La beauté du climat, en développant leur imagination, leur donnait un caractère enthousiaste et sensible ; la liberté élevait leurs âmes ; l’égalité des citoyens leur faisait mettre un grand prix à l’opinion de tous les citoyens ; la loi, en permettant à chacun d’aspirer aux charges, et de décider des affaires de l’État, leur défendait de se mépriser eux-mêmes ; les arts vils, abandonnés à des mains esclaves, les empêchaient de se flétrir sous les travaux ; les exercices et les jeux les donnaient continuellement en spectacle les uns aux autres ; la multitude des petits États établissait des rivalités d’honneur entre les peuples ; enfin, les grands intérêts et les victoires leur donnaient ce sentiment d’élévation qui aspire à la renommée. […] Son caractère ardent voulut donner à ses concitoyens un mouvement qu’ils n’étaient pas en état de suivre : leurs âmes, qui avaient perdu l’habitude des grandes choses, n’avaient plus que de l’imagination pour les sentir. […] Platon, qui ne se mêla jamais des affaires publiques, ne parut point dans Athènes au rang des orateurs ; mais dans cet éloge funèbre, composé en l’honneur des guerriers, il voulut disputer le mérite de l’éloquence à Périclès, comme dans ses autres ouvrages il lutte avec Pythagore pour la philosophie, avec Lycurgue et Solon pour la politique, avec Homère pour l’imagination ; souvent sublime, et presque toujours poète, orateur, philosophe et législateur.
Cet âge, antérieur aux deux grands poëmes homériques, revivait pour l’imagination grecque sous le nom d’Orphée. […] De là se forma dans l’imagination du peuple ce type d’Orphée, guide harmonieux des Argonautes, époux d’Eurydice, vainqueur de la barbarie, et même de l’enfer, s’il n’eut pas été lui-même vaincu par l’amour. […] Que le poëte Alcman, naturalisé à Sparte, ait eu à Lesbos un disciple dont l’harmonie merveilleuse, sans attendrir les pirates, enchantait jusqu’aux dauphins des mers, c’est un récit aussi gracieux dans les pages d’Hérodote que douteux en lui-même ; mais la tradition lyrique dans la Grèce est certaine du moins ; et, soit Arion, soit Amphion, jusqu’aux fables, tout dépose de cette puissance d’imagination et de mélodie, qui, des lieux où naquirent les chants homériques, circulait vers Thèbes et vers Athènes.
On voit par là ce qui distingue l’imagination de l’entendement. […] Imagination comme faculté de combinaison. […] Imagination créatrice. […] L’imagination créatrice est ce qui fait l’inventeur. […] De l’imagination.
Selon eux, Homere s’abandonne à l’emportement & à l’intempérance de son imagination sans aucun discernement. […] Plaute a ce tour original que donne une imagination qui n’est captivée ni par les regles de l’art, ni par celle des mœurs. […] Son imagination riante & agréable répandoit des fleurs sur toutes les poésies. […] Le plan & la conduite en sont admirables, & supposent un Poëte qui avoit autant de jugement que d’imagination. […] C’est une espêce d’inspiration prophétique, un caprice d’imagination, où il y a des portraits touchés avec force & frappés de bonne main.
Par cette puissance, l’imagination reproduit et remplace la vue ; le livre tient lieu de l’objet ; la phrase rend présente la chose qui n’est pas là. […] Cette véhémence de l’imagination produit l’audace. […] Quand on commence à embellir sa phrase, à chercher des alliances de mots, à mettre dans un sujet plus d’esprit, d’imagination et d’éloquence qu’il n’en peut porter, le mauvais goût arrive, et la littérature va déchoir. […] La Fontaine est cet être « ailé, léger, sacré, papillon du Parnasse », dont le vol capricieux monte et descend au gré de son imagination mobile. […] Monsieur le mort, laissez-nous faire On vous en donnera de toutes les façons, La multitude des rimes rapprochées étourdit le lecteur et l’accable sous le bruit, en même temps qu’elle oppresse son imagination sous les images, et agrandit l’objet décrit.
