Il en est de même pour ce mystérieux « mal du siècle » que Gœthe, Chateaubriand, Oberman, Byron, Ugo Foscolo ont crié ou soupiré, chacun à sa manière, dans les dernières années du xviiie siècle et dans les premières années du nôtre. […] Les sujets traités, les théories soutenues, les conclusions exprimées ou suggérées, en un mot, l’âme même des livres, se transforment alors en bien ou en mal. […] Les causes de ces répulsions sont variées ; elles sont individuelles ou générales ; l’homme ou l’ouvrage en question peut aussi bien être en désaccord avec notre tempérament, notre éducation, nos goûts particuliers que mal vu et condamné, parce qu’il appartient à une nation en querelle avec la nôtre. […] Il peut arriver alors que le premier né de ces ouvrages similaires ne soit pas le meilleur, qu’une idée trouvée et mal exploitée par un talent novice ou secondaire soit plus tard mise en valeur par un maître, Molière a profité chacun le sait de trouvailles pareilles.
Vivre sous un œil céleste empêche de mal faire. […] J’enverrai aux hommes un Mal qui séduira leurs âmes, et ils embrasseront tous avec amour leur propre fléau. […] Leurs noms définissent ce contraste, Prométhée est « le prescient », le « prévoyant », celui qui sait d’avance ; tandis qu’Épiméthée signifie « celui qui ne réfléchit qu’après coup », qui regrette trop tard le mal survenu. […] Pandore souleva le couvercle du vase, et tous les Maux que les dieux y avaient enfermés, misères et maladies, guerres et crimes, violences et soucis, s’en échappèrent sur la terre. — « Seule, l’Espérance resta dans le vase, arrêtée sur les bords, et elle ne s’envola point ; car Pandore avait refermé le couvercle par l’ordre de Zeus qui amasse les nuées. » — Belle et touchante légende !
Mais il y songe trop tard ; il se tient trop longtemps immobile dans une position peu sûre ; il choisit mal ses points en arrière, et ne serre pas d’assez près les défilés de la Sierra-Morena par où il doit repasser. […] Enfin, dans sa marche tardive, il est embarrassé par ses malades, peu servi par ses jeunes soldats que l’ardeur du climat dévore, mal secondé surtout par ses lieutenants, par le général Védel, qui fait là, en diminutif, ce que Grouchy fera un jour à Waterloo. […] Ici, dans cette Espagne où l’on était si mal entré, on était jeune, faible, malade, accablé par le climat, nouveau à la souffrance ! […] Pourtant, dans un récit historique, un peu de Tacite de temps en temps ne ferait pas mal, si l’on entend par là une réflexion forte, concentrée, une expression figurée et profonde qui rassemble toute une situation et qui la juge, un de ces traits qui percent à jour un homme et le qualifient éternellement.
Si je vous veux du mal, qu’il me puisse advenir ! […] Dans cet état de vague et de langueur, la jeune femme s’excuse auprès de son amie : « Je crois que ce sont des vapeurs, je me sens bien mal à mon aise. » Ne vous gênez pas, me dit-elle. Vraiment oui, vous avez des vapeurs, et ce n’est pas d’aujourd’hui ; mais je n’ai eu garde de vous en rien dire, car j’aurais redoublé votre mal. […] On ne parle jamais de Grimm sans en dire beaucoup de mal, je ne sais en vérité pourquoi.
De bonne heure il ressentit le désir d’exceller et de primer en tout, ce désir qu’il aurait voulu plus tard exciter dans le cœur de son fils, et qui, en bien et en mal, est le principe de toute grande chose. […] Toute sa morale, à cet égard, se résumerait dans ce vers de Voltaire : Il n’est jamais de mal en bonne compagnie. […] À propos des femmes encore, s’il semble bien dédaigneux parfois, il leur fait ailleurs réparation, et surtout, quoi qu’il en pense, il ne permet pas à son fils d’en trop médire : Vous paraissez croire que, depuis Ève jusqu’à nos jours, elles ont fait beaucoup de mal ; pour ce qui est de cette dame-là, je vous l’abandonne ; mais, depuis son temps, l’histoire vous apprend que les hommes ont fait dans le monde beaucoup plus de mal que les femmes ; et à vrai dire, je vous conseillerais de ne vous fier ni aux uns ni aux autres qu’autant que cela est absolument nécessaire.
