Il se tenait encore tout au fond, debout sur sa paille, de peur de se trahir en se précipitant trop vite vers moi ; mais, quand j’eus ouvert sa grille d’une main toute tremblante, il bondit comme un bélier du fond de l’ombre, il me prit dans ses bras et m’étouffa contre son cœur, où je me sentais mourir et où je restai longtemps sans que lui ni moi nous pussions proférer une seule parole ; lui baisait mes cheveux, moi ses mains, tels que nous nous serrions, vous et moi, ma tante, quand, après une longue absence dans les bois après mes chèvres, je revenais le soir plus tard que vous ne m’attendiez sous le châtaignier. […] L’oiseau apportait à sa patte un long brin de paille reluisant comme l’or d’une feuille de maïs au soleil ! […] Ce fut si fort et si long, monsieur, que le bargello me dit le lendemain : — Tu as donc bien peu de cœur, Antonio (c’est ainsi qu’il m’appelait), tu as donc bien peu de cœur de jouer des airs si gais aux oreilles de ces pauvres gens des loges qui pleurent leurs larmes devant Dieu, et surtout aux oreilles de l’homicide qui compte ses dernières heures sur la paille de son cachot ! […] l’ombre du cloître n’en descendait que plus vite sur la cour, et les étoiles ne s’en levaient pas moins dans le coin du ciel qu’on apercevait du fond du cachot ; il fallait nous séparer, coûte que coûte, de peur que ma veille dans la cour ne parût trop longue au bargello ; sa femme et lui étaient bien contents de mon service ; ils ne cessaient pas, les braves gens, de se féliciter de ma fidélité, de mon assiduité à mon devoir, et des soins que je prenais des prisonniers, des chiens et des colombes. […] Comme le cloître était bien long et que le frère Hilario marchait pesamment, à cause de son âge, nous causions, Hyeronimo, mon frère et moi, pendant la distance d’un bout du cloître à l’autre bout ; le chien même semblait s’en mêler, monsieur, et ses yeux semblaient véritablement pleurer autant que les miens, quand je regardais Fior d’Aliza ou Hyeronimo.
Elle eut le malheur de tomber sur un homme « distingué. » Cela commença par un commerce de poésies et une amitié « littéraire. » Marceline se défendit un assez long temps. […] Auguste Lacaussade, dans l’édition elzévirienne des Œuvres de Marceline, semble en savoir plus long qu’il n’en dit. […] La mélancolie de Marceline, ses beaux yeux, ses cheveux éplorés, son long visage pâle, expressif et passionné, d’Espagnole des Flandres, émurent vivement le jeune « artiste » ; il connaissait d’ailleurs les vers de Marceline et lui croyait du génie. […] J’ai déjà dit que ses deux cent quatre-vingt-trois lettres n’étaient qu’une longue lamentation. […] Rivière, mais plus fantasque, Inès avait de longs silences, suivis d’une agitation fébrile, inquiétante, que la mère attribuait à une croissance difficile.
Que d’illusion dans cette ivresse, dans cette longue ovation d’une disgrâce où la mode jouait et s’essayait à la popularité, dans cet espoir, secrètement nourri et toujours présent, d’un futur rappel et d’une rentrée triomphante aux affaires ! […] Non pas qu’on ne puisse trouver aujourd’hui ses descriptions bien souvent longues et tirées, ses grandes chroniques de Chanteloup fades et traînantes, ses plaisanteries froides et compassées : il faudrait une magie de plume qu’il n’a pas pour nous faire repasser avec plaisir sur la monotonie de ces journées heureuses. […] Ne vous affligez pas vous-même pour moi ; car ces regrets ne sont pas de longue durée, et je sens tous les jours qu’ils deviennent moins vifs. […] je le suis de vous et de mon Horace… » Mais ces moments sont rares et passent vite ; ils font place à de longs intervalles de sécheresse et de stérilité : alors elle veut savoir ce qu’on pense d’elle au fond, si on l’aime vraiment, et de quelle manière : « Vous savez que vous m’aimez, dit-elle à Mme de Choiseul, mais vous ne le sentez pas. » Elle semble persuadée de cette terrible et cruelle maxime que j’ai vu professer à d’autres qu’elle, et dont le christianisme seul fournirait le correctif ou le remède, que « connaître à fond, et tel qu’il est, un être humain et l’aimer, c’est chose impossible ».
