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641. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre II. Le fond et la forme dans la littérature indigène. »

Un de ces thèmes, qui dénote de la part des noirs une sensibilité assez prompte à s’apitoyer, est celui qui a trait à l’existence misérable des orphelins de mère (la marâtre joue seule ici le rôle odieux qu’elle partage dans l’imagination des Européens avec la belle-mère proprement dite). […] La danse irrésistible par l’effet de certaine chanson ou d’un air joué sur un instrument magique. […] Le héros du conte a bien un fils qui abat les oiseaux tout préparés, mais encore faut-il qu’il fasse l’effort de tendre son arc et de les mettre en joue.

642. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Résumé et conclusion »

Le corps conserve des habitudes motrices capables de jouer à nouveau le passé ; il peut reprendre des attitudes où le passé s’insérera ; ou bien encore, par la répétition de certains phénomènes cérébraux qui ont prolongé d’anciennes perceptions, il fournira au souvenir un point d’attache avec l’actuel, un moyen de reconquérir sur la réalité présente une influence perdue : mais en aucun cas le cerveau n’emmagasinera des souvenirs ou des images. […] Tantôt, en effet, par une reconnaissance toute passive, plutôt jouée que pensée, le corps fait correspondre à une perception renouvelée une démarche devenue automatique : tout s’explique alors par les appareils moteurs que l’habitude a montés dans le corps, et des lésions de la mémoire pourront résulter de la destruction de ces mécanismes. […] Dans le premier ne figurent que des habitudes motrices, dont on peut dire que ce sont des associations jouées ou vécues plutôt que représentées : ici, ressemblance et contiguïté sont fondues ensemble, car des situations extérieures analogues, en se répétant, ont fini par lier certains mouvements de notre corps entre eux, et dès lors la même réaction automatique dans laquelle nous déroulerons ces mouvements contigus extraira aussi de la situation qui les occasionne sa ressemblance avec les situations antérieures.

643. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Étude sur la vie et les écrits de l’abbé de Saint-Pierre, par M. Édouard Goumy. L’abbé de Saint-Pierre, sa vie et ses œuvres, par M. de Molinari. — I » pp. 246-260

Cette similitude du Français et de l’enfant, qui ne se bornait pas à un simple aperçu comme en ont les gens d’esprit, mais qui était l’idée favorite de l’abbé, revient continuellement dans ces notes de Rousseau : « Il était mal reçu des ministres et, sans vouloir s’apercevoir de leur mauvais accueil, il allait toujours à ses fins ; c’est alors surtout qu’il avait besoin de se souvenir qu’il parlait à des enfants très fiers de jouer avec de grandes poupées. » — « En s’adressant aux princes, il ne devait pas ignorer qu’il parlait à des enfants beaucoup plus enfants que les autres, et il ne laissait pas de leur parler raison, comme à des sages. » Rousseau, à qui tant de gens feront la leçon pour sa politique trop logique et ses théories toutes rationnelles, sent très bien le défaut de l’abbé de Saint-Pierre et insiste sur la plus frappante de ses inconséquences : « Les hommes, disait l’abbé, sont comme des enfants ; il faut leur répéter cent fois la même chose pour qu’ils la retiennent. » — « Mais, remarquait Rousseau, un enfant à qui on dit la même chose deux fois, bâille la seconde et n’écoute plus si on ne l’y force. […] C’est lui qui, un jour qu’un homme en place, excédé de son procédé, lui en faisait sentir l’inconvenance, répondait sans s’émouvoir ; « Je sais bien, monsieur, que je suis, moi, un homme fort ridicule ; mais ce que je vous dis ne laisse pas d’être fort sensé, et, si vous étiez jamais obligé d’y répondre sérieusement, soyez sûr que vous joueriez un personnage plus ridicule encore que le mien. » C’est lui qui, s’apercevant un jour qu’il était de trop dans un cercle peu sérieux, ne se gêna pas pour dire : « Je sens que je vous ennuie, et j’en suis bien fâché ; mais moi, je m’amuse fort à vous entendre, et je vous prie de trouver bon que je reste. » Tout cela est bien de l’homme dépeint par La Bruyère dans son portrait chargé, mais reconnaissable, de celui même que le cardinal de Fleury, à son point de vue de Versailles, appellera un politique triste et désastreux ; malencontreux, du moins, et intempestif, qui avait reçu le don du contretemps comme d’autres celui de l’à-propos, et qui, lorsqu’il se doutait du léger inconvénient, prenait tout naturellement son parti de déplaire, pourvu qu’il allât à ses fins.

644. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Bossuet. Œuvres complètes publiées d’après les imprimés et les manuscrits originaux, par M. Lachat »

Le grand évêque y fut attrapé comme à l’entrevue de Louis XIV et de Mme de Montespan : le cœur humain lui avait joué un tour, l’esprit humain lui en joua un autre.

645. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre II. De l’ambition. »

Dans une démocratie, il faut qu’il devance le vœu populaire, qu’il lui obéisse en répondant de l’événement ; qu’il joue chaque jour toute sa destinée, et n’espère rien de la veille pour le lendemain. […] Mais l’ambitieux, privé du pouvoir, ne vit plus qu’à ses propres yeux : il a joué, il a perdu ; telle est l’histoire de sa vie.

646. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre II. La critique »

Le plus avisé, le plus fin de ces apologistes fut Sainte-Beuve, qui, comme je l’ai dit plus haut, joua aux classiques le bon tour de leur escamoter la poésie du xvie  siècle qu’ils avaient eu le tort d’oublier, pour la donner aux romantiques désireux de se créer une tradition et des ancêtres. […] Étalant à nos yeux son ample collection de petits faits significatifs, il a encore ici fait jouer ses trois forces, race, milieu, moment, avec une étonnante vigueur d’imagination philosophique : quelques erreurs dans l’estimation des sources, de violents partis pris dans l’interprétation de l’enchaînement des faits, ne diminuent pas la solidité de l’œuvre, ni surtout sa richesse suggestive867 Taine est un des grands esprits de ce siècle : il a eu au suprême degré l’intelligence et la volonté.

647. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Deux tragédies chrétiennes : Blandine, drame en cinq actes, en vers, de M. Jules Barbier ; l’Incendie de Rome, drame en cinq actes et huit tableaux, de M. Armand Éphraïm et Jean La Rode. » pp. 317-337

Je crains cependant, si la pièce était jouée, qu’elle ne nous accablât par un excès d’horreur physique. […] Barbier, et qui est destinée à faire un dramatique contraste avec le rôle prépondérant qu’elle joue dans la suite.

648. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XV, l’Orestie. — les Choéphores. »

Il y joue même le premier rôle, étant l’inspirateur de l’action. […] Le vieux Phœnix envoyé avec Ulysse, par Agamemnon, pour fléchir le héros rentré sous sa tente, lui rappelle comment il jouait avec lui dans son enfance, lorsqu’il était l’hôte de Pélée — « Et je l’aimais dans mon cœur, autant que ton père, ô Achille semblable aux Dieux !

649. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XI »

Il y joue de très vilains rôles, ceux de bouffon et de parasite. […] Tout à l’heure, le comte lui soufflait paternellement un baiser qu’il allait déposer sur la joue d’Hélène, et le jeune mari s’est presque fâché.

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