Quand on est l’enfant d’une mère pieuse qui s’agenouillait sur la pierre des églises aux heures où elle conçut votre âme, quand on a soi-même, durant les années de la jeunesse, aperçu à l’horizon de ses rêveries la colline du Golgotha et les croix dressées, quand on a déraciné de soi la croyance au prix de la lutte la plus tragique et avec la sensation qu’il y allait de la vie éternelle, certes l’histoire de Celui que l’on appela son Rédempteur et son Christ ne saurait être étudiée avec l’indépendance de cœur d’un chimiste considérant un précipité. […] Entendez par là cette philosophie que Carlyle appelle profondément, dans son Sartor resœrtus : « a spiritual picture of nature… une peinture spirituelle du monde. » La riche et prodigieuse variété des phénomènes se résume en quelques lois qui sont comme les fioles d’opium, mères du songe grandiose.
c’est l’auteur d’Astrate et de la Mère coquette. […] Si Le Sage a fréquenté chez les Villars, comme le veut une autre tradition, il y a connu la marquise, mère du maréchal, et dont les Lettres sur l’Espagne ne déparent point la collection des Lettres de Mme de Coulanges et de Mme de Sévigné. […] — Lettre d’une fille des chœurs de l’Opéra, à Paris, à sa mère, qui demeure en province. — Lettre d’un militaire qui mande à une dame de ses amies comment une maîtresse infidèle s’est raccommodée à son amant qui ne voulait plus la voir. — Lettre d’une jeune bourgeoise de Paris à une de ses amies établie à Saumur. […] Tartufe, admirable original ; la Mère coupable, mauvaise copie ! […] Il en eût bien pris à Marivaux, tout particulièrement, de ne pas vouloir tirer de l’original de l’École des femmes sa copie de l’École des mères, et de l’original du Misanthrope sa copie des Sincères.
Qu’elle me récréa, cette Anglaise, à la terrasse d’un café du boulevard Saint-Michel, avec ses garçons en costume de midshipman, sérieux et ramassés, ne regardant rien que leur mère, n’écoutant que leur mère, évaporée assez jolie, qui leur traduisait, en riant aux éclats, les échos galants de la Vie Parisienne.
Ô Faust, je viens à toi, quittant le sein des Mères ! […] De ses vers beaucoup sont comme roussis par une glaciale affectation de naïveté, parler d’enfant trop chéri, de petite fille trop écoutée, — mais signe aussi d’un vrai besoin d’affection et d’une pure douceur de cœur, — adolescent de génie qui eût voulu encore poser sur les genoux de sa mère son « front équatorial, serre d’anomalies » ; — mais beaucoup ont la beauté des topazes flambées, la mélancolie des opales, la fraîcheur des pierres de lune, et telles pages, celle qui commence ainsi : Noire bise, averse glapissante Et fleuve noir, et maisons closes… ont la grâce triste, mais tout de même consolante, des aveux éternels : l’éternellement la même chose, Laforgue la redit en tel mode qu’elle semble rêvée et avouée pour la première fois3.
Enfin, un article de synonymes n’en sera pas quelquefois moins bon, quoiqu’on puisse dans les exemples substituer un mot à la place de l’autre ; il faudra seulement que cette substitution ne puisse être réciproque : ainsi, quand on voudra marquer la différence entre pleurs et larmes, on pourra donner pour exemple, entre plusieurs autres, les larmes d’une mère et les pleurs de la vigne ou de l’Aurore, quoiqu’on puisse dire aussi bien les pleurs d’une mère, que ses larmes ; parce qu’on ne peut pas dire de même les larmes de la vigne ou de l’Aurore, pour les pleurs de l’une ou de l’autre.