Je suivrai donc ton conseil, ô mon cher docteur, et je ne me hasarderai point à ce qu’on puisse penser que j’ai écourté ma vie par mon inconstance : et certes la vie entière est si courte qu’elle nous interdit d’entamer les longues espérances. […] Casaubon, je désire vous veoir et vous communiquer ung affaire que j’ay fort à cueur : c’est pourquoy vous ne faudrez, incontinent la présente receue, de vous acheminer en ce lieu et vous y rendre pour le plus tard dimanche au soir, et m’asseurant que vous n’y manquiez, je ne feray celle-cy plus longue que pour prier Dieu qu’il vous ait en sa sainte garde. — Ce soir, de Fontainebleau, ce 28e jour d’avril 1600. […] Le siège de sa conscience, mené et suivi de très près par l’habile et persuasif du Perron, ne dura pas moins de dix ans (1600-1640) ; c’est plus long que le siège de Troie, et Casaubon n’a point capitulé. […] (Il en dit ici plus long encore pour et contre l’antique Église et l’Église romaine, et il ajoute en gémissant 81 :) Ô Dieu qui lis dans les cœurs, tu vois les plaies de mon âme, sois mon médecin !
I En l’année 1580, Montaigne qui, depuis neuf ans déjà, s’était affranchi des devoirs d’une bien grave profession et s’était retiré dans son manoir champêtre pour s’y vouer tout entier au culte des doctes Sœurs, se voyant plus libre que jamais par la publication de la première édition de ses Essais, qui est de cette année même, entreprit un long voyage et voulut faire son tour d’Allemagne, de Suisse et d’Italie. […] Il regrette de ne pas s’être assez préparé à l’avance par des lectures au voyage d’Allemagne et de Suisse ; mais, pour celui d’Italie et de Rome, il y était préparé de longue main par le culte et par le commerce intime des auteurs de l’Antiquité. […] Et tout cela enfermé et emmuré de tous côtés de monts d’une hauteur infinie. » Dans une de ses traites, son mal de reins le reprend, et sans s’effrayer, toujours courageux et de bonne composition, il estime qu’il est plus soulagé à cheval qu’en une autre posture : il en est quitte pour faire la traite plus longue ce jour-là, et le lendemain (ou le surlendemain) matin, après une nuit douloureuse, à son lever, il rend une pierre : ce qui ne l’arrête nullement. […] Le monde, ennemi de sa longue domination, avait premièrement brisé et fracassé toutes les pièces de ce corps admirable, et parce qu’encore tout mort, renversé et défiguré, il lui faisait horreur, il en avait enseveli la ruine même.
Il n’est pas difficile, après une vie longue, quand on a entendu tout le monde et vu les dénouements, de venir faire, à propos de chaque personnage célèbre, une espèce de compilation de jugements, une cote tant bien que mal taillée, et de la donner sans y mettre le relief et la façon. […] J’allais pourtant oublier, dans cette réunion des dimanches, un assistant des plus exacts, le moins semblable à Beyle et le plus silencieux de tous, Adrien de Jussieu, le botaniste, mince et long de taille, long de tète, long de visage, penché par habitude, souriant du coin de l’œil et du coin des lèvres, avec bénignité et finesse, et qui, sortant des derniers, disait chaque fois en serrant la main au maître de la maison : « Ils ont été bien amusants aujourd’hui !
Son organisation délicate, et même frêle, n’avait pas trop de tout son souffle pour des compositions d’aussi longue haleine. […] En ces heureuses années, Casimir Delavigne fit le voyage d’Italie ; il s’y reposa des longs travaux par des inspirations qui tiennent davantage à la fantaisie ou à l’impression personnelle ; la plupart des ballades qui datent d’alors ne paraissent qu’aujourd’hui pour la première fois. […] Je ne veux pas tracer de cette seconde manière un trop long dessin, qui pourrait paraître à quelques-uns comme un portrait de fantaisie, et où s’inscrirait pourtant plus d’un nom : elle est d’autant plus vraie d’ailleurs qu’elle n’est pas précisément une manière, un procédé général, et qu’elle se décrit moins. […] Après Marino, on a Louis XI, les Enfants d’Édouard, Don Juan d’Autriche, Une Famille au temps de Luther, la Popularité, la Fille du Cid, six longues œuvres.
