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577. (1905) Propos littéraires. Troisième série

La veuve était maigre… » — Flaubert a effacé une ligne. […] C’est qu’il y a : « Le jeune homme glissait derrière le rideau » cinq lignes plus haut. […] Quand Balzac écrit mieux qu’à son ordinaire, il écrit quelques lignes que Flaubert biffe comme étant de mauvais goût. […] Il l’était, en écrivant cette ligne, avec l’avenir. […] Cela saute aux yeux à chaque ligne.

578. (1880) Une maladie morale : le mal du siècle pp. 7-419

Il était attaché à l’ambassade de Londres lorsqu’il écrivit les lignes suivantes : « London, covent garden, hood’s Tavern. […] Telle est, dans ses lignes les plus saillantes, la figure de René. […] Mme de Beaumont analysait, dans les lignes suivantes d’une lettre à M.  […] Il écrit alors les lignes suivantes : « Ce vendredi, 14 mars 1820. […] » Enfin, dans une lettre de Berne, du 20 septembre 1820, il écrit ces lignes » : Mon ami, aie soin de toi.

579. (1933) De mon temps…

Mallarmé, bien qu’il se fût « déparnassiennisé », était resté en fort bons termes avec Mendès dont la facilité l’émerveillait. « Catulle est étonnant, disait-il volontiers, on pourrait le réveiller à n’importe quelle heure de la nuit et il aurait, toujours prêtes, deux cent lignes de copie. » Ce mérite d’improvisateur, reconnu, ne l’empêchait pas de sourire quand Villiers de l’Isle-Adam déclarait : « Catulle, c’est une frégate dans une bouteille. […] Ce gilet était d’un velours rouge, fermé par une ligne de minuscules petits boutons dorés. […] Â côté de ce portrait de jolie femme, une toile présentait un profil aux lignes nobles et nettes, où apparaissaient, à travers le tulle d’une voilette à pois, les restes d’une beauté qui avait dû être éclatante et qui demeurait visible en son vieillissement. […] Ce qui l’intéresse, c’est moins le jeu des lignes et des plans que telle particularité de la lumière ou de la couleur. […] Il pratique la bicyclette, le canotage, la pêche à la ligne, et, grimpé sur un arbre, prend à l’hameçon les poulets du voisin.

580. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

La raideur naturelle à ses lignes, c’est toujours vers Stendhal que Taine se tournait pour essayer de la détendre et d’épouser plus près la souplesse de la vie. […] La discussion peut-être n’en laissera pas grand-chose, mais comme c’est elle-même qui est le but de ces lignes, je m’y résigne et m’en applaudis. […] La vie religieuse épouse dans la lumière du génie aussi bien que dans les bas-fonds de la folie certaines lignes simples, les mêmes. […] Deffoux dépouille, malheureusement, de son auréole en nous apprenant que le manuscrit existe et compte trois cents lignes. […] Le sens allégorique répond aux incidents du voyage et aux lieux traversés, exactement et trait pour trait, comme la ligne de la mer à celle de ses rivages.

581. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Alfred de Vigny. »

Je me suis dit souvent que les portraits devaient être faits selon le ton et l’esprit du modèle : si l’on appliquait ce précepte et ce procédé à l’étude de M. de Vigny, son portrait serait bien simple et tout idéal ; il est douteux même qu’on dût y employer d’autres lignes et d’autres couleurs que celles qu’a fournies le poète. […] Devenu lieutenant en juillet 1822, il passa l’année suivante (mars 1823) au 55me de ligne avec le grade de capitaine ; il espérait servir dans l’expédition d’Espagne. […] Rien de ce qui est histoire n’y est exact, rien n’y est vu naturellement ni simplement rendu : l’auteur ne voit la réalité qu’à travers un prisme de cristal qui en change le ton, la couleur, les lignes ; il transforme ce qu’il regarde ; mais, malgré tout, la pensée comme l’expression ont, à chaque page, une élévation et un lustre qui attestent un écrivain de prix. […] Leur voyage est sans grâces, Puisqu’il est aussi prompt, sur ses lignes de fer, Que la flèche lancée à travers les espaces Qui va de l’arc au but en faisant siffler l’air.

