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326. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 472-474

« Les derniers des hommes, M. de Voltaire, sont ceux qui sont les plus dangereux, & les plus dangereux sont ces Ecrivains dont la plume s’efforce de renverser tout à la fois l’ordre de la Religion & celui de la Société ; ces Ecrivains, qui dégradent les Lettres par l’injustice de leur haine, l’amertume de leur style, la licence de leurs déclamations, l’atrocité de leurs calomnies, le renversement de toutes les bienseances ; ces Ecrivains, qui amusent, par leurs bons mots & leurs sarcasmes, la multitude ignorante & légere, & qui osent ridiculiser le mérite & l’honnêteté ; ces Ecrivains, qui veulent être plaisans aux dépens de ce qu’il y a de plus sacré & de plus respectable, qui veulent être crus en dépit du jugement & de la raison, qui veulent être estimés malgré la justice & le bon goût ; ces Ecrivains enfin, que le délire encense, & qui, noircis par la fumée de l’encens même qu’ils ont reçu, sont mis ensuite au rebut, comme ces fausses Divinités que la superstition la plus grossiere ne peut adorer qu’un moment. » GUYS, [Jean-Baptiste] de l’Académie de Caen, né à Marseille en 17..

327. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — I. » pp. 88-109

Voltaire, le prenant sur l’ensemble de ses lettres, l’a jugé sévèrement et sans véritable justice : Il sert à faire voir, dit-il, combien les auteurs contemporains, qui écrivent précipitamment les nouvelles du jour, sont des guides infidèles pour l’histoire. […] Spon, mon bon ami, vous dira le dessein que j’ai contre les apothicaires, écrira-t-il en 1647 à l’un de ses confrères de Lyon, mais il me faut du temps et du loisir dont j’ai fort peu de reste. » En attendant il est cité par eux en justice pour les railleries solennelles qu’il se permet dans ses thèses ; l’affaire va en Parlement : il répond et se défend lui-même durant une heure entière devant six mille personnes qu’il fait rire de sa verve et de ses lazzis. […] Puis après il demanda justice à la Cour pour les usures du Gazetier et pour tant d’autres métiers dont il se mêle, qui sont défendus.

328. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Étienne de La Boétie. L’ami de Montaigne. » pp. 140-161

Après cette justice rendue à des efforts et à des travaux qui me semblent si bien concourir et s’accorder, j’en viens à mon sujet même. […] D’après cette version, La Boétie voulant voir un jour la salle du bal au Louvre, un archer de la garde, qui lui trouva l’air d’un écolier, lui laissa tomber sa hallebarde sur le pied : « De quoi celui-ci criant justice par le Louvre, n’eut que des risées des grands qui l’entendirent. » Du ressentiment de cet affront serait né le pamphlet vengeur. […] Pour corriger ce que le Discours de La Boétie, ainsi reproduit, semblait avoir de provoquant en face de Louis XVI, on y disait par précaution, à la fin de la préface : « Le Discours de La Boétie ne convient que dans ces cas où il y a de grandes injustices. » Puis on faisait un portrait supposé, ou par allusion, d’un chef de la noblesse oppresseur, d’un chef de la justice prévaricateur, d’un Premier ministre despote : Voilà peut-être, concluait-on, contre qui le Discours de La Boétie peut avoir quelque force ; mais contre la monarchie il n’en peut avoir, au moins parmi nous.

329. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — I. » pp. 235-256

Burlamaqui, en découvrant à Saint-Martin les bases naturelles de la raison et de la justice dans l’homme, pourrait toutefois s’étonner d’avoir été un initiateur dans le sens particulier dont il s’agit ici. […] Il a dit ailleurs avec une grande pénétration morale, et en rectifiant pour ainsi dire les âges de la vie, en les rétablissant dans leur première intégrité et dans leur véritable direction : … L’enfance ne s’annonce-t-elle pas par la rectitude du jugement et le sentiment vif de la justice ? […] Les horreurs dont il est témoin, et dont il s’estime préservé tout exprès par une sollicitude particulière de la Providence, ne l’émeuvent qu’assez légèrement, et n’interrompent qu’à peine le cours de ce qu’il appelle sa délicieuse carrière spirituelle : En réfléchissant, dit-il en un endroit, sur les rigueurs de la justice divine qui sont tombées sur le peuple français dans la Révolution, et qui le menacent encore, j’ai éprouvé que c’était un décret de la part de la Providence ; que tout ce que pouvaient faire dans cette circonstance les hommes de désir, c’était d’obtenir par leurs prières que ces fléaux les épargnassent, mais qu’ils ne pouvaient atteindre jusqu’à obtenir de les empêcher de tomber sur les coupables et sur les victimes.

330. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire du règne de Henri IV, par M. Poirson » pp. 210-230

Mais en toutes les autres choses, aux affaires de la justice, aux affaires des finances, aux négociations étrangères, aux dépêches, à la police de l’État, reconnaissant bien que ce n’est pas là où en ce temps il s’applique tout, il croit entièrement ceux des siens qu’il voit s’y être occupés et y avoir bien pensé… Henri IV ne sera pas toujours ainsi ; mais à cette heure il laisse encore beaucoup faire et s’en remet de bien des choses d’État à ses serviteurs, notamment à du Plessis ; il est capitaine avant tout et ne se pique d’honneur que dans cette partie. […] Tout s’y vient ranger successivement dans les cadres et sous les titres de « Justice », « Ordre public », « Finances », « Agriculture », « Manufactures », « Routes et canaux », « Colonies », « Littérature », « Beaux-Arts », etc., etc. […] Si la France s’était assise et établie sous Henri IV et sur les bases de la société d’alors, si elle y avait acquis son ciment qui l’eût fixée sous la forme qu’elle semblait affectionner de 1600 à 1610, l’élément prédominant, je l’ai dit, eût été le gentilhomme rural, disséminé dans le pays, le cultivant, mais aussi le possédant ; prenant volontiers la charrue après l’épée, mais ayant aussi seul le droit de porter l’épée, ayant le droit de justice sur le paysan, etc.

331. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid (suite.) »

… Sire, Sire, justice ! […] On vient annoncer la mort du comte, et, au même instant, Chimène entre en s’écriant : Sire, Sire, justice ! […] Il lui offre ses bons offices et son épée contre Rodrigue : « Souffrez qu’un cavalier vous venge par les armes. » Cette voie est plus sûre et plus prompte que la justice du roi.

332. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. »

M. de Schulenburg était appuyé sur la pierre qu’on a mise à l’endroit où Gustave-Adolphe fut tué, et il me dit en m’embrassant, après que j’eus fait serment : « Monsieur, je souhaite que ce lieu vous soit aussi propice que j’en tire un heureux augure, et que le génie du grand homme qui a expiré ici passe sur vous ; que sa douceur, sa sévérité et sa justice vous guident dans toutes vos actions ; soyez aussi soumis à obéir ou sévère à commander ; ne pardonnez jamais par amitié ou par considération ; dans les moindres fautes, que l’exemple du sévère Magnus (Gustave-Adolphe) vous soit toujours présent ; ayez des mœurs irréprochables, et vous commanderez aux hommes : voilà la base et les fondements inébranlables de notre métier. […] J’aime à croire que le comte de Saxe, au fond, rendait toute justice aux qualités françaises : l’élan, le brillant, le ressort, l’intrépidité insouciante dont la nation est capable ; il en sut, en effet, très bien user et jouer dans les combats, et nul ne mena de front plus agréablement l’Opéra et la victoire : il a été en ce sens, un des plus Français de nos généraux14 ; mais dans ses lettres, dans celles surtout qu’il écrivait à ses compatriotes, il se plaît de préférence à marquer nos faibles et nos défauts. […] Ainsi, en établissant l’égalité, vous satisfaites à la justice et à la gloire du roi… » Rien ou à peu près rien de ce qu’avait conseillé Maurice ne se fit.

333. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LOYSON. — POLONIUS. — DE LOY. » pp. 276-306

Tant de justice rendue devient quasi une injure. […] Y revenant à la seconde Restauration, il fut placé au ministère de la justice, sans cesser de tenir à l’École normale. […] Pensers mystérieux, espace, éternité, Ordre, beauté, vertu, justice, vérité, Héritage immortel dont j’ai perdu les titres, D’où m’êtes-vous venus ?

334. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IV, Eschyle. »

Pindare était son joueur de lyre, et il a chanté dans ses Olympiques « l’homme » qui tient le sceptre de la justice dans la Sicile aux « grands troupeaux » ; il a célébré « sa table hospitalière, retentissante de douces mélodies » : Hiéron combla Eschyle de dons et d’honneurs, mais le vieux poète n’habita pas son palais, trouvant sans doute aussi dure que Dante « la montée de l’escalier des patrons ». […] Il cherche le Dieu vrai dans la foule des divinités illusoires, une providence dans le désordre apparent des choses, la loi sous la fatalité, la justice à travers les talions barbares. […] Même pendant le sommeil, le souvenir amer des maux pleut autour de nos cœurs ; et, même malgré nous, la sagesse arrive, présent du Dieu assis sur les hauteurs vénérables. » De cette foi profonde jaillit la sève vertueuse qui circule partout chez Eschyle, sa flamme morale, son souffre sublime, son zèle de la justice, sa haine ardente de l’iniquité.

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