Il se fait donc, et ici bien sincèrement, je le crois, aussi paysan et aussi manant que possible, et, son parti une fois pris, il va le défendre vertement et joliment, dans une langue polie, courte, sans article, saccadée et scandée, alerte et pénétrante. […] Selon lui, l’Antiquité jusqu’ici nous a toujours été présentée plus ou moins masquée ; une copie de l’antique, en quelque genre que ce soit, est encore à faire ; la langue de cour, la langue d’académie s’est mêlée à tout et a tout gâté. Pour traduire Hérodote, il faut unir certaines qualités de science et de simplicité : Un homme séparé des hautes classes, dit-il, un homme du peuple, un paysan sachant le grec et le français, y pourra réussir si la chose est faisable ; c’est ce qui m’a décidé à entreprendre ceci où j’emploie, comme on va voir, non la langue courtisanesque, pour user de ce mot italien, mais celle des gens avec qui je travaille à mes champs, laquelle se trouve quasi toute dans La Fontaine.
La plupart des Grecs émigrés qui ont joué un rôle si important dans le développement de l’esprit européen étaient des hommes plus que médiocres, de vrais manœuvres, qui tiraient parti, per alcuni denari, de la connaissance qu’ils possédaient de la langue grecque. […] Les premières études que l’on consacre à apprendre le bagage matériel d’une langue seraient sans cela insupportables, et, grâce à ce goût, elles deviennent des plus attrayantes qui se puissent imaginer.
Ses confrères, qui déjà lui sçavoient très-mauvais gré de la première réforme qu’il avoit voulu introduire parmi eux, & qui avoient exercé si cruellement sur lui & leur langue & leur plume, renouvellèrent toute leur animosité. […] Ils recommandèrent qu’on ne les fît point dans une langue étrangère, à moins qu’il ne s’agît d’un texte ou d’une loi décisive.
Elles ne lui appartiennent ni par la date ni par l’inspiration, qui fut la grande inspiration du xixe siècle, l’inspiration de 1830, désormais épuisée ; car l’Esprit qui renouvelle les littératures, et qui ne souffle qu’à son heure, varie ses manières de souffler et ne descend point sur deux têtes ou sur deux époques sons la même forme de langue de feu… Il nous faut donc laisser là les réimpressions d’œuvres anciennes et d’œuvres posthumes qui ont aussi leur ancienneté. […] les Nouveaux Lundis de Sainte Beuve, la traduction de Eurêka d’Edgar Poe par Baudelaire, le Dictionnaire de Littré, cet attentat de la philosophie positive sur la langue française, le Capitaine Fracasse 43 de Théophile Gautier, et ces pauvres Mémoires, qui n’auront jamais le succès de ceux de Saint-Simon, du duc de la Rochefoucauld-Doudeauville, qui ne se rappelle pas assez que devant son nom de Doudeauville il y a le nom de La Rochefoucauld, qui oblige à être spirituel, je crois bien que vous êtes au bout du budget littéraire de cette année que je m’obstine à trouver inféconde, même en voyant ce qu’elle a fait !
Les connaisseurs faisaient une différence extrême de cette langue poétique de Parny d’avec celle des autres poètes du temps, les Bouliers, les Pezai, les Dorat ; c’eût été une grossièreté alors de les confondre. […] La langue poétique elle-même avait besoin alors d’être refrappée, d’être retrempée ; elle est fluette, mince et atteinte de sécheresse. […] Il n’est pas de force à créer son instrument ; il se sert bien d’une langue toute faite, trop faite, et déjà affaiblie et un peu usée.
. — Histoire générale des langues sémitiques. — Averroës, etc. […] Tandis qu’il persévérait dans sa direction philologique d’hébraïsant et d’arabisant, et qu’il y faisait des pas assurés, en profitant, pour le positif des langues, de M. […] Telle fut l’origine de l’un de ses Mémoires, qui a servi de fond à l’Histoire générale des Langues sémitiques, et qui obtint le prix Volney (1847).
Et pourtant il faut bien dire un mot de ce que nous pensons : c’est le propre et, si l’on veut, le faible de l’esprit critique, quand il a quelque chose (ne fût-ce qu’un petit mot) à dire, de ne pouvoir le garder ni sur le cœur ni sur la langue : il faut absolument que le grain de sel sorte, si grain de sel il y a. […] Dieu nous l’avait donné aux confins de deux siècles, l’un corrompu par l’infidélité, l’autre qui devait essayer de se reprendre aux choses divines, et sa muse avait reçu le même jour, pour mieux nous charmer, la langue d’Orphée et celle de David. » Certes, on ne saurait mieux ni plus magnifiquement parler de Chateaubriand, et dans une langue même qui le rappelle et qui rivalise avec lui.
Une âme délicate éprouve une sorte de dégoût pour la langue dont les expressions se trouvent dans les écrits de pareils hommes. […] Mais si les vérités morales parviennent un jour à la démonstration, et que la langue qui doit les exprimer arrive presque à la précision mathématique, que deviendra l’éloquence ? […] Ces erreurs subsisteront tant que la langue de la logique ne sera pas fixée de la manière la plus positive, et mise à la portée du plus grand nombre.
Il va au-devant des barbares, ou les gagne aussitôt après leur entrée ; service énorme ; jugeons-en par un seul fait : dans la Grande-Bretagne, devenue latine comme la Gaule, mais dont les conquérants demeurèrent païens pendant un siècle et demi, arts, industries, société, langue, tout fut détruit ; d’un peuple entier massacré ou fugitif, il ne resta que des esclaves ; encore faut-il deviner leurs traces ; réduits à l’état de bêtes de somme, ils disparaissent de l’histoire. […] Jusqu’à la fin du douzième siècle, si le clergé pèse sur les princes, c’est surtout pour refréner en eux et au-dessous d’eux les appétits brutaux, les rébellions de la chair et du sang, les retours et les accès de sauvagerie irrésistible qui démolissaient la société. — Cependant, dans ses églises et dans ses couvents, il conservait les anciennes acquisitions du genre humain, la langue latine, la littérature et la théologie chrétiennes, une portion de la littérature et des sciences païennes, l’architecture, la sculpture, la peinture, les arts et les industries qui servent au culte, les industries plus précieuses qui donnent à l’homme le pain, le vêtement et l’habitation, surtout la meilleure de toutes les acquisitions humaines et la plus contraire à l’humeur vagabonde du barbare pillard et paresseux, je veux dire l’habitude et le goût du travail. […] Dans la langue du temps, le noble est l’homme de guerre, le soldat (miles), et c’est lui qui pose la seconde assise de la société moderne.