Ce qui décide des grands succès pour les ouvrages d’imagination, c’est lorsque la création de l’auteur est telle, qu’une foule de contemporains, à la lecture, croient aussitôt s’y reconnaître : ils s’y reconnaissent d’abord par quelques traits essentiels qui les touchent, et ils finissent par s’y modeler pour le reste. Le poète, le romancier, ne voulait que réaliser le fantôme de ses rêves, et voilà qu’il a trouvé la forme qu’attendaient, que chérissaient vaguement d’avance les imaginations du moment, et qu’elles ne pouvaient définir et démêler sans lui. […] Il y avait deux années déjà que La Nouvelle Héloïse avait paru, et qu’elle enflammait de toutes parts, qu’elle ravageait les imaginations sensibles. […] Pour montrer, avant tout, ce qu’était Mme de La Tour, cette Julie qui se croyait en droit d’être comparée à Julie d’Étanges, et pour prouver qu’elle n’en était pas trop indigne, je ne puis faire rien de mieux que de citer son propre portrait, envoyé par elle à Rousseau, un jour que celui-ci, dans une de ses rares boutades de galanterie, lui avait demandé comment elle s’habillait, afin de pouvoir se fixer l’imagination, disait-il, et se faire quelque idée d’elle. […] Du moins sur ma taille, je ne veux coûter aucun frais à votre imagination ; j’ai, raisonnablement chaussée, quatre pieds neuf pouces et dix lignes de haut, et de l’embonpoint tout ce qu’il faut en avoir.
Il présente à l’imagination des cadavres, des yeux arrachés de la tête, des corneilles qui battent leurs ailes de joie. […] Divers, selon l’endroit auquel l’imagination s’arrêtera. Mais sur quel endroit ici l’imagination doit-elle se reposer de préférence ? […] Il y a donc un art inspiré par le bon goût dans la manière de distribuer les images dans le discours et de sauver leurs effets, un art de fixer l’œil de l’imagination à l’endroit où l’on veut. […] Avec tout ce que je viens de reprendre dans le tableau de Doyen, il est beau et très-beau ; il est chaud, il est plein d’imagination et de verve ; il y a du dessin, de l’expression, du mouvement, beaucoup, mais beaucoup de couleur, et il produit un grand effet.
il en a la magnificence, l’imagination dans le style, avec une chaleur que Buffon n’avait certes pas. […] la vibration puissante et mystérieuse d’une conversation évanouie, — d’une chose incomparable et absolument disparue, — mais qui résonne encore et qui résonnera toujours dans l’imagination des hommes, pour la faire éternellement rêver ! […] … Le temps a passé depuis ces « Tableaux de la Révolution » qui en peignirent si bien l’affreuse aurore, et qui allumèrent contre elle l’imagination du grand Burke, un des hommes qui l’ont le plus haïe et méprisée, et ces « Tableaux », qui n’ont pas perdu une nuance de leur horrible fraîcheur première, sont restés de l’histoire, — de la définitive, ineffaçable et incorruptible histoire, — quand tout est fini des exaltations et des passions contemporaines d’un journalisme qui n’est plus ! […] Et je n’ai rien vu de plus beau, je l’avoue, que cette martingale de bon sens politique mise à l’hippogriffe de l’imagination, et qui est plus forte que l’imagination et les passions d’un homme, qui avait de l‘une comme un poète, et des autres comme un homme de parti.
C’est une fête, un bal donné par un hôte complaisant à des imaginations qui veulent s’amuser. […] tout se tient, tout est solidaire dans l’imagination d’un peuple comme dans celle de ses écrivains et de ses artistes. […] Cette biographie, à vol de poëte, d’une femme poëte, a de quoi plaire à l’imagination : est-elle partout et toujours convenable ? […] Un heureux hasard, une visite chez un cher et éminent poëte où tout charme et ravive l’imagination et le cœur, a mis entre nos mains ce petit volume de M. […] — « De jeunes femmes se trouvaient-elles au comptoir, on avait soin de choisir les écrits les plus propres à corrompre leur imagination : bien plus, ajoute M.