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241. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Préface »

C’est ainsi que ce journal d’opposition et réputé hostile, qui donnait à la fois asile à un républicain proscrit et à un sénateur de la gauche de l’Empire, entend et pratique le vrai principe de la liberté de la presse, quand les voix s’élèvent d’en haut, — non plus des régions officielles, mais des sommités du talent et de la pensée. — M’est-il permis de parler ainsi de mon maître, et M.  […] En donnant à tous la liberté de la presse, le gouvernement s’arrangera pour perdre le seul organe considérable qu’il ait et où il réunit sous le drapeau des noms honorables et des plumes estimées. […] « On insiste encore, et l’on dit que si c’était du moins dans tout autre journal que le Temps, soit les Débats, soit l’Opinion nationale, soit la Liberté, etc., etc., cela pourrait passer, mais que le Temps est d’une nuance plus tranchée et plus décidée ; que sais-je encore ? […] Sainte-Beuve, dès le premier jour, de défendre sur ce terrain comme il l’entendait une mesure d’un ministre de l’Empereur en toute liberté et vivacité, ce qui ne lui aurait guère été possible ailleurs dans les mêmes termes. […] Sainte-Beuve a besoin, pour écrire sur certains sujets, d’une entière liberté philosophique : il est sûr de la trouver au Temps.

242. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « APPENDICE. — CASIMIR DELAVIGNE, page 192. » pp. 470-486

La génération à laquelle il appartient avait besoin, elle a besoin encore d’un interprète qui exprime en traits de feu cette âme poétique qu’elle sent s’agiter confusément en elle, d’un prophète qui lui dévoile cet avenir de science et de liberté auquel elle aspire. […] Hâtons-nous d’effacer et de couvrir, par cette éclatante citation, les taches nombreuses qu’il nous a coûté de relever si sévèrement : Et toi qu’on veut flétrir, Jeunesse ardente et pure De guerriers, d’orateurs, toi, généreux Essaim, Qui sens fermenter dans ton sein Les germes dévorants de ta gloire future, Penché sur le cercueil que tes bras ont porté, De ta reconnaissance offre l’exemple au monde : Honorer la vertu, c’est la rendre féconde, Et la vertu produit la liberté. […] Que cette liberté qui règne par les lois Soit la religion des peuples et des rois. […] Mais si le temps m’épargne et si la mort m’oublie, Mes mains, mes froides mains, par de nouveaux concerts, Sauront la rajeunir, cette lyre vieillie ; Dans mon cœur épuisé je trouverai des vers, Des sons dans ma voix affaiblie ; Et cette liberté, que je chantai toujours, Redemandant un hymne à ma veine glacée, Aura ma dernière pensée, Comme elle eut mes premiers amours. […] Dans la première et entière liberté après juillet 1830, on aurait pu avoir quelque œuvre de verve, un éclair rapide, mais l’homme a manqué.

243. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre III. Madame de Staël »

Il ne faut pas méconnaître que Mme de Staël a été inspirée dans son libéralisme par un ardent amour de l’humanité, par un désir généreux de liberté, de justice et d’égalité, par une bonté large, dont les libéraux et les doctrinaires ne se sont pas toujours inspirés. […] Il y aurait fort à dire sur le dessein philosophique de l’essai : Mme de Staël entreprend de prouver, ou du moins affirme avec constance que la liberté, la vertu, la gloire, les lumières ne sauraient exister isolément : elle tient pour acquis que les grandes époques littéraires sont des époques de liberté. […] Mme de Staël a vu une Allemagne sentimentale, rêveuse, loyale sincère, fidèle, un peuple de doux métaphysiciens sans caractère, sans patriotisme, impropres à faction, capables d’indépendance, et non de liberté. […] Ici encore, la formule que Mme de Staël a réussi à fixer, est celle d’un type étranger : elle nous a fourni pour soixante ans un poncif, dont l’adoption est un hommage à la liberté de son esprit cosmopolite.

244. (1900) La culture des idées

Nous ne percevons plus guère, en entendant ce mot, que l’idée de liberté politique, et il semble que toutes les libertés dont puisse jouir un homme civilisé soient contenues dans cette expression ambiguë. […] Réduite à son sens social, l’idée de liberté est encore mal dissociée ; il n’y a pas d’idée générale de liberté, et il est difficile qu’il s’en forme une, puisque la liberté d’un individu ne s’exerce qu’aux dépens de la liberté d’autrui. Jadis, la liberté s’appelait le privilège ; à tout prendre, c’est peut-être son véritable nom ; encore aujourd’hui, une de nos libertés relatives, la liberté de la presse, est un ensemble de privilèges ; privilèges aussi la liberté de la parole concédée aux avocats ; privilèges, la liberté syndicale, et demain, la liberté d’association telle qu’on nous la propose. L’idée de liberté n’est peut-être qu’une déformation emphatique de l’idée de privilège. […] De ce dédain il résulta une certaine liberté de mœurs.

245. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LVI » pp. 215-217

La liberté est dans l’entre-deux. […] Cousin, dans ce dernier moment, a été éblouissant de verve et de liberté de paroles, il a captivé la Chambre, mais ne l’a pas convaincue.

246. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — II. (Fin.) » pp. 109-130

Estimant avec tout son siècle que le règne des idées religieuses est passé, il ajoute : Celui de la liberté paraît renaître : mais chez les anciens, remarque-t-il, l’amour de la liberté avait sa racine dans le cœur, c’était une passion ; celui qui éclate en ce moment a sa racine dans l’esprit, il est raisonné et systématique. […] La question qui se présente aujourd’hui au philosophe est de savoir si l’on peut suivre une marche rétrograde, passer d’un régime absolu à celui de la liberté, de la hiérarchie des rangs à l’égalité toujours combattue par la richesse, qui n’aspire pas moins aux distinctions qu’aux jouissances. […] Il n’a pas été étonné de voir les Français dès le premier jour aller au-delà du but et, selon l’expression anglaise, passer à travers la liberté. […] On est tenté de croire que M. de Meilhan a songé à lui dans ce portrait d’Aladin qui nous représente assez bien son propre idéal et ce qu’il aurait voulu être dans la jeunesse : Aladin était éloquent, passionné pour la liberté ; il était épris de la gloire et sentait qu’on ne pouvait s’élever dans une cour qu’en rampant, et que l’assiduité tenait lieu de mérite. […] Au commencement du règne de Louis XVI, un des premiers objets qui fixèrent l’attention de ce roi fut la liberté du citoyen : Il avait dans son Conseil, dit M. de Meilhan, deux ministres (Turgot et Malesherbes) portés par sentiment et par principes à seconder ses équitables dispositions.

247. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. Joubert »

Mais, pour ne pas trop prêter notre idée générale, et, comme on dit aujourd’hui, notre formule, à celui qui a été surtout plein de liberté et de vie, prenons l’homme d’un peu plus près et suivons-le dans ses caprices mêmes ; car nul ne fut moins régulier, plus hardi d’élan et plus excentrique de rayons, que cet excellent homme de goût. […] Vive à jamais la liberté !  […] Le chapitre si remarquable de ses Pensées, intitulé Politique, nous le montre revenu à l’autre pôle, c’est-à-dire à l’école monarchique, à l’école de ceux qu’il appelle les sages : « Liberté ! liberté ! s’écriait-il alors comme pour réprimander son premier cri ; en toutes choses point de liberté ; mais en toutes choses justice, et ce sera assez de liberté. » Il disait : « Un des plus sûrs moyens de tuer un arbre est de le déchausser et d’en faire voir les racines.

248. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Biographie de Camille Desmoulins, par M. Éd. Fleury. (1850.) » pp. 98-122

vive Louis XVI, restaurateur de la Liberté française ! […] Je ne nie pas qu’il n’y ait au fond de ce dévergondage et de cette exaltation un sentiment d’inspiration patriotique, si l’on veut, et d’amour sincère de la liberté, de l’égalité moderne. […] Je suis certain, au contraire, que la liberté serait consolidée, et l’Europe vaincue, si vous aviez un Comité de clémence. » Le mot est lâché ; il essaiera ensuite de l’expliquer, de l’affaiblir, de le diminuer : mais le cri des cœurs y a répondu, et la colère des tyrans n’y répondra pas moins. À Camille appartient l’honneur d’avoir dit le premier dans le groupe des oppresseurs, des terroristes, et en s’en séparant : Non, la Liberté…, ce n’est point une nymphe de l’Opéra, ce n’est point un bonnet rouge, une chemise sale et des haillons. La Liberté, c’est le bonheur, c’est la raison… Voulez-vous que je la reconnaisse, que je tombe à ses pieds, que je verse tout mon sang pour elle ?

249. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires de Marmontel. » pp. 515-538

À la liberté succéda la licence, et je la souffris ; je fis plus, je l’encourageai, tant la faveur publique avait pour moi d’attraits ! […] En perdant le privilège du Mercure, Marmontel ressentit ce coup d’aiguillon qui de temps en temps nous est bon et nécessaire ; il retrouva sa liberté et son temps pour les longs ouvrages, et il se rapprocha de l’Académie. […] Or, dans ce discours, c’est au nom des mêmes principes de tolérance, professés dans Bélisaire en faveur des cultes dissidents, que Marmontel réclame pour la religion catholique, à son tour proscrite, la liberté des rites, des cérémonies, des solennités même, le réveil des cloches dans les campagnes et la réapparition du signe de la Croix. […] Pas un vice qui les dégrade, pas un regret qui les flétrisse, pas une passion qui les attriste et les tourmente ; elles sont libres de cette liberté qui est la compagne de la joie, et sans laquelle il n’y eut jamais de pure et durable gaieté. […] Il y eut, le 8 mai 1789, dans l’Assemblée générale des électeurs du tiers état de Paris, une dénonciation au sujet d’un arrêt du Conseil qui supprimait le Journal des États généraux publié par Mirabeau-Target qui, pour se populariser, faisait cette dénonciation, demandait la liberté illimitée de la presse.

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