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1079. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — XVIII. La bague aux souhaits »

Ensuite, étendant ta main au-dessus d’elle, tu demanderas à Allah ce que tu voudras avoir. […] Il pose sa main sur la poitrine d’Ahmed et s’aperçoit qu’elle est velue.

1080. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre V. Première partie. Les idées anciennes devenues inintelligibles » pp. 106-113

Le cavalier doit sentir frémir dans sa main la bouche délicate du cheval, sous peine d’être renversé avec dédain par lui. […] La Providence, qui lui a donné la magistrature des civilisations modernes, tantôt suscite Charles Martel pour écraser d’un seul coup les formidables armées des Sarrasins au milieu même de leurs immenses triomphes ; tantôt met dans les mains d’une jeune vierge l’étendard des lis, pour faire sacrer à Reims le fils de nos rois ; tantôt convoque à Paris tous les souverains de l’Europe, pour assister à la restauration de la monarchie conservatrice de leurs propres droits.

1081. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — II. (Fin.) » pp. 98-121

Sans doute, et nous le savons assez, il ne triait pas beaucoup dans ce qui venait à sa connaissance, il prenait un peu de toutes mains. […] Et quand l’écuyer a tout dit, et la soumission inattendue des quatre rois, et leurs façons étranges, et la peine qu’il eut, lui Henri Crystède, qui savait leur langue et avait été attaché à leurs personnes, à leur enseigner les belles manières et les bienséances indispensables ; quand il les a montrés apprivoisés peu à peu et amenés à se laisser faire chevaliers de la main du roi Richard en l’église cathédrale de Dublin, puis dînant ce jour-là avec le roi ; et après qu’il a ajouté que c’était chose très intéressante et qui eût été pour Froissart tout à fait neuve à regarder : « Henri, répond Froissart, à qui l’eau est venue à la bouche d’un tel récit, je le crois bien et voudrois qu’il m’eût coûté du mien et que j’eusse été là. » C’est absolument comme quand Saint-Simon, à une certaine scène de cour (le mariage de Mlle d’Orléans avec le duc de Berry), en un moment où toutes les intrigues et les cabales étaient en jeu, nous dit : « Je n’ai point su ce qui se passa chez elle (la duchesse de Bourbon, une des ennemies) dans ces étranges moments, où j’aurais acheté cher une cache derrière la tapisserie. » Pour Froissart, qui est d’une curiosité moins compliquée et moins dévorante, ce n’est jamais derrière la tapisserie qu’il désirerait se cacher, mais bien être dans quelque coin d’où il pût voir à l’aise le devant du spectacle et de la cérémonie. […] On a vu l’ordre des combattants ; mais Froissart, qui veut être exact et qui est au niveau de la stratégie de son époque, Froissart, qui, en son genre, est aussi clair dans son récit de la bataille de Poitiers que tel moderne peut l’être dans celui de la bataille d’Austerlitz, nous expose que l’ordonnance du prince de Galles a de plus cela de particulier, qu’il a formé, d’une part, un corps d’élite de chevaliers pour faire tête à la bataille des maréchaux de France, et que, d’autre part, à main droite, sur une montagne qui n’est pas trop roide à monter, il a disposé trois cents hommes à cheval et autant d’archers à cheval également, pour longer à la couverte cette montagne et tomber à l’improviste, à un moment donné, sur le corps du duc de Normandie, qui est rangé au pied. […] » et qu’il fit descendre tous ceux qui étoient à cheval, et que lui-même se mit à pied devant tous les siens, une hache de guerre en ses mains, et fit passer en avant ses bannières au nom de Dieu et de saint Denis, desquelles messire Geoffroi de Charny portoit la souveraine (l’oriflamme). […] Le prince s’incline très bas en l’accueillant, et fait apporter aussitôt vins et épices qu’il offre de sa main au roi « en signe de très grand amour ».

