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297. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 janvier 1886. »

De même qu’il veut que le récitatif ait « une signification rythmique et mélodique et se relie d’une façon insensible à l’édifice plus vaste de la mélodie proprement dite », de même qu’il entend que la musique dramatique forme « un tout vaste et continu, empreint d’un style égal et pur », de même il s’efforce de ne point distinguer entre le chant et l’accompagnement, de ne pas avoir des formules spéciales pour l’un et des formules spéciales pour l’autre, et de les fondre ensemble de telle sorte que l’orchestre soit relevé « de la position subalterne » où il était réduit à jouer le rôle d’« une monstrueuse guitare ». […] La cadence parfaite joue le rôle du point au bout d’une phrase. […]   BERLIN. — La première représentation de Siegfried a été donnée le 8 décembre, Siegfried n’ayant jamais été joué à Berlin qu’avec les autres parties de la Tétralogie, par des troupes de passage. […] MUNICH. — L’Anneau du nibelung a de nouveau été joué par des artistes du théâtre. […] VIENNE. — L’Anneau du nîbelung doit être joué prochainement, — mais sans le Rheingold !

298. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Août 1886. »

Un grand nombre des artistes du théâtre et d’étrangers ont été à la gare au devant du train ; un orchestre de cuivres réuni parmi des artistes de bonne volonté jouait la marche de Tannhaeuser ; les Viennois débarquèrent au milieu des acclamations. […] Dans les rôles secondaires s’affirme la façon allemande de comprendre et de jouer le drame : ces très honnêtes gens traduisent en leur vie de tous les jours la vie toute mythique de leurs personnages ; sincères donc et simples, mais toujours en ces chevaliers du Saint Gral on reconnaît les sympathiques habitués des brasseries. Ce défaut n’est pas aux chanteuses, mais le contraire ; les trois chanteuses ont d’admirables voix, mademoiselle Malten plus impressionnante, madame Sucher plus simple, mais les trois continuent à jouer suivant tout le faux des usages scéniques ; défaut sensible surtout chez madame Materna qui toujours semble jouer l’Africaine aq. […] Ce Saint Gral, qui forme le centre du drame de Parsifal, en ce sens qu’il est l’objet de toutes les adorations et de toutes les convoitises et qu’il symbolise une puissance mystérieuse, est donc poétiquement identique à l’Or du Rhin, lequel dans le Ring joue le même rôle.

299. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre III. Ben Jonson. » pp. 98-162

Enfin, deux ans après, il parvint à faire jouer sa première pièce. […] Les personnages se meuvent en lui, presque sans son concours ; il attend qu’ils parlent, il demeure immobile, écoutant leurs voix, tout recueilli, de peur de déranger le drame intérieur qu’ils vont jouer dans son âme. […] —  Célia reste seule avec Volpone, qui dépouillant sa feinte maladie, arrive sur elle aussi florissant de jeunesse et de joie, aussi ardent que le jour où, dans les fêtes de la République, il a joué le rôle du bel Antinoüs. […] Survient un ami de sir Dauphine avec une bande de musiciens qui jouent ensemble tout d’un coup, de toute leur force. « Oh ! […] Des fontaines égrènent des deux côtés leurs panaches de perles ; des musiciens en robe de pourpre et d’écarlate, couronnés de lauriers, jouent dans les berceaux.

300. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — II. » pp. 195-213

Mais l’amour-propre, le grand et détestable ennemi, n’est pas abattu pour cela : « Je l’appelle détestable, écrit-elle, et je le déteste aussi avec beaucoup de raison, car il me joue souvent de vilains tours ; c’est un voleur rusé qui m’attrape toujours quelque chose. […] En même temps le talent d’écrire y gagne ; la jeune fille, désormais femme forte, est maîtresse de sa plume comme de son âme ; phrase et pensée marchent et jouent à son gré. […] Sur l’aimable et sage M. de Boismorel, qui joue un si beau rôle dans les Mémoires ; sur Sévelinges l’académicien89, qui n’est pas non plus sans agrément ; sur certain Genevois moins léger, et « dont l’esprit ressemble à une lanterne sourde qui n’éclaire que celui qui la tient ; » sur toutes ces figures de sa connaissance et bientôt de la nôtre, elle jette des regards et des mots d’une observation vive, qui plaisent comme ferait la conversation même. […] Le meilleur de Campistron touche au faible de Racine, le Raynal joue souvent à l’œil le Rousseau.

301. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre IV »

Avant de dépenser cent mille écus, Philippe a voulu tenter la fortune ; il a joué, à Bade, les cinquante mille francs de son patrimoine ; la roulette les a dévorés, et il vient dire à Cyprienne un dernier adieu. […] Ce qui fait cette simonie abominable entre toutes, c’est le déshonneur tout spécial qu’elle inflige au mari, le rôle sans nom qu’elle lui fait jouer. […] D’un côté, le vieux mari enterré dans son cabinet, qui use sa plume de scribe à gagner les douze mille francs de revenu du ménage ; de l’autre, la jeune femme qui se dissipe au dehors en bals, en spectacles, en cavalcades, et rentre chez elle dans sa jupe bouffante d’amazone, la cravache en main, l’œil émerillonné, la joue ardente des rougeurs fébriles du plaisir. […] Dans sa visite du premier acte, il raconte un vaudeville joué la veille sous ses yeux.

302. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Mémoires du cardinal de Retz. (Collection Michaud et Poujoulat, édition Champollion.) 1837 » pp. 40-61

Il était très avant dans les conjurations contre Richelieu, et il jouait sa tête dans les dernières années de ce ministre. […] Retz obtint d’emblée d’être nommé coadjuteur de son oncle à l’archevêché de Paris, et dès lors, pour prendre son langage, il cesse d’être « dans le parterre, ou tout au plus dans l’orchestre, à jouer et à badiner avec les violons » ; il monte sur le théâtre. […] Voulant donc convaincre le prince de Condé qu’il y a un grand et incomparable rôle à jouer dans cette crise entre la magistrature et la Cour, voulant tempérer son impatience et ses colères à l’égard du Parlement, et lui prouver qu’on peut arriver moyennant un peu d’adresse, quand on est prince du sang et vainqueur comme il l’est, à manier et à gouverner insensiblement ce grand corps, Retz, dans un discours qu’il lui tient à l’hôtel de Condé (décembre 1648), s’élève aux plus hautes vues de la politique, à celles qui devancent les temps, et à la fois il touche à ce qui était pratique alors. […] Il avait le don de la parole, et ce qui se jouait et se peignait dans son esprit ne faisait qu’un bond sur le papier.

303. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Henri Heine »

Dans les Virtuoses des concerts particulièrement, lui, ce virtuose de l’ironie, nous joue un air sur Véron, sur cet homme que, pendant un si grand nombre d’années, tous les gens d’esprit de France et de Navarre se renvoyèrent comme une balle du jeu de paume de la moquerie, et nous parierions bien que cet air, depuis longtemps exécuté pour la première fois, le bourgeois de Paris, qui doit tamponner ses oreilles avec du coton, selon l’usage de tous les bourgeois, l’entend cependant toujours, de ces jolies oreilles que nous connaissons. […] n’est pas du tout un Stoïcien, — un de ces Stoïciens qui jouent aux petits Prométhées sous le bec de leurs vautours. […] Les siens, à la moindre impression, se tordaient et résonnaient, comme ces cordes à violon sur lesquelles le Diable semblait jouer des sonates, plus enragées que ce fameux trille qu’il joua, un soir, sur le violon de Tartini !

304. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « L’exposition Bodinier »

Essayez de songer à Talma et à Rachel, de vous les figurer en dehors des rôles que nous savons qu’ils ont joués d’une certaine façon : vous y aurez beaucoup de peine, et nos petits-enfants en auront plus encore. […] Maubant (nº 304), couronnée de plus de lauriers qu’il n’en faut pour la cuisine d’une famille pendant toute une année, et de lauriers attachés par un ruban rose aussi large que les rubans de nourrice ; il est évident que cette tête d’un homme qui joue l’empereur Auguste et que transfigure une si noble tâche, n’a presque plus rien de commun avec M. 

305. (1890) L’avenir de la science « VII »

Quelle est l’âme philosophique et belle, jalouse d’être parfaite, ayant le sentiment de sa valeur intérieure, qui consentirait à se sacrifier à de telles vanités, à se mettre de gaieté de cœur dans la tapisserie inanimée de l’humanité, à jouer dans le monde le rôle des momies d’un musée ! […] Vivre, ce n’est pas glisser sur une agréable surface, ce n’est pas jouer avec le monde pour y trouver son plaisir ; c’est consommer beaucoup de belles choses, c’est être le compagnon de route des étoiles, c’est savoir, c’est espérer, c’est aimer, c’est admirer, c’est bien faire.

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