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402. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Banville. Les Odes funambulesques. »

L’auteur des Odes funambulesques, au contraire (pour lui laisser son demi-masque d’anonyme, comme son loup d’Arlequin et sa farine de Pierrot), l’auteur des Odes funambulesques, poète saltimbanque, se jette dans le faux, le faux compréhensible et vulgaire, avec une clarté, une fulgurance, une force de lumière qui ne permet aucune méprise. […] Puisqu’il a résisté si longtemps aux gymnastiques assassines pratiquées sur les organes de son génie, c’est qu’il était né plein de force, fait pour croître, robuste et gracieux, dans la simplicité et dans la lumière, semblable à l’Astyanax nu du tableau, au bonnet d’azur, parsemé d’étoiles !

403. (1890) Derniers essais de littérature et d’esthétique

C’est le fantôme de la lumière que la lumière qui éclaire sa face. […] Grandioses étaient les lumières de son midi au cœur de l’Été. […] Pourtant, ô Seigneur de puissance mon esprit, dans la lumière, verra encore la lumière. […] Les filles du Soleil et de la Lune sont assises sur les bords écarlates des nuages et tissent les rayons de lumière en une toile brillante. […] Il parvint alors à une petite clairière où reparaissait le gazon, un gazon bien peu épais, parce que bien peu de lumière du soleil y arrivait, tant étaient serrés les hauts arbres des alentours.

404. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Drouais  »

Et puis une intelligence de lumière tout à fait rare et précieuse.

405. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Venevault »

Cela est petitement fait, mal agencé, sec, dur, sans plan, sans liaison de lumières, platement peint, obscur, en dépit de la longue description du livret.

406. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (2e partie) » pp. 5-80

Les montagnes de Tivoli, de Frascati, d’Albano, du Soracte, s’élèvent, grandies par le mirage de la vapeur diurne, et semblent danser derrière vous dans le firmament ; l’horizon de la mer ne se distingue de l’horizon du ciel que par un ruban d’azur foncé qui indique au pêcheur le premier frisson du vent qui se lève ; une ou deux voiles commencent à palpiter dans le lointain ; la lumière qui descend de la voûte céleste, qui rejaillit des montagnes, qui flotte sur les vagues, qui se répercute du sol au mur de l’aqueduc et de l’aqueduc au sol, vous immerge dans un éblouissement tiède, où vous croyez voir, sentir, respirer le jour sans ombre et sans fin ; il vous semble nager en Dieu, la lumière des pensées. Votre âme se transfigure en rayons et se répand, comme cette pluie de feu, dans toute l’étendue ; vous n’êtes plus ici ou là ; vous êtes partout, vous contractez l’ubiquité de cette lumière : elle est si transparente que vous croyez lire jusqu’au fond du firmament, comme on voit dans une eau claire, à l’ombre d’un cap, jusqu’aux grains de sable de la plage. […] XVIII C’est l’été ; le ciel est pur ; on ne le voit qu’à sa clarté ; il revêt tout de sa lumière, dans laquelle il se noie et se confond lui-même ; l’air, on ne le voit pas non plus, mais on le sent : il est chaud, mais déjà trempé de ces premières moiteurs d’un beau soir qui se mêlent, sur le front, avec la sueur de la journée de l’homme, pour la rafraîchir et pour l’embaumer ; on distingue l’heure, non seulement aux lourdes ombres qui s’allongent derrière les roues du char et derrière les épaules des jeunes filles, mais on la discerne plus visiblement encore aux deux ou trois légers nuages qui flottent très loin dans le ciel et qui se teignent, seulement par le haut, des lueurs répercutées du soleil. […] Sans doute il y a eu et il y a, aujourd’hui surtout, en France, où une génération de grands peintres prépare un second siècle de Léon X, en deçà des Alpes, il y a des peintres qui peignent, comme Géricault, ou dessinent, comme Michel-Ange, avec le crayon fougueux et infaillible qui calque les formes du Créateur, qui sculpte la charpente des os et des muscles du corps humain ; il y en a qui ont ravi à Titien le coloris, à Raphaël la grâce, à Rubens l’éblouissement et l’empâtement profond, délayés dans des rayons par leurs pinceaux ruisselants ; il y en a qui font nager, comme Huet, leurs paysages, sévèrement réfléchis par un œil pensif, dans les lumières sereines de Claude Lorrain ou dans les ombres transparentes de Poussin ; il y en a qui pétrissent, comme Delacroix, en pâtes splendides, les teintes de l’arc-en-ciel sur leurs palettes ; il y en a qui, comme Gudin, font onduler la lumière et étinceler l’écume sur les vagues remuées par le souffle de leurs lèvres ; il y en a, comme Meissonier, qui donnent aux scènes et aux intérieurs de la vie domestique l’intérêt, la réalité, le pittoresque et le classique de la peinture héroïque ; il y en a qui, comme mademoiselle Rosa Bonheur, transportent avec une vigueur masculine, sur la grande toile, les pastorales de Théocrite, les chevaux de charrette ou les taureaux fumants dans le sillon retourné par le soc luisant ; il y en a qui, comme les deux Lehmann, dont le plus jeune, dans sa Graziella écoutant le livre qu’on lui lit à la lueur du crépuscule, sur la terrasse de l’île de Procida, au bord de la mer, semblent avoir retrouvé sur leur palette l’âme mélodieuse de Léopold Robert.

407. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XV. La littérature et les arts » pp. 364-405

Gluck écrivait déjà : « La musique doit ajouter à la poésie ce que l’heureux accord de la lumière et des ombres, la vivacité des couleurs ajoutent à la correction et à la bonne tenue du dessin, en animant les figures sans en altérer les contours. » Seulement pour que l’accord et l’équilibre, difficiles à établir et faciles à déranger, se maintiennent, peut-être faut-il qu’il y ait fusion du poète et du musicien en une seule et même personne, et qu’en sus l’artiste doublement doué ait une égale maîtrise dans l’un et l’autre art. […] L’ex-rapin, qui à la première représentation d’Hernani, arborait et mariait hardiment un pourpoint de satin cerise et un pantalon vert d’eau, devint un habile et puissant coloriste, sachant placer au bon endroit l’épithète voyante, faire flamber sous un coup de lumière une colonne de marbre ou le dôme d’une mosquée, iriser ses écrits de toutes les nuances de l’arc-en-ciel. […] La rivière n’est pas seulement limpide ; elle est lucide ; elle roule de la lumière. […] Il y avait autant de taches de couleur que de taches d’encre sur les marges de ces beaux livres sans cesse feuilletés. » En fournissant ainsi des sujets, des motifs, des types à la peinture, il se peut que la littérature l’ait parfois poussée hors de son vrai chemin ; qu’elle ait incité les artistes à chercher l’intérêt ailleurs que dans la combinaison des tons et des jeux de lumière, je veux dire dans la représentation de scènes pathétiques, émouvantes. […] En toute époque, il y a une enquête semblable à faire ; et, bien menée, elle peut jeter quelque lumière sur les plus délicates variations du goût littéraire.

408. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIe entretien. Littérature italienne. Dante. » pp. 329-408

Ces coupoles sombres contrastaient avec la riante lumière des vallées, comme les siècles immuables contrastent avec les printemps d’une heure qui fleurissent et qui s’effeuillent à leurs pieds ! […] La lumière se réfléchit mieux que les ténèbres dans le miroir de l’esprit humain comme dans le miroir de l’Océan. […] Un de ces songes mêlés de nuages et de lumière, de merveilleux et de vérité, est son livre intitulé de Dante et de la Philosophie catholique au treizième siècle. […] Mais il faut respecter la lumière jusque dans son aurore. […] Quant aux commentaires sur le sens obscur de l’histoire de la philosophie du poème, Ozanam n’aurait pas mieux réussi que M. de Lamennais à répandre une complète lumière sur ce chaos.

409. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIIe entretien. I. — Une page de mémoires. Comment je suis devenu poète » pp. 365-444

Je vivrais mille ans que je n’oublierais pas certaines heures du soir où, m’échappant pendant la récréation des élèves jouant dans la cour, j’entrais par une petite porte secrète dans l’église déjà assombrie par la nuit et à peine éclairée au fond du chœur par la lampe suspendue du sanctuaire ; je me cachais sous l’ombre plus épaisse d’un pilier ; je m’enveloppais tout entier de mon manteau comme dans un linceul ; j’appuyais mon front contre le marbre froid d’une balustrade, et, plongé, pendant des minutes que je ne comptais plus, dans une muette, mais intarissable adoration, je ne sentais plus la terre sous mes genoux ou sous mes pieds, et je m’abîmais en Dieu, comme l’atome flottant dans la chaleur d’un jour d’été s’élève, se noie, se perd dans l’atmosphère, et, devenu transparent comme l’éther, paraît aussi aérien que l’air lui-même et aussi lumineux que la lumière. […] Ce sont de ces moments d’ineffables délices Dont Dieu ne laisse pas épuiser les calices ; Des éclairs de lumière et de félicité Qui confondent la vie avec l’éternité ; Notre âme s’en souvient comme d’une pensée Rapide dont en songe elle fut traversée. […]              Ton écume vagabonde,              Le limon, la feuille immonde,              Qui roulent avec ton onde,              Ne terniraient plus tes flots ;              Las de ta fuite insensée,              Ta vague, en sa main bercée,              Serait, comme ma pensée, Tout lumière au dehors, au dedans tout repos ! […] Ceux qui ont admis la beauté de la nature comme preuve d’une intelligence supérieure auraient dû faire remarquer une chose qui agrandit prodigieusement la sphère des merveilles : c’est que le mouvement et le repos, les ténèbres et la lumière, les saisons, la marche des astres, qui varient les décorations du monde, ne sont pourtant successifs qu’en apparence et sont permanents en réalité. […] À chaque moment de la journée, le soleil se lève, brille à son zénith et se couche sur le monde ; ou plutôt nos sens nous abusent, et il n’y a ni orient, ni midi, ni occident vrai : tout se réduit à un point fixe d’où le flambeau du jour fait éclater à la fois trois lumières en une seule substance.

410. (1903) La renaissance classique pp. -

Le livre qu’il publie aujourd’hui est le reflet poétique de la vie sage et voluptueuse qu’il mène, — existence paisible, soutenue par une nature robuste et saine, embellie par les rêves d’une âme lyrique, que pénètrent la suavité du ciel provençal et la splendeur de sa lumière, qu’exalte et que contient la sévère beauté des grands paysages classiques de la Méditerranée. […] La plante pousse, les racines s’enfoncent, les rameaux s’élancent et se déploient, les fines nervures des feuilles se découpent dans la lumière. […] Dans ce cadre en grande partie artificiel, se groupent et se coordonnent « ces dispositions innées et héréditaires que l’homme apporte avec lui à la lumière et qui ordinairement sont jointes à des différences marquées dans le tempérament et la structure du corps ». […] La lumière douce est encore voilée par les brumes. […] Gigantesques miroirs créés tout exprès pour refléter sa magnificence, les parterres d’eau répètent et prolongent dans leurs ciels illusoires la vaste ordonnance du palais avec ses statues, ses trophées de cuirasses et de drapeaux, ses pilastres et ses colonnes au mol ionique fleuri de guirlandes, ses hautes fenêtres au cintre épanoui comme pour accueillir plus abondamment la lumière.

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