1082. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « De la tradition en littérature et dans quel sens il la faut entendre. Leçon d’ouverture à l’École normale » pp. 356-382

Lorsque après Trajan sonna décidément l’heure de la décadence romaine, la littérature sacrée, en train de naître, n’hérita pas aussi vite ni aussi directement de la beauté littéraire que Rome l’avait fait dans son premier contact avec la Grèce : on ne se passa pas de la main à la main le flambeau. […] On a eu le goût des sources ; on a voulu connaître toutes choses de plus près, moyennant des pièces et des documents de première main et, autant que possible, inédits. […] Les critiques mêmes de profession, pour peu qu’ils fussent élégants, ne s’informaient pas assez à l’avance de tout ce qui pouvait donner à leur jugement des garanties d’exactitude parfaite et de vérité ; on en sait plus qu’eux aujourd’hui sur bien des points dans les sujets où ils ont passé ; on a sous la main toutes les ressources désirables ; sans parler de la biographie, la bibliographie, cette branche toute nouvelle, d’abord réputée ingrate, cette science des livres dont on a dit « qu’elle dispense trop souvent de les lire », et que nos purs littérateurs laissaient autrefois aux critiques de Hollande, est devenue parisienne et à la mode, presque agréable et certainement facile, et le moindre débutant, pour peu qu’il veuille s’y appliquer deux ou trois matinées, n’est pas embarrassé de savoir tout ce qui concerne le matériel des livres et le personnel de l’auteur dont il s’occupe pour le moment. […] La meilleure manière, non seulement de sentir, mais de faire valoir les belles œuvres, c’est de ne point avoir de parti pris, de se laisser faire chaque fois en les lisant, en en parlant ; d’oublier s’il se peut, qu’on les possède de longue main, et de recommencer avec elles comme si on ne les connaissait que d’aujourd’hui.

1083. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — I »

Les uns véritablement prédestinés et divins, naissent avec leur lot, ne s’occupent guère à le grossir grain à grain en cette vie, mais le dispensent avec profusion et comme à pleines mains en leurs œuvres ; car leur trésor est inépuisable au dedans. […] Le petit Racine en vint rapidement à lire tous les auteurs grecs dans le texte ; il en faisait des extraits, les annotait de sa main, les apprenait par cœur. […] Il décelait déjà sa nature discrète, innocente et rêveuse, par de longues promenades, un livre à la main (et qu’il ne lisait pas toujours), dans ces belles solitudes dont il ressentait les douceurs jusqu’aux larmes. […] Où, sans lever jamais leurs têtes colossales, Veillaient, assis en cercle et se regardant tous, Des dieux d’airain posant leurs mains sur leurs genoux. […] Quand il arme les lévites, et qu’il leur rappelle que leurs ancêtres, à la voix de Moïse, ont autrefois massacré leurs frères (« Voici ce que dit le Seigneur, Dieu d’Israël : « Que chaque homme place son glaive sur sa cuisse, et que chacun tue son frère, son ami, et celui qui lui est le plus proche. » Les enfants de Lévi firent ce que Moïse avait ordonné. »), il délaie ce verset en périphrases évasives : Ne descendez-vous pas de ces fameux lévites Qui, lorsqu’au dieu du Nil le volage Israël Rendit dans le désert un culte criminel, De leurs plus chers parents saintement homicides, Consacrèrent leurs mains dans le sang des perfides, Et par ce noble exploit vous acquirent l’honneur D’être seuls employés aux autels du Seigneur ?

1084. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre troisième »

Aucune objection ne le troubla, ni les promesses universelles de salut que Jésus-Christ fait aux hommes dans l’Évangile, ni les passages de l’Ancien Testament, où Dieu tend la main aux plus endurcis. […] Il fit disparaître tout ce qui était acte extérieur, et qui pouvait distraire les élus de ce spiritualisme sombre où sa main de fer les voulait enchaîner. […] Un homme surpris un jeu de cartes dans les mains, était attaché au poteau infamant, ses cartes sur l’épaule. […] Ainsi se forma le corps de la doctrine calviniste, le Livre-Somme, qui, de 1536 jusqu’à la fin du xviie siècle, fut dans toutes les mains savantes, et qui, au xvie  siècle, fut comme le formulaire de toute l’Europe théologique. […] « Il a beau faire, s’écrie-t-il, jamais il ne le persuadera à personne ; et tout le monde sait combien je sais presser un argument, et combien est précise la brièveté avec laquelle j’écris74. » A la fin d’un chapitre de l’Institution, il dit : « Or, je pense bien avoir fait ce que je voulois, quant à ce point. » Combien n’est-il pas redoutable, celui qui, ayant dans les mains le pouvoir de vie et de mort, mesure la justice de sa cause à la rigueur de ses raisonnements !

