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550. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Le mariage du duc Pompée : par M. le comte d’Alton-Shée »

Dans son désir de changer le sujet de conversation, Emma prend le journal des mains de M. de Noirmont et se met à lire le feuilleton à haute voix : « Théâtre-Italien. — Ouverture. — Don Juan […] L’instant d’après, l’occasion lui venant jeter sous la main Lisette, la fille du jardinier, il propose à la petite un rendez-vous dans le parc pour minuit. […] Noirmont n’a garde d’y prêter la main ; il n’est pas homme à se laisser donner le change : quand le diable se mêle de faire l’ange gardien, il y voit plus clair qu’un autre et perce à jour toutes les malices. […] Ainsi, dit le poëte, au temps des Césars, une jeune chrétienne était amenée dans le cirque ; ses yeux, mouillés de pleurs, levés vers le ciel, y cherchaient un appui, ses mains essayaient de dérober ses charmes aux regards des spectateurs ! Après l’affreuse attente, au signal donné, les belluaires ouvraient l’entrée de l’arène aux bètes féroces ; … mais, au lieu du tigre de l’Inde ou du lion de Numidie, s’avançait une joyeuse bacchanale : les trompettes d’airain résonnaient, les tambourins battaient, les vierges folles couraient le thyrse à la main, et de jeunes garçons portaient en chance ant des outres pleines de vin nouveau.

551. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Leckzinska (suite et fin.) »

La Tour, le premier, dans un admirable pastel, nous montre la reine à l’âge de quarante-cinq ans environ : elle est à mi-corps ; elle tient d’une main un éventail fermé ; elle se retourne vers le spectateur comme quelqu’un qui pense et qui va dire une légère malice, une malice innocente. […] On remarque ici de petites mains charmantes qui sont plus en vue ; de l’une la reine tient une petite fleur blanche, de l’autre un éventail. […] Elle est de face, elle montre d’une main la couronne posée sur un coussin, elle semble dire : « Après tout, je suis reine. » Elle a également le manteau royal, une robe à grands ramages, étoffe de Lyon, soie et or. […] Un autre jour, la reine entrant chez la duchesse de Luynes la trouva occupée à écrire au président Hénault ; elle prit la plume, écrivit quelques lignes en déguisant sa main et en ajoutant : « Devinez qui ! » Ce qui donna l’occasion au président de répondre par ce madrigal ; Ces mots, tracés par une main divine, Ne m’ont causé que trouble et qu’embarras ; C’est trop oser si mon cœur la devine, C’est être ingrat s’il ne devine pas.

552. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite et fin.) »

Elle avait visiblement la main aux affaires. […]   Dans ces lettres toutefois il y a à distinguer les plus confidentielles et qui sont tenues par des mains sûres, de celles qui pouvaient, à la rigueur, être surprises et lues en chemin. […] Je parle au peuple : milices, poissardes, tous me tendent la main : je la leur donne. […] Je ne puis paraître à une fenêtre, même avec mes enfants, sans être insultée par une populace ivre, à qui je n’ai jamais fait le moindre mal, bien au contraire, et il se trouve assurément là des malheureux que j’aurai secourus de ma main. […] Elle écoutait les donneurs d’avis, lisait des mémoires, des notes, en copiait de sa main, étudiait même, comme nous dirions, de certaines questions, même de finances.

553. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — III. (Suite et fin.) » pp. 242-260

Toute cette société se mit donc en mouvement pour la pauvre femme, et Beaumarchais en tête, un peu Don Quichotte de philanthropie, on le voit : J’offris la main, ajoute-l-il, à Mme la princesse de Nassau pour aller chez M.  […] Il en parla successivement à quatorze ministres qui se succédèrent en peu de mois, et ne rencontra chez tous qu’inattention et temporisation continuelle, quelques hommes dans les bureaux ayant intérêt, non à faire manquer l’affaire, mais à la tirer des mains de Beaumarchais pour y trouver eux-mêmes leur profit. […] Danton était assis de l’autre côté de la table ; il commence la discussion ; mais, comme je suis presque sourd, je me lève et demande pardon si je passe auprès du ministre (parce que j’entends mal de loin), en faisant, selon mon usage, un petit cornet de ma main. […] ” » — C’est dans cet état de choses que Beaumarchais a la bonhomie de revenir de Londres et de se remettre aux mains de la Convention pour plaider cette affaire, et avoir raison de la dénonciation de Lecointre, dont il démontre surabondamment l’erreur et l’injustice. […] Ce rire venait de source et circulait en quelque sorte à la ronde dans toute la famille Beaumarchais ; l’une de ses sœurs, Julie, non mariée, dans sa dernière maladie se chansonnait elle-même par de gais couplets des plus badins, auxquels chacun des assistants ajoutait le sien ; et Beaumarchais, relisant après la mort de sa sœur ce singulier testament, ajoutait de sa main, au bas, avec une naïveté de tendresse qui fait sourire : « C’est le Chant du Cygne de ma pauvre sœur Julie. » Il mourut lui-même à Paris, dans la nuit du 17 au 18 mai 1799, d’une attaque d’apoplexie, dit-on, que rien n’avait annoncée ; il s’endormit de la mort pendant son sommeil.

554. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — II. (Fin.) » pp. 246-265

Dans cette solitude vigilante et noblement orgueilleuse, ayant sous la main tous les secours et les aides matériels, que lui manquait-il donc pour recueillir sa pensée ? […] Tel demeurait Richelieu, quand il se trouvait, à son corps défendant, enveloppé dans la révolte à main armée et dans la sédition. […] Il s’amusait à sceller, à faire l’office de garde des Sceaux, pendant que les autres étaient aux mains ; bon garde des Sceaux en temps de guerre, disait-on, et bon connétable en temps de paix : « Au fort de ses lâchetés, s’écrie Richelieu, il ne laissait pas de parler comme s’il était percé de plaies, tout couvert du sang des ennemis… » Au fort de ses lâchetés est une de ces expressions involontaires qui qualifient un grand et généreux écrivain. […] Richelieu, par exemple, ne se croit nullement tyrannique dans le sens où l’était le devancier qu’il flétrit : Lui, au contraire, dit-il, ayant la force en main, méprisait de contenter aucun, estimant qu’il lui suffisait de tenir leurs personnes par force, et qu’il n’importait de les tenir attachées par le cœur : mais en cela il se trompait bien ; car il est impossible qu’un gouvernement subsiste où nul n’a satisfaction et chacun est traité avec violence. […] Si un homme est sujet à ses vengeances, le mettre en autorité est mettre l’épée à la main d’un furieux. » De telles paroles montrent à quel point l’esprit de Richelieu était loin de donner dans les extrémités violentes.

555. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IX. Mémoires de Saint-Simon » pp. 213-237

Louis XIV inaugura, il est vrai, la cravache à la main, cette royauté personnelle pour laquelle Louis XI et Richelieu avaient combattu contre des aristocraties turbulentes, mais voilà justement sa gloire ! […] Il a tordu et retordu, d’une main cruelle, cette couronne d’épines dont elle n’a pas plus senti le poids que celui de l’autre couronne. […] Ce n’est pas au xixe  siècle, quand les penseurs à faire mourir de rire de ce siècle fameux cherchent le moyen impossible de se passer de la main de l’homme dans le gouvernement des peuples, qu’on peut apprécier Louis XIV, le plus grand des rois personnels, un de ces rois qui, à force d’expédients et de génie, dispensent les peuples d’institution, quand il n’y en a plus qui se tiennent debout et qu’on puisse rajuster. […] Quand il met la main à l’histoire, ce n’est que pour la raconter. […] Elle porte longtemps, sinon toujours, l’empreinte de la main qui l’a luxée.

556. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface et note de « Notre-Dame de Paris » (1831-1832) — Préface (1831) »

Il y a quelques années qu’en visitant, ou, pour mieux dire, en furetant Notre-Dame, l’auteur de ce livre trouva, dans un recoin obscur de l’une des tours, ce mot gravé à la main sur le mur : ἈNΆГKH. Ces majuscules grecques, noires de vétusté et assez profondément entaillées dans la pierre, je ne sais quels signes propres à la calligraphie gothique empreints dans leurs formes et dans leurs attitudes, comme pour révéler que c’était une main du moyen-âge qui les avait écrites là, surtout le sens lugubre et fatal qu’elles renferment, frappèrent vivement l’auteur.

557. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Et Lamartine ? »

Le jour où, acculé contre une petite porte de l’Hôtel-de-Ville, monté sur une chaise de paille, visé par des canons de fusils, la pointe des sabres lui piquant les mains et le forçant à relever le menton, gesticulant d’un bras tandis que de l’autre il serrait sur sa poitrine un homme du peuple, un loqueteux qui fondait en larmes  le jour où, tenant seul tête à la populace aveugle et irrésistible comme un élément, il l’arrêta — avec des mots — et fit tomber le drapeau rouge des mains de l’émeute  la fable d’Orphée devint une réalité, et Lamartine fut aussi grand qu’il ait jamais été donné à un homme de l’être en ses jours périssables. Mais, comme si le destin avait voulu lui faire expier cette heure extraordinaire  tout de suite après, l’abandon, l’oubli, la ruine amenée par l’ancien faste et par les charités royales, le travail forcé, une vieillesse attelée, pour vivre, à des tâches de librairie et finissant par tendre la main au peuple… Cette vie si grande le paraît encore plus, s’étant achevée dans tant de douleur.

558. (1836) Portraits littéraires. Tome I pp. 1-388

Les exemples abondent ; je choisis celui que j’ai sous la main. […] Un livre corrigé de la main du premier ministre n’est pas suspect de radicalisme. […] Il sait l’âge des arbres, il sait quelle main les a plantés. […] Le premier qui pose la main sur l’autel où se consume son encens est son ennemi déclaré. […] En prenant la main des deux adversaires, on croirait qu’il n’a qu’à parler pour les réunir.

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