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224. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre troisième »

Si l’écrivain se fait pire dans ses ouvrages qu’il ne l’est dans sa vie, c’est parce que les lecteurs lui mettent la réputation à ce prix. […] Pour dernier trait de ressemblance avec son lecteur, Gil Blas est chrétien et Français. […] Il donne de l’esprit à ses lecteurs, si peu qu’ils s’y prêtent ; il leur ôte du moins l’envie d’en faire, la première marque d’esprit après l’esprit. […] Les récits dans Gil Blas sont de ceux que le lecteur croit faire en les lisant. […] Préface au lecteur.

225. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre III. Le roman » pp. 135-201

Ses dialogues ont l’air d’une gageure contre le lecteur… « Il représente un état d’âme un peu maladif et tourmenté, comme tous les états d’âme modernes, aux multiples inspirations. […] Des recherches subtiles de pensée fatiguent presque le lecteur. […] La Jeunesse entasse, avec un tact assez subtil mais avec un art consommé d’architecte, les petits détails sur les jugements spéciaux ; le tout est solide, mais écrase le lecteur par son abondance et sa multiplicité. […] Aussi le titre de son nouveau volume : la Possession, ne doit-il un instant tromper le lecteur. […] Erlande a-t-il pu, par un trait de singulière audace, intéresser son lecteur et, plaisamment, le divertir avec le spectacle de cette intrigue qui se noue et se dénoue, élégante comme le fil de fumée grise d’une cigarette ?

226. (1894) Dégénérescence. Fin de siècle, le mysticisme. L’égotisme, le réalisme, le vingtième siècle

Le lecteur peut maintenant juger par lui-même si le diagnostic « dégénérescence » est applicable ou non aux promoteurs des nouvelles tendances esthétiques. […] Les chiffres « trois » et « sept » font allusion à quelque chose d’inconnu et de profond, que le lecteur troublé pourra s’efforcer de deviner. […] Le lecteur sain d’esprit trouvera cela si fabuleux, qu’il exigera à bon droit la preuve de ce que j’avance. […] Vignier, mais celui de ses lecteurs, admirateurs et critiques. […] Nous livrons à l’appréciation du lecteur la profession de foi suivante de M. 

227. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. Suite et fin. » pp. 73-95

Quant à Salammbô, à laquelle le lecteur à bout de sensations et d’abominations a moins que jamais le cœur de s’intéresser, dès longtemps fiancée à Narr’Havas, elle meurt en revoyant de ses yeux dans cet état horrible ce Mâtho, ce beau drôle de Lybien pour qui elle s’est sentie allumée dès le premier soir, et à qui elle s’est, de gaieté de cœur, abandonnée. […] Jamais il ne s’est reculé de son œuvre assez pour se mettre au point de vue de ses lecteurs. […] Salammbô, en comparaison, n’est que bizarre, et si masquée, si affublée, si fardée, qu’on ne se la figure pas bien, même au physique ; et, au moral, si peu entraînée ou entraînante que, malgré la complicité naturelle au lecteur en pareil cas, on ne prend nul plaisir à lui voir faire ce qu’elle fait. […] Si ce ne sont pas là des plaisanteries de l’auteur, le lecteur est sujet à les prendre pour telles, et il n’aime pas à être moqué.

228. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre premier. Les signes — Chapitre II. Des idées générales et de la substitution simple » pp. 33-54

. — Pour s’en convaincre, que le lecteur considère le mot myriagone et ce qu’il désigne. […] Le lecteur a sans doute visité des galeries de tableaux rangés par écoles ; après deux heures de promenade parmi des peintures de Titien, de Tintoret, de Bonifazio et de Véronèse, si l’on sort et si l’on s’assied sur un banc, les yeux fermés, on a d’abord des souvenirs ; on revoit intérieurement telle rose et blonde figure demi-penchée, tel grand vieillard majestueusement drapé dans sa simarre de soie, des colliers de perles sur des bras nus, des cheveux roux crêpelés sur une nuque de neige, des colonnades de marbre veiné qui montent dans un ciel ouvert, çà et là une mine gaie de petite fille, un beau sourire de déesse, une ample rondeur d’épaule satinée, la pourpre d’une étoffe rouge sur un fond vert, bref cent résurrections partielles et désordonnées de l’expérience récente. […] IV Le lecteur voit maintenant comment nous pensons une qualité générale ; quand nous avons vu une série d’objets pourvus d’une qualité commune, nous éprouvons une certaine tendance, une tendance qui correspond à la qualité commune et ne correspond qu’à elle. […] Le lecteur voit tout de suite qu’au lieu du nom de chat on pourrait mettre celui de chien, singe, crabe, et d’un animal quelconque, ou d’une plante quelconque, et aussi d’un groupe quelconque, animal ou végétal, aussi large ou aussi étroit qu’on voudra, et, en général, d’un groupe quelconque, moral ou physique ; l’opération serait pareille ; tous les noms généraux se remplissent de la même façon. — Ordonnés les uns par rapport aux autres, chacun avec son escorte de tendances, ils composent l’ameublement principal d’une tête pensante.

229. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre III. Zoïle aussi éternel qu’Homère »

Devaux, lecteur du roi Stanislas : — « Mon cher Pampan, Atys étant éloigné (Usez : Voltaire étant banni), la police fait pulluler contre lui quantité de petits écrits et pamphlets qu’on vend un sou dans les cafés et les théâtres. […] — frisson et brûlement, quelque chose qui fait qu’on est un peu dérouté, tout en étant fortement saisi ; les seuls esprits du premier ordre, les seuls génies suprêmes, sujets à des absences dans l’infini, donnent au lecteur cette sensation singulière, stupeur pour la plupart, extase pour quelques-uns. […] Ne nous étonnons donc pas des plaintes faites, des réclamations incessantes, des colères et des prudences, des cataplasmes apposés par une certaine critique, des ophthalmies habituelles aux académies et aux corps enseignants, des précautions recommandées au lecteur, et de tous les rideaux tirés et de tous les abat-jour usités contre le génie. […] Aux livres colosses il faut des lecteurs athlètes.

230. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires du marquis d’Argenson, ministre sous Louis XV »

Chacun apportait sa portion de zèle et de lumières ; l’un était chargé de l’histoire des finances ; l’autre, de celle du commerce ; un troisième, d’une histoire des États-généraux et des Parlements ; mais le plus inépuisable lecteur était sans contredit le digne abbé de Saint-Pierre que notre auteur aime à nommer en toute occasion son bon ami ; il y épanchait ses rêves bienveillants, y enfantait ses projets pleins d’espérance, et puisait dans les regards et jusque dans les sourires de l’amitié ses croyances les plus fermes à un bienheureux avenir. […] Ce n’est pas ici un travail d’éditeur vulgaire, supplément plus utile au libraire qu’au lecteur ; c’est un monument historique et domestique tout ensemble, consciencieusement élevé avec les lumières modernes et la véracité antique.

231. (1874) Premiers lundis. Tome I « Fenimore Cooper : Le Corsaire Rouge »

Nous reviendrons aujourd’hui, quoiqu’un peu tard, sur ce bel ouvrage que tout le monde a lu ; et sans chercher à en donner une sèche et inutile analyse, nous en causerons un instant avec nos lecteurs, comme d’une ancienne connaissance dont on aime de part et d’autre à se ressouvenir. […] Sa conduite, dans la tempête, au milieu des murmures de l’équipage, sa résolution de monter au mât sur le refus du lieutenant, sa volonté ferme de demeurer à bord du vaisseau abandonné tant qu’il en restera une planche à flot, tous ces sentiments énergiques et vrais répandent au milieu de tant de scènes déchirantes une forte teinte de sublimité morale qui rehausse et achève leur effet ; et lorsque, après la tempête, la nuit, sous les rayons de la lune, on voit Wilder, au gouvernail de la chaloupe, se pencher en avant, comme pour entendre la douce respiration de Gertrude endormie, l’âme du lecteur, qui a passé par tous les degrés de l’angoisse, jouit délicieusement de cet instant de pure ivresse, et succombant aux sensations qui l’inondent, elle dirait volontiers avec le poète : C’est assez pour qui doit mourir.

232. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 211-219

Les rêveries de nos Philosophes sur l’origine du monde, la formation de la matiere, les propriétés du mouvement, &c. sont exposées, dans ces Lettres, avec un tel art, que les notions élémentaires de la Physique ne sont pas même nécessaires au Lecteur, pour saisir l’ensemble des systêmes philosophiques & en sentir toute l’absurdité. […] Pour donner à la fois une idée du Poëme & du talent de l’Interprete, nous croyons devoir mettre sous les yeux du Lecteur le morceau où sont décrits les douze signes du Zodiaque.

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