Il y montre le bien l’emportant généralement sur le mal, et le plaisir sur la douleur, dans la nature physique de chaque être sentant. Ce qui rompt l’équilibre dans l’homme, c’est son imagination qui corrompt le bien et qui, devançant le mal, le produit souvent. […] À la manière dont il parle « de cet horrible dégoût de soi-même, qui ne nous laisse d’autre désir que celui de cesser d’être », on voit que si cette âme calme et supérieure n’a jamais été atteinte du mal des Rousseau, des Werther et des futurs René, elle n’a pas été sans le reconnaître et sans le dénoncer à sa source : « Dans cet état d’illusion et de ténèbres, dit-il, nous voudrions changer la nature même de notre âme ; elle ne nous a été donnée que pour connaître, nous ne voudrions l’employer qu’à sentir. » Le vrai sage, selon lui, est celui qui sait maîtriser ces fausses prétentions et ces faux désirs : Content de son état, il ne veut être que comme il a toujours été, ne vivre que comme il a toujours vécu ; se suffisant à lui-même, il n’a qu’un faible besoin des autres, il ne peut leur être à charge ; occupé continuellement à exercer les facultés de son âme, il perfectionne son entendement, il cultive son esprit, il acquiert de nouvelles connaissances, et se satisfait à tout instant sans remords, sans dégoût, il jouit de tout l’univers en jouissant de lui-même. […] À tout le mal qu’il dit des passions, on peut lui opposer cependant une seule, chose : « Mais vous-même, pourrait-on lui dire, auriez-vous échappé à cet ennui, à cette langueur de l’âme qui suit l’âge des passions, si vous n’aviez pas été soutenu et possédé de cette passion fixe de la gloire ?
« Tout homme qui est mal informé, remarque-t-il, ne peut s’empêcher de mal raisonner. » Et par une conclusion digne d’un moraliste, il ajoute finement : « Je crois que quiconque serait bien averti et bien persuadé de tout ce qui est, ne ferait jamais que ce qu’il doit. » Il trouve un plaisir vrai dans l’application et l’information même ; il jouit de débrouiller ce qui était obscur : J’ai déjà commencé, écrit-il le soir de l’arrestation de Fouquet, à goûter le plaisir qu’il y a de travailler soi-même aux finances, ayant, dans le peu d’application que j’y ai donné cette après-dînée, remarqué des choses importantes dans lesquelles je ne voyais goutte ; et l’on ne doit pas douter que je ne continue. […] Quand quelque blessure est faite au corps de l’État, « ce n’est point assez de réparer le mal si l’on n’ajoute quelque bien qu’on n’avait pas auparavant ». […] Ce discours nous livre à nu Louis XIV jeune, dans son premier appareil d’ambition : « Il me semble, dit-il, qu’on m’ôte de ma gloire quand on en peut avoir sans moi. » Ce mot de gloire revient à chaque instant dans sa bouche, et il finit lui-même par s’en apercevoir : « Mais il me siérait mal de parler plus longtemps de ma gloire devant ceux qui en sont témoins. » Dans cette exaltation et ce commencement d’apothéose où on le surprend, on le trouve pourtant meilleur et valant mieux que plus tard : il a quelques mots de sympathie pour les amis, pour les serviteurs qui s’exposent et se dévouent sous ses yeux : « Il n’y a point de roi, dit-il, pour peu qu’il ait le cœur bien fait, qui voie tant de braves gens faire litière de leur vie pour son service, et qui puisse demeurer les bras croisés. » C’est pourquoi il s’est décidé à sortir de la tranchée et à rester exposé au feu à découvert : dans une occasion surtout, dit-il, « où toutes les apparences sont que l’on verra quelque belle action, et où ma présence fait tout, j’ai cru que je devais faire voir en plein jour quelque chose de plus qu’une vaillance enterrée ».
Il rapporte mal plusieurs faits ; plusieurs de ses idées sont fausses, & il confond les grands ornemens de l’éloquence avec les antithèses, les épithètes, les faux brillans. […] Le dessein de l’auteur est d’expliquer ce qui est de bon ou de mauvais goût dans l’éloquence de la chaire & ce dessein est louable ; mais il est mal exécuté. […] On doit s’en contenter, & ne pas vouloir les astraindre à une méthode, dont peu de gens sont capables, & qui peut produire plus de mal que de bien. […] Ce ne sont guéres que des pensées détachées, venues les unes après les autres en différens tems, rangées à peu-près dans l’ordre où elles me sont venues, & dès-lors peut-être assez mal arrangées.
On devine que ce prince, c’est la foi, qui mobilise les nations et déplace les montagnes, mais s’accommode mal des curiosités indiscrètes. […] Déjà dans le Promêthée mal enchaîné, M. […] » L’opinion du pasteur, qu’il ne donne pas à Gertrude, est que Beethoven peignait par ces harmonies ineffables « non pas le monde tel qu’il était, mais bien tel qu’il aurait pu être, qu’il pourrait être sans le mal et sans le péché. » Mais jamais encore il n’avait osé parler à Gertrude du mal, du péché, de la mort. […] Enfin la nature se complaît dans sa splendeur avec une superbe indifférence pour nos maux et nos fautes ; peut-être est-elle encore plus belle qu’un Beethoven lui-même n’est capable de le comprendre et de l’exprimer. […] Le Prométhée mal enchaînéAmyntas Le Prométhée mal enchaîné et Amyntas n’avaient d’abord paru qu’à tirage restreint, l’un en 1889, l’autre en 1906.