Le psychologue doit chercher si, en joignant telle sensation élémentaire avec une, deux, trois autres sensations élémentaires, en les rapprochant dans le temps, en leur donnant une durée plus longue ou plus courte, en leur communiquant une intensité moindre ou plus grande, il ne parvient pas à construire ces blocs de sensations que saisit la conscience brute et qui, irréductibles pour elle, ne diffèrent cependant que par la durée, la proximité, la grandeur et le nombre de leurs éléments. […] Toutes ces semblables font maintenant ensemble une longue sensation continue ; leurs limites mutuelles se sont effacées ; l’expérience, comme une analyse chimique, a retiré une sensation élémentaire du groupe complexe où elle était incluse, pour la joindre à une sensation élémentaire absolument pareille et faire un composé nouveau, la sensation de son musical70. […] Par suite, pour la conscience, nos sensations de son se disposent en pyramide : à la base sont celles de son très grave, composées de sensations élémentaires plus longues et de maxima plus espacés ; au sommet sont celles de son très aigu, composées de sensations élémentaires plus brèves et de maxima plus resserrés ; c’est pourquoi les sons sont dits les uns plus hauts, les autres plus bas, et se superposent sur une échelle. — D’où l’on voit que les qualités de grave et d’aigu, de haut ou de bas, de large ou d’effilé, de vibrant ou d’uni, par lesquelles nous distinguons les divers sons de la gamme, sont constituées par les degrés de brièveté de la sensation élémentaire et par les degrés de proximité de ses maxima. […] Étant données deux sensations élémentaires continues, l’une précédente, l’autre suivante, toutes deux réunies forment pour la conscience une sensation totale unique que nous nommons sensation du son. — Si toutes deux sont semblables, le son est musical ; si elles sont dissemblables, le son est un bruit. — Si, dans le couple ainsi formé, les éléments sont de durée plus longue, le son est plus grave ; s’ils sont de durée plus courte, le son est plus aigu. — Dans chaque sensation élémentaire, il y a un maximum ; et à mesure que les deux maxima se rapprochent dans le temps, le son est plus uni. — Si les maxima d’un couple sont plus grands que ceux d’un autre, le son total du premier couple est plus intense que le son total du second. — Si au son total s’ajoutent des sons complémentaires moins intenses et deux, trois, quatre ou plusieurs fois plus aigus, les timbres varient avec la variation des complémentaires. — Concevez deux données, d’une part la sensation élémentaire, d’autre part cette quantité qu’on appelle le temps ; vous avez les matériaux nécessaires pour construire les sensations de son. — Deux sensations élémentaires sont discontinues ou continues, c’est-à-dire séparées par une portion appréciable ou non de cette quantité ; alors le son est nul ou appréciable. — Elles occupent des portions égales ou inégales de cette quantité ; alors le son est musical ou non musical. — Les portions ainsi occupées sont plus grandes ou plus petites ; le son est plus grave ou plus aigu. — Concevez maintenant la grandeur ou intensité de la sensation élémentaire elle-même ; avec cette nouvelle donnée, la construction s’achève. — La sensation élémentaire ayant un maximum de grandeur, les maxima de deux sensations élémentaires peuvent être discontinus ou continus, c’est-à-dire séparés par une portion de temps appréciable ou non ; alors le son est composé de portions appréciables ou uni. — Les maxima de deux sensations élémentaires sont plus ou moins grands que les maxima de deux autres ; alors le son est plus ou moins intense. — Au même son s’ajoutent divers groupes de sons moins intenses, mais dont l’acuité est un multiple de la sienne ; alors le son a tel ou tel timbre. — En sorte que toutes les différences de son, en apparence irréductibles, se réduisent à des différences de grandeur introduites dans la même sensation élémentaire, ces différences étant fournies tantôt par la grandeur ou intensité de la sensation elle-même, tantôt par cette grandeur particulière que nous nommons le temps.
« Pourquoi, dit-il, n’en serait-il pas d’une littérature dans son ensemble, et en particulier de l’œuvre d’un poète, comme de ces belles vieilles villes d’Espagne, par exemple, où vous trouvez tout. » Et il part de là pour décrire en deux ou trois pages une ville espagnole, avec ses promenades d’orangers le long d’une rivière, ses églises chrétiennes, ses minarets arabes, sa prison, son cimetière, et tout ce qui la compose. Et dans ce long symbole, chaque trait a un sens. […] Rousseau veut peindre cette espèce d’obsession de l’artiste à l’approche du génie, ces longs travaux qui précèdent la création, ces fureurs, ces transports pour arriver aux traits de vive flamme : M. […] Il s’élance avec Mazeppa ; il peint au long son supplice et son triomphe : on dirait même qu’il n’a pas voulu faire autre chose ; on le dirait, car il est déjà aux trois quarts de son œuvre.