582. (1875) Premiers lundis. Tome III « Du point de départ et des origines de la langue et de la littérature française »

On a pu comparer la pêche à la ligne de Delille et celle d’Ausone, les Roses d’Ausone et celles de Calderon. […] Toutefois, tant que la domination romaine y prévalut, c’est-à-dire jusqu’à la fin du ive siècle, le latin rustique de la multitude, au moins sur les lignes principales, dut tendre plutôt à se rapprocher du latin grammatical et à s’y assimiler de plus en plus. […] Le jour que Raynouard alla pour la première fois à la Bibliothèque impériale pour y compulser les manuscrits provençaux, ce fut Fauriel (il se trouvait là par hasard) qui lui montra à lire, à déchiffrer les premières lignes du premier manuscrit. […] Dans cet exemple parfait et en quelque sorte idéal (et par malheur tous les mots ne se prêtent pas à un tel rangement), on suit l’altération qui a eu lieu sur toute ]a ligne, au gré des prononciations, — j’allais dire des mâchoires — plus ou moins souples, faciles, lentes, paresseuses.

583. (1909) De la poésie scientifique

Sans craindre la contradiction d’ailleurs, il déclarait aussi que « la poétique est perfectible »  tout en assurant quelques lignes plus loin « qu’il a lieu de penser que la technique du langage poétique est achevée » «4. […] Il la résume lui-même en quelques lignes de la retentissante « Enquête » de M.  […] Mais, puisque, virtuellement, le Cercle est sans limites, illimitée sera l’ouverture d’ellipse vers la ligne droite, terme d’évolution, — et éternellement, sans pouvoir se résoudre, la Matière évolue et va vers un Plus, vers un Mieux… Or, par quoi est mise en mouvement, selon cette ellipse, la Matière ? […] « Son livre de début, Légende d’âmes et de sangs, qui révélait un poète ne procédant d’aucun maître, et dont la préface, où il donnait les grandes lignes de l’œuvre qu’il méditait, laissait pressentir les théories de musique verbale que le Traité du verbe devait répandre avec éclat, d’un coup attira sur lui l’attention.

584. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1864 » pp. 173-235

… Il s’est rattrapé en me découvrant une nature de femme très nerveuse, sujette à de fréquentes névralgies, puis le sens de la forme et une assez belle ligne de vie. […] Paris aujourd’hui a une prostitution assise, carrément installée aux cafés des boulevards, en plein gaz, rangée en ligne, faisant front aux passants, et tout à la fois insolente avec le public, et familière avec les garçons à tablier blanc. […] * * * — Les contours des visions, dans le rêve, ont un semblant de la ligne diffuse des dessins, trempant dans l’eau… Quel mystère que le rêve, cet état ressemblant à de la mort vivante… Et pourquoi dans le rêve, cette richesse des sensations de la peur, de l’épouvante, qu’on dirait touchée chez nous, par un bouton électrique correspondant à nos fibres intimes ? […] Elle a le front petit, étroit, bombé, les sourcils forts, un peu plantés au hasard et se reliant à travers le haut du nez, le nez fin de ligne, mais canaille, mais ayant, au bout, le retroussement faubourien, la bouche petite, avec des fossettes aux coins, quand elle rit, les dents qui sont blanches, séparées comme si elles étaient limées, les pommettes pareilles à des pommettes fardées avec de la brique, d’un rouge qui annonce un mauvais estomac, se nourrissant de cochonneries, la peau épaisse et tiquetée sur un fond de hâle, une peau restée une peau de campagne, en dépit de toute la parfumerie parisienne.

585. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1869 » pp. 253-317

Nous promenant à travers ce fouillis de nature, le bohème nous mène, tout en bas du jardin, à la ligne des beaux arbres qui le finissaient dans leur grande ombre… Ici sera une guinguette, un bouchon pour les dimanches et les lundis des parties de campagne, et où la canaille, abhorrée de Gavarni, viendra sous le portique toujours vert, où il promenait sa haute rêverie, arroser de bleu des tripes à la mode de Caen, dans des berceaux qu’arrondit devant nous, un marchand de vin basque. […] C’était tout ignoré et tout nouveau en nous, cette appréciation de la belle ligne d’une plante, de la qualité distinguée de sa feuille, de son aristocratie, pour ainsi dire ; car la nature a, comme l’humanité, ses êtres préférés, caressés, auxquels elle donne une beauté spéciale et supérieure. […] Pas d’émotion, une fois l’action engagée, mais avant, par exemple, aux premiers coups de fusil qui se tirent sur les lignes d’un camp, quand on est couché encore, alors un sentiment de compression de la poitrine, avec, au fond de soi, une sorte de tristesse. […] * * * — Un curieux personnage de l’endroit, que le braconnier appelé Gros Sou, mort, ces jours-ci, la ligne à la main.

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