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195. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres inédites de l’abbé de Chaulieu, précédées d’une notice par M. le marquis de Bérenger. (1850.) » pp. 453-472

Mme de Grignan, la lieutenante générale, réunit chez elle les dames de la province, et il semble croire, en homme un peu glorieux, qu’il n’aurait, dans cette assemblée, qu’à jeter la pomme : « Le favori du gouverneur, dit-il, en réputation d’un bel esprit et d’homme de cour, serait bientôt ici un dangereux rival. » Il nous donne un échantillon des plaisanteries à la provençale qu’il adresse à l’une de ces dames ; la plaisanterie nous semble, avouons-le, de toute énormité, et on y revient à deux fois avant d’oser comprendre. […] Ne nous faisons aucune illusion à cet égard ; il y a deux siècles de Louis XIV : l’un noble, majestueux, magnifique, sage et réglé jusqu’à la rigueur, décent jusqu’à la solennité, représenté par le roi en personne, par ses orateurs et ses poètes en titre, par Bossuet, Racine, Despréaux ; il y a un autre siècle qui coule dessous, pour ainsi dire, comme un fleuve coulerait sous un large pont, et qui va de l’une à l’autre régence, de celle de la reine mère à celle de Philippe d’Orléans. […] Il eut dans le monde une autre maîtresse très agréable et l’une des femmes les plus distinguées d’alors, Mme d’Aligre, née Turgot, la même que La Bruyère a célébrée dans l’un de ses portraits les plus flatteurs.

196. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « La reine Marguerite. Ses mémoires et ses lettres. » pp. 182-200

Il y eut au xvie  siècle les trois Marguerite : l’une, sœur de François Ier et reine de Navarre, célèbre par son esprit, ses Contes dans le genre de Boccace, et ses vers moins amusants ; l’autre Marguerite, nièce de la précédente, sœur de Henri II, et qui devint duchesse de Savoie, très spirituelle, faisant aussi des vers, et, dans sa jeunesse, la patronne des nouveaux poètes à la Cour ; la troisième Marguerite enfin, nièce et petite-nièce des deux premières, fille de Henri II, première femme de Henri IV, et sœur des derniers Valois. […] De ces deux destinées, l’une représente en définitive une grande cause et se termine pathétiquement en légende de victime et de martyre ; l’autre se répand et se disperse en anecdote et presque en historiette à demi graveleuse, à demi dévote, et où il entre un grain de satire et de gaieté. Avec la fin de l’une on a fait mainte tragédie pleine de larmes ; avec celle de l’autre on ne ferait qu’un fabliau.

197. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre II : Philosophie politique de Tocqueville »

Il n’emploie que la première méthode, l’observation directe, et le manque absolu de comparaisons historiques est l’une des lacunes de son ouvrage. […] Tandis que les écoles démocratiques et humanitaires s’enivraient elles-mêmes de leurs rêves et de leurs formules, croyant que les mots d’avenir, de progrès, de peuple, répondent à tout, tandis qu’elles confondaient l’égalité avec la liberté et s’imaginaient que l’une est toujours le plus sûr garant de l’autre, Tocqueville démêlait avec précision ces deux objets. […] Tocqueville rétablit sa pensée dans la lettre suivante, qui est l’une des plus belles, des plus nobles et des plus instructives de sa correspondance : « Vous me faites voir trop en noir, lui dit-il, l’avenir de ma démocratie.

198. (1842) Discours sur l’esprit positif

Mais cette aveugle disposition ne résulte que d’une manière fausse et étroite de concevoir la grande relation de la science, à l’art, faute d’avoir assez profondément apprécié l’une et l’autre. […] Sous cet aspect, il indique l’une des plus éminentes propriétés de la vraie philosophie moderne, en la montrant destinée surtout, par sa nature, non à détruire, mais à organiser. […] D’après leur nature absolue, et par suite essentiellement immobile, la métaphysique et la théologie ne sauraient comporter, guère plus l’une que l’autre, un véritable progrès, c’est-à-dire une progression continue vers un but déterminé. […] Ces besoins se rapportent essentiellement à deux conditions fondamentales, l’une spirituelle, l’autre temporelle, de nature profondément connexe : il s’agit, en effet, d’assurer convenablement à tous, d’abord l’éducation normale, ensuite le travail régulier ; tel est, au fond, le vrai programme social des prolétaires. […] De là résulte donc la division nécessaire de la philosophie naturelle, destinée à préparer la, philosophie sociale, en deux, grandes branches, l’une organique, l’autre inorganique.

199. (1915) Les idées et les hommes. Deuxième série pp. -341

J’ai assisté à l’une de ses audiences. […] Ma cathédrale n’est pas l’une des plus magnifiques, mais l’une des plus jolies certainement, l’une de celles où l’art gothique, pure invention du génie de la France, s’est le plus tôt manifesté, l’une des plus gracieuses, des plus aimables et blanches. […] Chacun de ses livres est l’une de ses conquêtes. […] L’une de ces rencontres : celle d’Alfred de Vigny et de M.  […] Et voici l’une des significations que M. 

