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513. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres publiées par M. de Falloux. »

Il est alors comme les monarques de l’Orient dont un regard tire l’esclave de sa poussière et l’y laisse retomber. » « À l’égard des princes, je dirais comme les Protestants pour un plus haut Maître : le service sans le culte. » « La plus dangereuse des flatteries est l’infériorité de ce qui nous entoure. » « C’est prodigieux tout ce que ne peuvent pas ceux qui peuvent tout !  […] Mais le point de vue principal, avec tous ses développements et dans son originalité, est bien d’elle et d’elle seule ; il est tout d’abord à prendre ou à laisser. […] Leur théorie ne laisse pas d’éprouver de secrets échecs, et il y a bien des moments où le corps a raison de l’esprit. […] sous les yeux de Jésus-Christ nous pouvons faire descendre quelques rayons de soleil pour éclairer, ranimer, réchauffer le soir de notre vie. » Elle a remarqué pourtant que Jésus-Christ n’a pas laissé d’enseignement direct et d’exemple pour la vieillesse ; « qu’il n’a pas sanctifié cet âge en le traversant », qu’en un mot il a voulu mourir jeune et n’a pas daigné vieillir. […] Seulement si ses amis sont sages, ils la loueront avec un peu plus de sobriété qu’ils ne font depuis quelque temps ; ils exigeront pour elle un peu moins qu’ils ne sont en train de réclamer ; car le public français qu’on mène si loin et qui, par moments, se laisse faire le plus docilement du monde, a ses brusques impatiences et ses retours.

514. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Journal de la santé du roi Louis XIV »

Imaginez-vous le médecin d’Alexandre, celui qui le sauva après l’imprudence du bain trop froid pris dans le Cydnus, ce Philippe, nous ayant laissé la suite des ordonnances faites par lui à chaque étape au conquérant de l’Asie ! […] Vallot a très bien remarqué tout d’abord que l’apparence de force et de vigueur de Louis XIV en sa jeunesse tenait à ce que la bonté du tempérament héroïque de sa mère avait rectifié et corrigé en partie les mauvaises impressions qu’avait dû laisser dans l’enfant le tempérament affaibli d’un père valétudinaire ; mais cette force et cette vigueur n’étaient qu’à la condition d’éviter les excès et d’observer bien des précautions pour se soutenir. […] N’était-ce pas plutôt ébranlement nerveux et menace d’épilepsie, comme semblerait l’indiquer la description suivante, qui fait type en quelque sorte : « Le roi (c’est d’Aquin qui parle) fut assez fortement attaqué d’étourdissement le premier jour de janvier (1674), et fut contraint de chercher où se prendre et où s’appuyer un moment pour laisser dissiper cette fumée qui se portait à sa vue et affaiblissait les jarrets, par sympathie, en attaquant le principe des nerfs. […] Et a ceux qui ne sont pas médecins (quoique tout le monde, dans une bonne éducation, dût l’être plus ou moins), je dirai : Laissez le désagrément léger de ces explications techniques, de ces termes médicinaux ; voyons, n’admirez-vous pas maintenant un peu plus que vous ne faisiez auparavant ce roi qui, toute sa vie, sujet à une pareille infirmité et inquiétude, travaille assidûment, ne ralentit en rien son application, garde devant tous son égalité d’humeur, reste doux, ferme, et en apparence tranquille ? […] Madame, la Palatine, duchesse d’Orléans, nous a laissé le menu d’un de ses dîners : « J’ai vu souvent, nous dit-elle, le roi manger quatre assiettées de soupes diverses, un faisan entier, une perdrix, une grande assiettée de salade, du mouton au jus et à l’ail, deux bonnes tranches de jambon, une assiettée de pâtisserie, et puis encore du fruit et des confitures.

515. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français »

Là surtout de nombreux et excellents travaux critiques, d’abondantes publications qui datent de quelques années seulement, ont fort éclairci la question et ne laissent guère aux critiques amateurs et divulgateurs, comme nous, que le soin de les bien reproduire et de les résumer, sauf à y mêler chemin faisant un jugement et une réflexion. […] Il put y avoir de, la sorte, entre les anciens histrions et les modernes jongleurs, ou farceurs, une espèce de filiation non interrompue, de carrefour en carrefour, de taverne en taverne : « Ces rudiments du drame n’ont pas d’histoire publique et n’en pouvaient avoir aucune, leurs archives consistant surtout dans les prohibitions de l’autorité ecclésiastique. » Laissons ces choses de bas lieu dans leur poussière et dans leur fange, et attachons-nous, à ce qui compte véritablement, à ce qui recommence. […] » Voilà le dernier mot clément, qui laisse la porte ouverte à l’espérance ; et, selon la remarque de M.  […] Et ici, ce grand nom de Milton prononcé, laissons-nous reporter, comme contraste, au souvenir de ces premiers chants du Paradis qui assiègent notre pensée, depuis que nous lisons ces balbutiements informes du vieil auteur dramatique inconnu. […] Mais, pour s’élever à une telle conception, il fallait, outre le génie d’abord et le don individuel, il fallait une poésie non contrôlée, non tenue en laisse ou conduite à la lisière par le prêtre de la paroisse lisant sa leçon entre deux scènes ; il fallait une poésie biblique émancipée doublement et par la Réforme et par la Renaissance, un poëte chrétien ayant lu Homère, ayant senti Luther, ayant connu Cromwell, ayant vu sortir déjà tous les fruits amers et féconds de l’arbre de science.

516. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

Il y a dans son Journal une histoire assez amusante, qui marque bien le désordre et le laisser aller où l’on vivait dans cette contrée natale du bon Henri. Le procureur général près le Parlement de Pau était un sieur de Cazaux, homme des plus légers et qui était le premier à entretenir le désordre dans le Palais, « n’y venant que pour troubler les bureaux pendant l’instruction des procès, passant continuellement d’une Chambre à l’autre sans y être appelé, et seulement pour distraire les juges avec des discours frivoles ou en leur offrant du tabac », Notez que dans le Parlement de Pau, à ce même moment, le premier président, M. de La Vie, était relégué à Fontenay, en bas Poitou, depuis une année, pour malversations commises dans l’exercice de sa charge et pour s’être laissé corrompre par des présents. […] Il en dit plus qu’il n’en disait au roi, et le restant du sous entendu se laisse très-aisément deviner. […] Le roi l’en loue ; puis on en vient au premier détail du plan proposé pour, faciliter les conversions : « Je lui montrai, dit Foucault, la carte que j’avais fait faire du Béarn, avec la situation des villes et des bourgs où il y avait des temples ; je lui fis voir qu’il y en avait, un trop grand nombre et qu’ils étaient trop proches les uns des autres, qu’il suffirait d’en laisser cinq, et j’affectai de ne laisser subsister que les temples, justement au nombre de cinq, dans lesquels les ministres étaient tombés dans des contraventions qui emportaient la peine de la démolition du temple, dont la connaissance était renvoyée au Parlement, en sorte que, par ce moyen, il ne devait plus rester de temples en Béarn. […] Leur démolition engagea les ministres de sortir de la province, et, par leur désertion, ces faux pasteurs me laissèrent le champ libre aux conversions. » Qu’en dites-vous ?

517. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise par M. Taine. »

C’est, tout compte fait, un grand livre, et qui, ne dut-il atteindre qu’un quart de son objet, avance la question et ne laissera pas les choses, après, ce qu’elles étaient auparavant. […] Les maîtres très-larges d’esprit, ou très-indulgents, laissaient volontiers courir devant eux bride abattue toutes ces intelligences émules ou rivales, et n’apportaient aucun obstacle, aucun veto aux questions controversées. […] Après avoir trop poussé et trop laissé faire, voilà qu’on se mettait à tout mortifier à plaisir16. […] Il en est ainsi d’un bout à l’autre de l’histoire ; chaque siècle, avec des circonstances qui lui sont propres, produit des sentiments et des beautés qui lui sont propres ; et à mesure que la race humaine avance, elle laisse derrière elle des formes de société et des sortes de perfection qu’elle ne rencontre plus. […] Mais laissez-moi vous dire que vous supposez trop aisément que ces romans tout modernes, ces passages de dialogue cités par vous, sont acceptés ou l’ont été à leur naissance comme des types de délicatesse actuelle.

518. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Recueillements poétiques (1839) »

Ne tient-il pas à vous de vous enfermer dans votre quiétude de poëte, et de laisser le monde politique travailler pour vous ? […] » Il y a peu de mois, lorsqu’il échappa à un spirituel chef de parti, dans la discussion de l’adresse, un mot présomptueux, qui alla atteindre M. de Lamartine sur le banc où il écoutait jusque-là en silence, le noble orateur se leva, et demanda avec émotion qu’on lui laissât du moins, à lui et à ceux qui demeuraient en dehors des querelles du quart d’heure, la dignité de ce silence. […] Adolphe Dumas, reprenant les idées de la préface, les redouble agréablement, et tend à consacrer tout à fait cette théorie de négligence et de laisser aller indéfini que trop d’autres pièces confirment sans en parler. […] Quel regret pourtant le poëte me laisse au lieu du charme ! […] Jocelyn ne la laissait encore percer qu’à peine ; la Chute d’un Ange y a donné pleine excroissance.

519. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — II. » pp. 494-514

Ceux qui ouvriront ces volumes y trouveront à chaque page des pensées qui sembleront à notre adresse ; et l’on a besoin de se rappeler certaines modifications essentielles qui se sont produites dans la société depuis cinquante ans, pour ne pas se laisser aller à ce trop d’analogie et de ressemblance. […] Cela dit pour ne laisser aucun embarras dans l’esprit du lecteur, continuons de suivre Mallet hors de France et dans son rôle d’observateur et d’informateur excellent. […] Elles laissent en arrière d’elles tous les systèmes de liberté connus : elles enivrent l’imagination des sots, en même temps qu’elles allument les passions populaires. […] Ces grandes épidémies morales par lesquelles passent les sociétés, et qui les transforment, qui ne les laissent pas après ce qu’elles étaient devant, usent bien des générations et constituent les véritables époques de l’histoire68. […] Bien fou, selon lui, qui proposerait des conjectures : «  Les conjectures sont à pure perte, et les prédictions des folies. » Les contemporains pourtant veulent à tout prix des solutions, et se plaignent qu’on les en laisse manquer.

520. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « La Fontaine. » pp. 518-536

Grand, bien fait et d’une belle taille s’il s’était mieux tenu, avec une figure à longs traits expressifs et fortement marqués, laquelle exprimait la bonhomie, et qui aux clairvoyants eût permis, par éclairs, de deviner de la force ou de la grandeur, il se laissa aller, durant cette première partie de sa vie en province, au hasard des compagnies et des camaraderies qu’il rencontrait. […]         Laissons le monde et sa croyance. […] Si le règne de Fouquet avait duré, il eût été à craindre que le poète ne s’y relâchât et ne se laissât aller en tous sens aux pentes, aux fuites trop faciles de sa veine. […] La fable qui clôt le livre VIIe, Un animal dans la Lune, nous révèle chez La Fontaine une faculté philosophique que son ingénuité première ne laisserait pas soupçonner : cet homme simple qu’on croirait crédule quand on raisonne avec lui, parce qu’il a l’air d’écouter vos raisons plutôt que de songer à vous donner les siennes, est un émule de Lucrèce et de cette élite des grands poètes qui ont pensé. […] Son tableau lui échappe pour ainsi dire, et nous saute aux yeux ; et, dès les quatre premiers vers, il nous a fait tout voir. — Je laisse à chacun de poursuivre la comparaison, et de conclure, s’il y a lieu.

521. (1912) L’art de lire « Chapitre III. Les livres de sentiment »

Si l’auteur ne réussit point à cela, s’il ne touche pas du tout, laissons-le ; mais s’il nous touche un peu, ne résistons-pas, laissons-nous conduire à cet aimable guide, laissons-nous aller à l’impression, laissons-nous toucher, laissons-nous attendrir. […] — En une certaine mesure au contraire, parce que c’était la façon dont, généralement, les auteurs classiques nous étaient montrés, qui nous les faisait prendre en horreur ; parce que Virgile et Horace ne pouvaient rester dans nos souvenirs qu’accompagnés de l’idée d’ennui ; et parce que, laissés de côté par les professeurs d’à présent, ils se présenteront aux écoliers dans toute leur beauté propre, avec leur charme inaltéré et, si j’ose ainsi parler, sans encrassement.

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