/ 2011
1947. (1888) Impressions de théâtre. Deuxième série

… Et que dites-vous de ce fils qui, pour avoir lu les considérants désagréables, il est vrai, du jugement qui acquittait son père, prend sa tête dans ses mains, se met à sangloter, puis, d’un coup d’œil, dicte son devoir au tremblant auteur de ses jours ; et cela, sans un moment d’hésitation, bien qu’enfin le cas puisse passer pour douteux, comme j’ai dit, surtout aux yeux de ceux qui ont intérêt à ce qu’il le soit. […] Lorsqu’on cherche à oublier les jugements que nous ont inculqués nos maîtres, lorsqu’on cherche à recevoir de ces écrivains vénérables des impressions directes et sincères comme si on les lisait pour la première fois, on tombe presque inévitablement de la superstition dans l’irrévérence. […] Quelques personnes seules, spécialement nommées, furent exceptées de cette effroyable parodie du jugement dernier.

1948. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [1] Rapport pp. -218

Si des théories qui me semblent très sensées, bien qu’à certains peut-être elles paraîtront hasardeuses, ne pouvaient avoir d’autre inconvénient que de nuire à leur auteur, mes jugements sur le mérite des poètes, des poètes contemporains surtout, étaient bien propres à choquer des admirations estimables, à irriter de célèbres orgueils. […] Mais quelques hésitations sur telle ou telle personnalité ne sauraient diminuer la valeur d’un jugement général ; on peut affirmer que, contrairement à l’opinion qui voit en eux des charmants, des « polis », des subtils, des parfumés, les poètes du xiiie  siècle eurent l’âme et la parole vulgaires, autant que petit le génie ; que la plupart ne furent pas moins la fausse élégance que ce boursouflé rhéteur, Jean-Baptiste Rousseau, ne fut la fausse grandeur ; et qu’ils étaient, poétiquement, pis que des courtisans, des laquais. […] Quant à Sully Prudhomme, il ne laisse pas, avec un air de se récuser, de réfuter, comme s’il la prenait au sérieux, la théorie vergalienne : « Il m’est impossible de vous donner mon jugement, car je ne me sens pas compétent en matière de réformes de notre versification française. […] Mais je m’efforce de ne pas tenir compte, dans mes jugements, de mes prédilections, de mes habitudes.

1949. (1910) Propos de théâtre. Cinquième série

Je ne serais point étonné du tout qu’il eût un autre avis que le mien, n’admirant jamais que quelqu’un diffère d’opinion avec moi ; mais mon jugement est ici très affirmatif : je suis persuadé que Racine n’a pas eu connaissance de la Bérénice de Corneille. […] Sur Polyeucte il en est encore, à bien peu près, à l’opinion de Voltaire, dont il cite en italiques et avec une complaisance marquée les plus contestables jugements : « Le dix-huitième siècle, lui rendit [à Polyeucte] pleine justice, tout dix-huitième siècle qu’il était.

1950. (1895) La vie et les livres. Deuxième série pp. -364

Jules Lemaître, qui plus tard devait énoncer des jugements plus équitables, perdit tout sang-froid, s’indigna.

1951. (1905) Études et portraits. Sociologie et littérature. Tome 3.

C’était la meilleure manière, a-t-il semblé, de situer les jugements exprimés dans ces études, et d’excuser leurs limitations.‌ […] Néanmoins, je m’y suis tenu, car tous les jugements qu’on va lire en dérivent, et sa vérité assure leur vérité. […] Sans chercher à pénétrer le détail du scrutin, il est évident que le nouvel élu a réuni sur sa tête les suffrages de confrères qui ne partagent ses jugements, ni sur les hommes qu’il a pu défendre ou attaquer, ni sur les causes qu’il a servies. […] Je touche aux bords où vont chercher leur jugement ‌ Celui qui marche droit et celui qui dévie…‌ Il va pressant ces vers pour en extraire tout leur enseignement, tendant son être pour s’assimiler l’âme entière du grand mort dont ce fut le profond soupir, et il envie cet artiste mortifié‌ Qui se rend témoignage, à la porte du ciel, ‌ Que sur chaque degré sa main mit un autel.‌

1952. (1910) Victor-Marie, comte Hugo pp. 4-265

Je suis trop chrétien, Halévy vous le savez mieux que personne, pour n’avoir pas une horreur invincible du jugement, une peur, une horreur de juger, une sorte d’horreur pour ainsi dire physique insurmontable. […] J’ai une telle horreur du jugement que j’aimerais mieux condamner un homme, que de le juger. […] Quand je vois la solidité assise d’un Millerand, ce buste carré, ces épaules carrées, ce front carré, cette volonté carrée, ce jugement carré, assis comme une lourde table de chêne, cette énergie presque rude et presque comme sommaire, ces yeux plantés, sous une énorme arcade, sous cette broussaille de poils gris, ce regard bleu, gros, plein de force, je me laisse aller à croire, je crois volontiers que ce n’est qu’un temps, qu’il y a une deuxième jeunesse.

1953. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

Voici celle de ce vieux chien qui perdait le respect pour Votre Majesté, et qui était devenu traître, tant à sa personne qu’à son État, lequel il ruinait par son audace et par sa tyrannie: il tramait une révolte qui eût coûté la vie à Votre Majesté, et c’est ce qui m’a obligé de lui ôter la sienne par l’amour que j’ai pour la vôtre. » Le roi, fort effrayé et consterné du spectacle, ne perdit pourtant pas le jugement, mais lui répondit fort prudemment pour un jeune prince, quoique en tremblant: « Janikan !

1954. (1898) Émile Zola devant les jeunes (articles de La Plume) pp. 106-203

Brunetière reproche à Zola de n’être pas un psychologue, et ce reproche paraîtrait extraordinaire et invraisemblable s’il n’avait été formulé par un critique dont personne aujourd’hui n’ignore ces exagérations et ce parti pris qui ne manquent pas souvent d’altérer son jugement.

1955. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1866 » pp. 3-95

Depuis nous l’avons connu d’une manière assez intime, et notre jugement de 1866, sur lui, s’est fort modifié.

/ 2011