… Dans de telles circonstances, qui sont les circonstances présentes, les grandes ou fortes œuvres tarissent et les petits livres abondent, les petits livres qui sont aux œuvres dignes de ce nom ce que le tableau de genre est aux grandes toiles ; les petits livres qui ne demandent que des facultés secondaires et qui dispensent de tout ce qui est difficile : la profondeur dans l’inspiration, la combinaison, l’ordre, la distribution de la lumière dans le fourmillement des détails, l’étoffe de l’ensemble enfin ; les petits livres dont ce brillant dandy, Mirabeau manqué dans l’intrigue, lord Bolingbroke, disait, avec sa fatuité épigrammatique, « qu’au moins ils avaient le mérite d’être bientôt lus ». Triste mérite, dans tous les cas ; car s’ils sont bons on regrette de n’avoir pas eu à lire davantage, et s’ils sont mauvais, c’est encore trop !
Et tel est, selon nous, le premier mérite et l’honneur de cette poésie métallique, brillante, lapidaire, solide, harmonieuse comme du cristal qui tinterait contre de l’or : elle est humaine ! […] Un livre qui a des défauts littéraires d’autant plus grands qu’il est le produit d’un système, mais qui a aussi une valeur absolue, un mérite qui ne passera pas, c’est-à-dire la vérité presque maladive d’une inspiration qui ressemble à un empoisonnement, les Poésies de Joseph Delorme, datèrent bien ce commencement d’une époque traversée par nous maintenant, mais Dieu sait à quel prix !
La pièce italienne mérite de préférence que nous la mettions en comparaison avec la française. […] Dès ce moment, les ennemis de Molière ne parurent pas terrassés par le mérite de son ouvrage, mais par la toute-puissance. […] Mais nous la traiterons plus favorablement, n’eût-elle que le mérite de verser à grands flots le ridicule sur le pédantisme de la fausse philosophie, et sur le jargon vide de sens qui régnait dans nos écoles. […] Je l’écoute avec les égards que mérite sa noble audace ; hélas ! […] Nous aurons encore à réfléchir sur les inquiétudes de Molière, assez modeste pour ne pas croire au mérite de sa nouvelle production, avant l’approbation de Louis XIV.
C’est le mérite de M. […] C’est le dernier mérite, et non le moindre, que nous signalerons dans ce livre où se devine à chaque page l’émotion contenue. […] C’est, en quelque manière, le contraire qui est vrai, puisque le mérite de littérature n’y apparaît qu’avec le travail de la forme. […] Quel outrage et qui mérite bien d’être puni ! […] Le premier mérite d’un causeur est d’aimer à causer.
Mais les critiques malveillants n’ont pas de mérite à avoir raison. […] Boileau a pensé des auteurs de son temps ce que, deux siècles après lui, libres des préventions et des surprises dont il eut à se défendre, nous en pensons à notre tour, sans effort et presque sans mérite. […] Tout ce qui mérite l’estime des hommes s’y trouve réuni : unité, consistance, fierté sans morgue ; un homme qui n’a pas toute l’ambition de ses talents ; pauvre et gardant un grand air ; l’agent d’un roi sans royaume, qui fait respecter dans son maître la dignité du malheur par la façon dont il fait respecter sa propre gêne ; aimable, civil, mêlé aux affaires sans en être possédé ; ayant, lui aussi, ses retraites et sa solitude, mais dans sa pensée tranquille, dans sa conscience de chrétien, dans les affections de la famille, si favorables à la recherche et à l’expression de la vérité. […] Dans l’Histoire de la conquête de l’Angleterre par les Normands, un critique si éminent a signalé un genre d’injustice d’ailleurs si rare, qu’il y a du mérite à en encourir le reproche, la partialité pour les vaincus. […] Arrivé au terme de cette trop rapide revue, la gloire de mon temps m’attire vers d’autres côtés, et je me sens pris d’un dernier doute sur le mérite d’un plan qui me force d’omettre tout ce qui n’est pas de pure littérature.
