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385. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre deuxième »

Y a-t-il une tâche plus noble que de rendre l’athéisme et le matérialisme impossibles, et d’arriver là sans s’aider de l’autorité, de la tradition, de l’exemple, qui engendrent le doute par la fatigue de leurs contradictions ? […] Nos conditions, pour la plupart dépendantes, nous rendent cette conduite difficile ; une certaine retraite en soi-même n’est impossible à personne. […] Elles ne peuvent être ni plus fortes ni plus ornées, telles sont ainsi, parce qu’il est impossible qu’elles soient autrement. […] Outre qu’il soutient l’âme, et qu’il la met en garde contre toute pensée qui ne lui arrive pas par la bonne voie, il rend l’imitation impossible.

386. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IV »

Non, le seul résultat de ces ignobles journées a été de ruiner, ou peu s’en faut, le plus désintéressé et le plus vaillant des chefs d’orchestre, de jeter sur le pavé quatre cents de nos compatriotes, et de rendre impossible l’établissement de ce théâtre lyrique nouveau qu’attendaient si impatiemment tous nos jeunes musiciens. […] Autant je crois que des fragments choisis de Wagner peuvent recueillir au milieu de nous le succès bien mérité auquel ils ont droit, autant me paraît impossible, étant données nos mœurs, nos impressions et nos aptitudes, la naturalisation complète de l’œuvre du grand homme. […] —   La chose est impossible. […] Engel n’ait pu s’arranger avec la direction ; impossible de se figurer le rôle de Siegfried interprété par un autre que lui c’est là une perte bien difficile à réparer.

387. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville »

Les Espagnols, en vrais brutaux, lâchent leurs chiens sur les Indiens comme sur des bêtes féroces ; ils tuent, brûlent, massacrent, pillent le Nouveau Monde comme une ville prise d’assaut, sans pitié comme sans discernement… Les Américains des États-Unis, plus humains, plus modérés, plus respectueux du droit et de la légalité, jamais sanguinaires, sont plus profondément destructeurs, et il est impossible de douter qu’avant cent ans il ne restera pas dans l’Amérique du Nord, non pas une seule nation, mais un seul homme appartenant à la plus remarquable des races indiennes… » L’exposition ainsi faite, le moral et l’esprit de la scène ainsi expliqués complètement, il la raconte si bien que cela finit par être une peinture navrante : « Six à sept mille Indiens ont déjà passé le grand fleuve, ceux qui arrivaient à Memphis y venaient dans le dessein de suivre leurs compatriotes. […] Peut-être eût-il été réservé à des épreuves qu’il lui eût été impossible de supporter. […] j’ai fini par me convaincre que la recherche de la vérité absolue, démontrable, comme la recherche du bonheur parfait, était un effort vers l’impossible.

388. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Du génie critique et de Bayle »

Cette absence de Paris est sans doute cause que Bayle paraît à la fois en avance et en retard sur son siècle, en retard d’au moins cinquante ans par son langage, sa façon de parler, sinon provinciale, du moins gauloise, par plus d’une phrase longue, interminable, à la latine, à la manière du xvie  siècle, à peu près impossible à bien ponctuer127 ; en avance par son dégagement d’esprit et son peu de préoccupation pour les formes régulières et les doctrines que le xviie  siècle remit en honneur après la grande anarchie du xvie . […] Quant à la religion d’abord, il faut bien avouer qu’il est difficile, pour ne pas dire impossible, d’être religieux avec ferveur et zèle en cultivant chez soi cette faculté critique et discursive, relâchée et accommodante. […] Si, par impossible, quelque bel esprit janséniste avait entretenu une correspondance littéraire, y rencontrerait-on jamais des lignes comme celles qui suivent ?

389. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Introduction »

Avant d’aller plus loin l’on demanderait, peut-être, une définition du bonheur ; le bonheur, tel qu’on le souhaite, est la réunion de tous les contraires, c’est pour les individus, l’espoir sans la crainte, l’activité sans l’inquiétude, la gloire sans la calomnie, l’amour sans l’inconstance, l’imagination qui embellirait à nos yeux ce qu’on possède, et flétrirait le souvenir de ce qu’on aurait perdu ; enfin, l’inverse de la nature morale, le bien de tous les états, de tous les talents, de tous les plaisirs, séparé du mal qui les accompagne ; le bonheur des nations serait aussi de concilier ensemble la liberté des républiques et le calme des monarchies, l’émulation des talents et le silence des factions, l’esprit militaire au-dehors et le respect des lois au-dedans : le bonheur, tel que l’homme le conçoit, c’est ce qui est impossible en tout genre ; et le bonheur, tel qu’on peut l’obtenir, le bonheur sur lequel la réflexion et la volonté de l’homme peuvent agir, ne s’acquiert que par l’étude de tous les moyens les plus sûrs pour éviter les grandes peines. […] Mais quand cette théorie métaphysique serait impossible, au moins, il est vrai, que plus l’on travaille à calmer les sentiments impétueux qui agitent l’homme au-dedans de lui, moins la liberté publique a besoin d’être modifiée ; ce sont toujours les passions qui forcent à sacrifier de l’indépendance pour assurer l’ordre, et tous les moyens qui tendent à rendre l’empire à la raison, diminuent le nombre nécessaire des sacrifices de liberté. — J’ai à peine commencé la seconde partie politique, dont je ne puis donner une idée par ce peu de mots. […] À la fin d’un semblable ouvrage, cependant, sous quelque point de vue général que ces grandes questions fussent présentées, il serait impossible de ne pas finir par les particulariser dans leur rapport avec la France et le reste de l’Europe.

390. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. Le théâtre romantique »

Les résultats du théâtre romantique : la tragédie est impossible. […] Puis ce fut la grande journée du 25 février 1830, la bataille d’Hernani : la censure laissant passer la pièce pour faire exécuter le romantisme par le public, tant elle estimait impossible le succès d’une telle extravagance ! […] La tragédie était impossible.

391. (1868) Alexandre Pouchkine pp. 1-34

Je crois qu’il ne serait pas impossible de lui ravir la gloire de l’invention, et de remonter à l’antiquité pour découvrir des modèles, si, dans une œuvre de ce genre, le mérite de l’exécution n’était pas le plus important, disons mieux, le seul à considérer. […] Il est impossible de donner en français une idée de la concision de ses vers. […] Bien qu’il soit impossible de traduire des vers et surtout des vers lyriques en vile prose, j’essayerai pourtant de donner un exemple de sa manière.

392. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XV »

Nous reparlerons de ce personnage non moins impossible que ceux qui l’entourent. […] La Princesse de Bagdad se relèvera de cette chute, car elle est singulièrement attachante, malgré ses énormes défauts, vivante dans le fantastique et dans l’impossible. […] Son fils survient, voit sa mère qui se prépare à sortir. — « Emmène-moi… — C’est impossible. — Pourquoi ?

393. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre I. Le Bovarysme chez les personnages de Flaubert »

Les voici, négligeant tous les actes où leur énergie eût pu réussir et s’évertuant à des modes d’action, de sentiment, de pensée qu’ils ont bien pu concevoir et admirer, mais qu’ils ne peuvent reproduire, en sorte que toute leur énergie, détournée des buts accessibles et stimulée vers l’impossible, se dissipe en vains efforts, avorte et fait faillite. […] Le personnage en effet mettra toujours au service de la fausse conception qu’il se forme de lui-même, au service de l’impossible, la quantité précise de force qu’il eût employée à développer ses aptitudes naturelles. […] La haine du réel est à, vrai dire si forte chez Bovary, qu’elle pourrait la contraindra à répudier son propre rêve, s’il venait, par impossible, à prendre lui-même la forme d’une réalité.

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