1085. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre huitième »

Rica, visitant la grande bibliothèque d’un couvent de dervis, y remarque les historiens et surtout les historiens de la décadence romaine ; c’est Montesquieu lui-même qui prend date, et par d’admirables réflexions sur la chute de l’empire romain révèle une pensée en travail, et met la main sur le sujet, du droit du premier occupant. […] Dans un discours de sa jeunesse79, il avait traité de la politique des Romains dans la religion ; il est vrai qu’il s’agit de la religion en la main des grands pour gouverner les petits, par « cette crédulité des peuples qui est toujours au-dessus du ridicule et de l’extravagant. » Bossuet l’entend d’une tout autre façon. […] La conséquence était sous sa main. […] Il semble par moments que les mêmes mains tiennent encore la plume. […] A laquelle n’a-t-il pas mis la main ?

1086. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIII. La littérature et la morale » pp. 314-335

Doit-il être entre les mains de ses chefs un instrument aveugle, perinde ac cadaver ? […] Il se précipite dans la mêlée ; mais le malheur est que, chaque fois qu’il écrase un cavalier, le cheval est du même coup broyé, comme le papillon qu’un enfant saisit et serre dans sa main maladroitement meurtrière. […] Combattre un contre mille, défier tous les supplices quand ils tombent aux mains de l’ennemi, n’est guère qu’un jeu pour tous ces héros. […] C’est une amie ; le héros mourant songe avec inquiétude à ce qu’elle va devenir ; il ne veut pas qu’elle souffre en passant aux mains des mécréants, il lui parle, il lui fait ses adieux. […] Rousseau même ne posera-t-il pas en dogme absolu l’infaillibilité de la passion, quand il écrira : « Tout est bien sortant des mains de l’auteur des choses. » Est-il malaisé de deviner dès lors ce qui va dominer dans les personnages du théâtre de Voltaire ?

1087. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface des « Derniers Jours d’un condamné » (1832) »

Depuis, chaque fois qu’au gré des funèbres jeudis de la cour de cassation, il arrivait un de ces jours où le cri d’un arrêt de mort se fait dans Paris, chaque fois que l’auteur entendait passer sous ses fenêtres ces hurlements enroués qui ameutent des spectateurs pour la Grève, chaque fois, la douloureuse idée lui revenait, s’emparait de lui, lui emplissait la tête de gendarmes, de bourreaux et de foule, lui expliquait heure par heure les dernières souffrances du misérable agonisant, — en ce moment on le confesse, en ce moment on lui coupe les cheveux, en ce moment on lui lie les mains, — le sommait, lui pauvre poëte, de dire tout cela à la société, qui fait ses affaires pendant que cette chose monstrueuse s’accomplit, le pressait, le poussait, le secouait, lui arrachait ses vers de l’esprit, s’il était en train d’en faire, et les tuait à peine ébauchés, barrait tous ses travaux, se mettait en travers de tout, l’investissait, l’obsédait, l’assiégeait. […] Se laver les mains est bien, empêcher le sang de couler serait mieux. […] Ce fut à qui parlerait, à qui gémirait, à qui lèverait les mains au ciel. […] Un conseil de brahmines serait beau prenant en main la cause du paria. […] Tandis que vous n’avez pas même fait une œuvre politique en essayant de l’abolir, non pour l’abolir, mais pour sauver quatre malheureux ministres pris la main dans le sac des coups d’État !

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