Il y a des prologues qui, sans avoir de rapport à la pièce, ont cependant un mérite particulier pour la convenance qu’ils ont au temps où elle a été représentée : tel est le prologue d’Hésione, opéra qui fut donné en 1700. […] Mais ne pourrait-on pas lui préférer encore celles qui joignent à ce mérite celui d’être en sentiment et en tableaux ? […] C’est encore le mérite de Sémiramis. […] Le nom de comédie ne leur convient nullement puisque la comédie est une action et emporte dans son idée l’unité d’action ; mérite qui manque absolument à ces ouvrages, qui ne sont que des déclamations partagées en plusieurs points. […] C’est un des grands mérites de Molière.
Mais nous n’avons méprisé ni la philosophie, ni la géométrie, ni les belles-lettres, et nous nous sommes contentés d’avoir du mérite dans notre genre. […] Combien n’ai-je pas entendu, par de ridicules propos, condamner vos plus belles actions, et vous traiter d’hommes qui avaient usurpé une réputation dans un siècle d’ignorance qui manquait de vrais appréciateurs du mérite ! […] » Nommez-moi donc, Mylord, un souverain qui ait attiré chez lui plus d’étrangers habiles, et qui ait plus encouragé le mérite dans ses sujets. […] Il eut l’attention de placer trois enfants de Pierre Corneille, deux dans les troupes, et l’autre dans l’Église ; il excita le mérite naissant de Racine, par un présent considérable pour un jeune homme inconnu et sans bien ; et quand ce génie se fut perfectionné, ces talents, qui souvent sont l’exclusion de la fortune, firent la sienne. […] » Louis XIV songeait à tout ; il protégeait les Académies, et distinguait ceux qui se signalaient ; il ne prodiguait point sa faveur à un genre de mérite, à l’exclusion des autres, comme tant de princes qui favorisent, non ce qui est beau, mais ce qui leur plaît ; la physique et l’étude de l’antiquité attirèrent son attention.
Il y a là un mérite incomparable. […] Première lettre, premier mot : « Vous n’avez jamais voulu lire d’autres voyages que ceux des chevaliers de la Table Ronde ; mais le nôtre mérite bien que vous le lisiez. […] Voici la description du jardin de Mme C… : « Le jardin de Mme C… mérite aussi d’avoir place dans cette histoire. […] On la voit rarement s’écarter de sa route ; Elle a peu de replis dans son cours mesuré ; Ce n’est pas un ruisseau qui s’épande en un pré, C’est la fille d’Amphitrite, C’est elle dont le mérite, Le nom, la gloire et les bords Sont dignes de ces provinces Qu’entre tous leurs plus grands trésors Ont toujours placées nos princes. […] Quelles imprécations Ne mérites-tu point, cruelle maladie, Qui ne peux voir qu’avec envie Le sujet de nos passions » Suivent des imprécations, en effet, très éloquentes, à l’adresse de la petite vérole.
L’ordre des temps ajoute au mérite des hommes qui ont rempli cette tâche dans notre pays ; c’est dans l’intervalle du Discours de la méthode aux Provinciales que s’achève cette sorte d’éducation du goût national. […] Ainsi Jean Firmond, quoique homme de mérite et d’un jugement solide, avait proposé que les académiciens fissent serment d’employer les mots approuvés par la pluralité des voix dans l’assemblée. […] Trop de louange donnée au mérite du nombre et de la cadence détourne les esprits des choses, pour les attacher aux mots. […] Peu de noms ont été plus grands dans le siècle qui compte le plus de grands noms, et où la gloire a été le plus exactement mesurée au mérite ; mais ce nom n’est attaché à aucun ouvrage durable, et, chose plus étonnante, aucun des écrits d’Arnauld ne porte son empreinte personnelle. […] Nous lisons les ouvrages avec une disposition d’esprit particulière, et le mérite de l’auteur est de se rencontrer si bien avec cette disposition que, pour parler comme Nicole, « il ne manque jamais de nous proposer sur chaque sujet les parties dont nous pouvons être touchés72. » Notre disposition en ouvrant un livre de pensées détachées, c’est une certaine curiosité qui, n’ayant aucun objet distinct, n’est contentée que par la rareté et la diversité de ceux qu’on lui offre.