologie plausible de tous les individus qui ont exercé matériellement une très puissante action sur les affaires humaines… L’espace me manque pour conclure. […] Une chose lui manque : la joie, la fierté de l’effort et du sacrifice accompli.
l’érudition qui manque au poète de La Légende des Siècles. […] Et c’est par ce manque d’équilibre que la Critique peut le mieux expliquer synthétiquement le genre de génie de Victor Hugo. […] Victor Hugo était, sans les lamentables déraillements de sa vie, destiné à nous donner un poème épique, cette grande chose militaire qui manque à la France, à qui pourtant les hommes épiques comme Charlemagne et Napoléon n’ont pas manqué. […] On a dit le mal qu’il se donne pour être simple… et pour manquer son coup. […] Seulement, sur le chemin de l’énorme où il s’élance avec l’aveuglement d’un taureau fou, quelquefois — les bons jours pour ses qualités toutes-puissantes, quand elles parviennent à s’équilibrer, — il rencontre tout à coup le grandiose, et alors il devient le poète énorme encore, mais sans difformité, qui pouvait seul donner à la France ce poème épique qu’elle n’a pas, et dont elle s’est toujours moquée parce qu’il lui a toujours manqué.
Son siècle y prêtait, et il ne manque pas de le prendre à témoin pour toutes les contradictions qu’il rassemble : Regardez cet univers, mon aimable amie, jetez les yeux sur ce théâtre d’erreurs et de misères qui nous fait, en le contemplant, déplorer le triste destin de l’homme ! […] Capables de raisonner très loin et très haut, par malheur nous manquons de base : « Ce n’est pas tant le raisonnement qui nous manque que la prise du raisonnement. » L’instinct de certains animaux est à faire envie à la raison de l’homme.
Bertrand : il parcourut la ligne des grand’gardes ; l’horizon, vers la forêt de Soignes, « apparaissait comme un incendie. » C’étaient les Anglais qui se séchaient, à leurs feux de bivouac, car le bois ne leur manquait pas. […] Un personnage essentiel dans le plan de Napoléon manqua toujours, c’était, Grouchy, lequel apparaissant avec ses 36,000 hommes, en tout ou en partie, eût permis de conjurer ce fantôme des Prussiens devenu bientôt une formidable réalité, et de livrer la bataille dans l’ordre régulier et savant suivant lequel elle, avait d’abord été calculée. […] Napoléon, qui n’avait désespéré à aucun moment, voyant, tout s’écrouler à la fois, tout manquer sous lui, son armée en débris et son Empire, reculait à pas lents sous une pluie de feu ; il semblait décidé à ne pas survivre, vouloir mourir avec ses grenadiers.
Il manque un jour céleste à cette cathédrale sainte ; elle est comme éclairée d’en bas par des soupiraux d’enfer. […] La sensibilité, qui est à la passion poignante ce que la douce lumière du ciel est à un coup de tonnerre, faisait faute ailleurs en bien des endroits ; mais ici c’est la religion même qui manque. Tant qu’on reste en effet sur le terrain moyen des aventures humaines dans la zone mélangée des malheurs et des passions d’ici-bas, comme l’ont fait Le Sage et Fielding, on peut garder une neutralité insouciante ou moqueuse, et corriger les larmes qui voudraient naître par un trait mordant et un sourire ; mais dès qu’on gravit d’effort en effort, d’agonie en agonie, aux extrémités funèbres des plus poétiques destinées, le manque d’espérance au sommet accable, ce rien est trop, ce ciel d’airain brise le front et le brûle.
Jules Lefèvre, tout poëte éminent et rare qu’il est par le dedans, certaines qualités de l’artiste lui manquent ; il est de ceux qui sentent mieux qu’ils ne rendent, qui possèdent et gardent plus qu’ils ne donnent. […] L’œuvre du poëte, comme la maison du Romain, doit être de cristal, afin que rien n’y dérobe jamais la pensée. — Ce livre des Confidences, dont il s’agit, est un des livres de poésie les plus substantiels que je connaisse ; l’auteur, malgré la science qu’il déploie, habite véritablement dans sa passion ; il y est, pour ainsi dire, en plein milieu ; mais il y est tantôt dans un brouillard épais, tantôt dans un marais sans rivage, quelquefois comme enchaîné dans un bloc immense ; ce qui lui manque essentiellement, c’est le style, selon l’acception la plus large du mot, le style qui choisit, qui détermine, qui compose, qui figure et qui éclaire. […] Mais non ; malgré les grandes parties de génie qui lui manquent, M.