Néanmoins, depuis la révolution, les hommes ont pensé qu’il était politiquement et moralement utile de réduire les femmes à la plus absurde médiocrité ; ils ne leur ont adressé qu’un misérable langage sans délicatesse comme sans esprit ; elles n’ont plus eu de motifs pour développer leur raison : les mœurs n’en sont pas devenues meilleures. […] Si les Français pouvaient donner à leurs femmes toutes les vertus des Anglaises, leurs mœurs retirées, leur goût pour la solitude, ils feraient très bien de préférer de telles qualités à tous les dons d’un esprit éclatant ; mais ce qu’ils pourraient obtenir de leurs femmes, ce serait de ne rien lire, de ne rien savoir, de n’avoir jamais dans la conversation ni une idée intéressante, ni une expression heureuse, ni un langage relevé ; loin que cette bienheureuse ignorance les fixât dans leur intérieur, leurs enfants leur deviendraient moins chers lorsqu’elles seraient hors d’état de diriger leur éducation.
Ils doivent pratiquer la pauvreté absolue, vivre d’aumônes et d’hospitalité. « Ce que vous avez reçu gratuitement, transmettez-le gratuitement 879 », disait-il en son beau langage. […] Prenez mon joug sur vos épaules ; apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos de vos âmes ; car mon joug est doux, et mon fardeau léger 888. » Un grand danger résultait pour l’avenir de cette morale exaltée, exprimée dans un langage hyperbolique et d’une effrayante énergie.
Des leçons ainsi énoncées sont-elles propres à former de Grands Hommes, & son Héros eût-il compris quelque chose à ce langage ? […] L'indulgence est devenue pléniere, dès qu'il s'est montré digne d'être admis in illo docto corpore, d'en saisir l'esprit & d'en adopter le terrible langage.
Par cette abstraction, sanctionnée par une suite d’accords et de conventions, le langage est devenu un moyen de transmettre les images, de les susciter en des cerveaux qui ne les ont pas encore reçues par le moyen d’une perception immédiate et directe. […] Il avait, rapporte-t-il, « la gueulle fendue jusques aux aureilles, dedans la gueulle sept langues et chasque langue fendue en sept parties : quoique ce feust, de toutes sept ensemblement parlait divers propos et langages divers : avait parmi la teste et le reste du corps autant d’aureilles comme jadis eut Argus d’yeulx : au reste était aveugle et paralytique des jambes ».
On avait peut-être aussi déjà des exemples antérieurs du danger qui résulte de la confusion du langage. […] Alors, car, comme nous l’avons dit, tout marche en même temps, alors on a connu deux sortes de langage ; la poésie, qui fut à l’origine l’expression de la parole traditionnelle ; la prose, qui fut seulement l’expression de la parole écrite.
Tout manqué que son livre puisse être, malgré l’indigence absolue de conception supérieure et les vices d’un langage prétentieux et déplacé, le sujet qu’il traite n’en reste pas moins d’un intérêt prodigieux, qui prend l’esprit et le passionne. […] Cela fait frémir quand on songe aux lettres retrouvées, qui sont positives pour qui connaît la passion et les sous-entendus de son langage.
Boileau avait trop de rigueur, mais s’il condamnait La Bruyère, que dirait-il de M. l’abbé Gorini, lequel a aussi son langage d’un alinéa à un autre, et un langage d’une correction pleine de clarté, où passent çà et là d’aimables sourires… ?
La Critique n’est la fille de personne que de la Vérité, et le plus noble langage d’un fils — fût-ce le Cid ! […] Charles de Rémusat a reculé devant un type de femme qui n’avait pas effrayé Pope, ce poète moral, et, plus prude que le chaste Anglais, il nous a donné une Héloïse bas-bleu moderne en langage très moderne, mêlant joliment, et dans une bonne nuance, la métaphysique à l’amour ; — un bas-bleu comme il pouvait s’en trouver un, du reste, dans la société de Charles de Rémusat (de l’Académie française).
La femme de chambre du Monsieur ou de la Madame de lettres anonyme, qui n’a ni la grâce, ni la griffe, ni la vanité féroce, ni la passion, ni l’astuce, ni le sang-froid de l’espèce de femme que l’un ou l’autre a cru singer, a fait quatre conditions, comme on dit dans le langage des domestiques, chez trois lorettes et chez une princesse russe, laquelle équivaut à une quatrième lorette, puisqu’elle est une princesse pire que les trois premières ! Elle n’a donc servi, disons le mot, que chez des coquines, et cette particularité seule ôte au livre toute nouveauté, toute profondeur et toute portée, rien n’étant plus connu et plus rabâché sur les théâtres, dans les livres et dans les journaux de ce temps, que l’existence de ces dames, qui n’a rien, du reste, de bien compliqué, puisque c’est toujours le même luxe extravagant et gâcheur, la même manière de tromper et de voler leurs hommes, la même abjection d’âme et de langage, le même mutisme de sens moral et d’autres sens, et enfin la même stupidité souveraine, que je ne reprocherais pas cependant à un observateur tout-puissant de peindre encore, s’il en tirait des effets nouveaux et des choses nouvelles !