200. (1896) Les époques du théâtre français (1636-1850) (2e éd.)

Non, je n’oserais point ici vous donner une idée de l’équivoque obscène qui fait le fond des Galanteries du duc d’Ossone, l’une des meilleures pièces, ou l’un des grands succès du Besançonnois Mairet. […] Ainsi parlait-on sans doute à l’hôtel de Rambouillet, et c’était de semblables propos que Louis XIII échangeait avec Mme de Hautefort, celle qui fut depuis la maréchale de Schomberg et l’une des premières protectrices de Bossuet. […] Elles vous expliquent, en effet, — et nous y reviendrons sans doute, — le caractère de grandeur de notre tragédie classique : elles en font l’une aussi des impérissables beautés. […] Et si j’insiste, Messieurs, c’est que nous voyons poindre ici l’une encore de ces lois du théâtre, — que nous sommes convenus de supposer, en attendant que l’expérience et la critique les aient solidement établies. […] De telle sorte que les deux figures sont à la fois identiques et inverses l’une de l’autre, s’éclairent par là même l’une l’autre, et achèvent enfin de s’expliquer l’une l’autre… Mais, Messieurs, ce sont là des détails qui n’auraient rien de très neuf, dont je me garderai bien de vouloir exagérer l’intérêt, qui n’ont d’importance que pour les curieux ou pour les érudits ; et, ce que je voudrais aujourd’hui vous montrer en parlant de Tartufe, c’est quelque chose de plus général.

201. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article »

Coger, [François-Marie] Professeur émérite d’Eloquence au Collége Mazarin, Licencié en Théologie, & ancien Recteur de l’Université ; né à Paris en 1723, mort dans la même ville en 1780 ; est connu dans la République des Lettres par deux Critiques honnêtes & judicieuses, l’une de l’Eloge de M. le Dauphin par M.

202. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Les nièces de Mazarin et son dernier petit-neveu le duc de Nivernais. Les Nièces de Mazarin, études de mœurs et de caractères au xviie  siècle, par Amédée Renée, 2e éd. revue et augmentée de documents inédits. Paris, Firmin Didot, 1856. » pp. 376-411

Les facultés et qualités qu’il réunit, et dont quelques-unes peuvent se masquer l’une l’autre étant serrées comme en faisceau, se dédoublent quelquefois, se divisent chez de proches parents moins complets, et se laissent mieux mesurer isolément. Sans sortir du point de vue littéraire, j’ai pu faire cette remarque ; par exemple, lorsqu’on étudie Boileau et qu’on le compare avec ses frères, dont l’aîné et très aîné Gilles était déjà un satirique, et dont Jacques, celui qui ne précédait Nicolas que d’un an, poussait l’humeur railleuse jusqu’à la charge et au grotesque : Nicolas, venu après ses deux frères, qui semblent deux ébauches de lui-même, l’une inachevée, l’autre exagérée, où s’essayait par avance la nature, en est plus nettement défini. Mme de Sévigné elle-même ne semble-t-elle pas se dédoubler dans ses enfants, donnant sa ferme raison à l’une, à Mme de Grignan, sa grâce d’imagination et toute la folle du logis à l’autre, à l’étourdi chevalier ? […] Renée, pour une prochaine édition, de mieux marquer le contraste de l’une des figures, celle de la princesse de Conti, l’aînée des Martinozzi, avec ses brillantes sœurs et cousines qui aimaient tant le plaisir, le jeu, la folle et spirituelle orgie. […] Et parlant d’une de ces séances les plus goûtées : « M. le duc de Nivernais a lu une demi-douzaine de fables d’une moralité juste, mais commune, et d’une versification aussi mince que sa voix est flûtée : l’une semble être faite pour l’autre.

203. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 mai 1886. »

Aujourd’hui ces couleurs et ces lignes, procédés de la peinture, peuvent servir à deux peintures très diverses, l’une sensationnelle et descriptive, recréant la vision exacte des objets ; l’autre émotionnelle et musicale, négligeant le soin des objets que ces couleurs et lignes représentent, les prenant, seulement, comme les signes d’émotions, les mariant de façon à produire en nous, par leur libre jeu, une impression totale comparable à celle d’une symphonie. […] Cependant un soleil alangui, et tamisé par des frondaisons, éclaire mollement leurs formes ; il donne à leurs chevelures des reflets fugaces, à l’une, surtout, dont les cheveux rouges scintillent. […] Mais il y a, dans ce Salon, quelques nouvelles lithographies du maître, dont l’une, un chef-d’œuvre : Parsifal et les Filles-Fleurs. […] Il lui dit « que la Pénitence est plus puissante que la Malédiction », et leurs mutuelles résistances occasionnent un duo, plein de mouvement, de colères, de haines réciproques, qui prennent flamme l’une à l’autre, et que Vénus suspend soudainement en recourant à de plus hypocrites armes. […] Ces présupposés l’amènent à distinguer deux types de peinture, l’une sensationnelle et descriptive et l’autre émotionnelle et musicale dont le maître est Léonard de Vinci, créateur de mondes émotionnels et non pas descriptifs.

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