La terreur que fait en Afrique Aux troupeaux l’assaut d’un lion, Bien que sa mère eût à ses armes Ajouté la force des charmes, Quand les Destins l’eurent permis, N’eut-il pas sa trame coupée De la moins redoutable épée Qui fut parmi ses ennemis ? […] « La société humaine demande que l’on aime la terre où l’on habite ensemble ; on la regarde comme une mère et une nourrice commune, on s’y attache, et cela unit. […] Et je ne dirai pas que, sans lui, sans son exemple, Montesquieu n’eût pas conçu la pensée de son Esprit des lois — qu’il a grand tort, après cela, d’appeler un enfant sans mère, — mais, pour des raisons que je donnerai peut-être un jour, j’ose affirmer que l’Esprit des lois serait autre, et, en tout cas, qu’une génération formée par la critique et préparée par la lecture de Bayle a seule pu le comprendre. […] Les Deshoulières, mère et fille, les Dunoyer — Mme Dunoyer, la mère de cette Pimpette qui fut le premier amour de Voltaire, — Mme d’Aulnoy, l’auteur de la Belle et la Bête, Mlle Lhéritier, Mme Durand, sont de la même école et préparent en plein règne de Louis XIV la prochaine et singulière fortune des Tencin et des Du Deffand, des d’Épinay et des Lespinasse.
Chapitre VI Guy de Maupassant et sa mère. […] voici la petite lanterne de mère, et la canne que petit père a cassée en voulant ouvrir la barrière dont le bois était gonflé par la pluie. » Maupassant aimait les brimades, les farces, les grosses plaisanteries. […] Plusieurs années après la mort de Maupassant, la nièce de Gustave Flaubert, alors Mme Commanville, qui connaissait mon admiration pour l’auteur de la Maison Tellier, me proposa de me donner un mot d’introduction pour sa mère, qui vivait à Nice. « Elle est malade, me dit-elle ; elle ne quitte plus le lit. […] J’essayai de consoler cette mère en lui faisant raconter ses souvenirs sur son fils. […] Je reverrai toujours, dressée sur ses coussins, cette mère tragique, à qui la mort de son fils n’inspira que des sentiments de révolte et d’incrédulité sans espoir.
De tels jugements nous ont frappés, hommes de ces années, sans doute parce que nous étions mis en cause et sottement bafoués par les critiques bien pensants ; ils n’étaient que la représentation, maladroite et usée, des sentences par lesquelles les sages de tous les temps essayèrent de maudire et d’écraser les serpents nouveaux qui brisent leur coquille sous l’œil ironique de leur vieille mère. […] Il est entendu que les vierges noires, telle que de Chartres ou du Puy, sont d’origine druidique : « Bien avant que la fille de Joachim fût née, les Druides avaient instauré, dans la grotte qui est devenue notre crypte, un autel à la Vierge qui devait enfanter, Virgini parituræ .Ils ont eu, par une sorte de grâce, l’intuition d’un Sauveur dont la Mère serait sans tache… » Il n’y a pas à insister. […] On est allé chercher jusqu’en Chine le pressentiment de la Vierge Mère et l’on a trouvé que la vierge Kiang-Yuen conçut son fils Heou-Tsi miraculeusement, par la lueur d’un éclair ! […] Il est toujours amusant de voir un Tchèque ou un Polonais offrir du fond de son cœur à un Français de Reims ou de Rouen des moyens délicats d’améliorer la langue qu’il apprit dans le ventre de sa mère ; on passe sur l’impudence et l’on rit : on aime à rire sur les bords de la Seine et sur les bords de la Marne.
Mais la Musique est l’expression même de ce cœur ; et d’innombrables apparences de tout genre pourraient passer auprès de la même musique sans épuiser son sens essentiel ; elles ne seraient jamais que des images extériorisées de ce que la Musique exprime. » La Musique est ainsi l’élément premier, c’est elle l’idée mère, la forme primaire de l’idée et du sentiment. […] On sait que Wagner naquit en 1813, quelques mois avant la mort de son père, greffier de police à Leipzig, enlevé inopinément par une fièvre typhoïde, et que sa mère se remaria un an plus tard avec le comédien Emile Geyerb, physionomie extrêmement curieuse, acteur très goûté, peintre recherché tout ensemble et vaudevilliste applaudi. […] En cette qualité, elle n’a à prendre place ni devant ni derrière le drame ; elle n’est pas sa rivale, mais sa mère. Elle chante ; et ce qu’elle chante, vous le voyez là-haut sur la scène ; c’est dans ce but qu’elle vous a assemblés : car ce qu’elle est, vous ne pouvez jamais que le soupçonner ; c’est pourquoi elle se révèle à vos yeux par le symbole scénique, à peu près comme la mère expose à ses enfants les mystères de la Religion par le récit de la Légende. » Cela me paraît tout à fait décisif.