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1818. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre VI. L’espace-temps à quatre dimensions »

Mais la pensée, qui déborde le pur entendement, sait bien que, si l’intelligence a pour essence de dégager des lois, c’est afin que notre action sache sur quoi compter, c’est afin que notre volonté ait plus de prise sur les choses : l’entendement traite la durée comme un déficit, comme une pure négation, afin que nous puissions travailler avec le plus d’efficacité possible dans cette durée qui est pourtant ce qu’il y a de plus positif au monde.

1819. (1892) Impressions de théâtre. Sixième série

Antoine et ses camarades l’avaient trop jouée en drame, trop lentement, trop sérieusement, trop majestueusement, et qu’ainsi ils en avaient peut-être rendu l’intelligence plus difficile à une partie du public. […] Parmi les soupirants d’Hedda, il y en avait un, Eilert Lövborg, un détraqué, perdu d’ivrognerie et de débauche, mais d’une rare et belle intelligence. […] Théa Elvsted a agi sur Eilert : ce que Hedda, avec toute son énergie et toute son intelligence, n’a pu être pour lui, Théa l’a été, rien que par sa douceur et son docile amour. […] Et ne dites point que ce n’est pas là un si grand mérite, que cette liberté est à la portée de tout le monde, et qu’elle a été pratiquée, du temps même de Molière, par nombre de viveurs d’intelligence médiocre, voire de simples goujats. […] Dans ces humbles centres de population, où beaucoup d’intelligences et de consciences sont restées également rudimentaires, où, d’autre part, tout le monde se connaît et où tout le monde se sent surveillé, il est inévitable que le pharisaïsme le plus naïf règne dans les mœurs.

1820. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [1] Rapport pp. -218

Tout à l’heure, j’ai écrit : exceptionnel ; Molière ne l’est pas seulement par une spéciale et suprême intelligence, mais aussi par une douceur de cœur, par une effusion d’âme, non moins manifeste dans son œuvre que dans son existence. […] Ce fut en même temps qu’une toute-puissante intelligence, un grand cœur triste. […] S’il fut, dans le livre, une souveraine intelligence, s’il fut, dans les relations quotidiennes, un maître clément et un ami serviable à tous ceux qui l’approchèrent, il a été, il faut bien le dire, un guide et un conseiller redoutable. […] Plût à Dieu, pour l’apaisement de son intelligence en son instant humain, qu’il eût été athée ! […] Est-ce qu’il se complaît en des sujets placés hors de la portée des communes intelligences, ou qui exigent, pour être entendus, des connaissances peu fréquentes même en des esprits cultivés ?

1821. (1863) Histoire de la vie et des ouvrages de Molière pp. -252

Sa mémoire et son intelligence le firent profiter en peu de temps des leçons de celui-ci et de la fréquentation de ceux-là. […] Quant à La Grange, doué d’une intelligence parfaite, d’une rare aménité de mœurs, et sûr dans le commerce de la vie, il devint l’ami de Molière, et donna en 1682, avec Vinot, la première édition complète des Œuvres de notre auteur. […] Fouquet, étonné de ce refus, brûla d’en connaître la cause ; il découvrit bientôt, par des agents secrets, les intelligences encore mystérieuses de Louis XIV et de cette femme, qui fit goûter à ce prince le bonheur si doux et si peu connu des rois d’être aimé pour soi-même. […] Il y avait dans la troupe où elle venait d’être enrôlée un homme d’une simplicité à toute épreuve, qui n’était que gagiste, et que son intelligence bornée semblait condamner à jamais à l’emploi dont il était alors chargé, celui de moucher les chandelles.

1822. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1863 » pp. 77-169

— Dans une société qui serait une aristocratie, mais une aristocratie de capacités ouverte au peuple, se recrutant largement jusque dans les intelligences ouvrières, je rêverais un gouvernement qui essaierait de tuer la misère, abolirait la Fosse commune, décréterait la Justice gratuite, nommerait des avocats de pauvres payés par le seul honneur de l’être ; établirait devant Dieu à l’église la gratuité et l’égalité pour le baptême, le mariage, l’enterrement : un gouvernement qui donnerait, dans l’hôpital, une hospitalité magnifique à la maladie ; — un gouvernement qui créerait un ministère de la Souffrance publique. […] Et nous le quittons très alarmés, effrayés de cette maigreur que nous touchions dans cette main, pleine de cordes ; que nous devinions sous cette robe de laine blanche, sous ces deux ou trois paires de chaussettes roulées autour de ses pieds ; effrayés de ce lent dépérissement, de cet épuisement, de cet appauvrissement du sang et de la vie, de cette anémie amenée par les longues souffrances, et peut-être encore par tant d’années d’une alimentation insuffisante, où cette pure intelligence ne voulait pas manger, se refusait à manger, trouvait de l’ennui à manger.

1823. (1897) Aspects pp. -215

Lettre à Gausson, peintre Ainsi donc, Ami, tout cela que tu aimes ; la douceur des vergers clairs, la majesté des arbres fraternels, les villages assoupis, l’eau qui chatoie et le soleil de gloire, les crépuscules pensifs et les aubes d’argent, tu viens de les livrer aux Bêtes — et aux Intelligences. […] Concession excessive et sur laquelle il revient car il murmure bientôt : « Je rentre mes aspirations à la solitude nécessaire quand ce ne serait que pour paraître songer. » En somme : maladivement amoureux de soi-même, se gargarisant avec les sonorités verbales qu’il déforme ou qu’il accole à son gré, pour lui seul, érigeant en système de raffinement la pénurie de ses facultés créatrices, blotti en un coin d’ombre loin du conflit social, portant pour blason un serpent gelé qui se mord la queue sur fond de brume, Narcisse au trouble miroir où luisent à peine les faibles phosphores d’une décomposition d’art, prince de l’impuissance hautaine, tel apparaît le Décadent — tel apparaît aux intelligences sauves de son emprise M.  […] Coppée, je ferai encore une citation caractéristique : « Coppée c’est par excellence le causeur parisien du siècle de la blague, avec tout l’admirable sous-entendu de la conversation : les phrases commencées, finies par un rictus ironique, les allusions farces à des choses ou à des faits connus du monde select et pourri de l’intelligence » (p. 5), Eh ! […] Taine, en cet admirable livre : de l’Intelligence, demandait jadis qu’on lui fournît des renseignements exacts sur la genèse de la pensée chez eux. […] Je me contentais de moudre les aphorismes consacrés ; j’exaltais les écrivains arrivés, je vantais ceux qui prônent tout ce que vénère l’opinion publique : le respect des bustes, la pornographie, le 3 p. %, la patrie, la vertu des concierges, l’intelligence des électeurs, le génie des Normaliens, le derrière des Toulousaines, le socialisme de M. 

1824. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. » pp. 124-157

. — C’est un brave enfant, et une intelligence très-distinguée.

1825. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre II. Les bêtes »

Sous les os pesants de cette tête mal formée, l’intelligence est comme durcie.

1826. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (4e partie) » pp. 1-63

Émue comme un héros au bruit du canon, intrépide contre les vociférations des pétitionnaires et des tribunes, son regard les bravait, sa lèvre dédaigneuse les couvrait de mépris ; elle se tournait sans cesse, avec des regards d’intelligence, vers les officiers de sa garde, qui remplissaient le fond de la loge et le couloir, pour leur demander des nouvelles du château, des Suisses, des forces qui leur restaient, de la situation des personnes chères qu’elle avait laissées aux Tuileries et surtout de la princesse de Lamballe, son amie.

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