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633. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — II »

Mais dans le cas où l’humanité ne serait pas encore tout à fait adulte et où elle n’aurait pas entièrement accompli, selon l’idée de Lessing, son éducation sous la main de Dieu, la psychologie actuelle ne serait pas elle-même définitive ni concluante, pas plus que celle de l’enfant ou de l’adolescent, par rapport à la condition de l’homme fait. […] Si nous devons enfin sortir de ce point de vue pour nous élever à une conception plus compréhensive, la psychologie est impuissante pour le savoir et pour nous le dire ; car elle suppose l’égalité essentielle des moi contemporains ; car elle opère sur un moi quelconque actuel ; et ce n’est jamais dans un moi quelconque que se découvre l’idée d’un progrès futur de l’humanité. […] Jouffroy, selon nous, se fait des idées tout à fait inexactes de ce que c’est que religion et inspiration. […] Selon les temps, cette inspiration diffère ; la voir invariablement sous certaines formes déjà produites, c’est ne pas aller au fond et en prendre une pauvre idée. […] Jouffroy va s’efforcer d’y arriver à l’aide de l’observation psychologique et de l’induction ; car, dit-il, ce sont les idées qui gouvernent les individus, ce sont les idées qui gouvernent également les nations ; c’est par conséquent dans les idées du moi et dans la raison individuelle qu’on peut seulement trouver la solution du problème social.

634. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre I : Philosophie religieuse de M. Guizot »

Cette école a défendu l’idée du devoir et l’a fortement séparée de l’intérêt personnel. […] Ces deux arguments succombent, l’un devant la philosophie, qui avec Kant et Leibniz découvre dans l’esprit humain des idées supérieures aux sens, l’autre devant l’histoire qui nous montre les trois états d’Auguste Comte, non pas successifs, mais toujours simultanés. […] Telle est du moins cette espèce de panthéisme, que l’on peut appeler idéaliste, où Dieu se réduit à l’idée de l’être universel, c’est-à-dire à une pure abstraction. […] Dans ce domaine, Dieu agit autrement que dans le monde physique ; il agit par une action toute morale, tout individuelle ; voilà l’idée de la Providence chrétienne. […] Tous les peuples ont eu l’idée d’un âge d’or, d’un état primitif de parfaite paix et de parfaite innocence : n’est-ce point là le sentiment secret et comme le souvenir de l’état dans lequel ont été créés nos premiers parents ?

635. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE STAEL » pp. 81-164

Cette idée saisit tellement mon âme, que je fis tout haut à l’Éternel les plus véhémentes prières. […] Ce ne fut que plus tard, et surtout vers la fin de l’Empire, que l’idée de la Constitution anglaise la saisit. […] Cette idée, qui se trouve déjà éclose chez Bacon quand il disait : Antiquitas sœculi, juventus mundi ; que M. […] Les esprits libres en littérature liront avec une agréable surprise ce morceau, comme on aime à retrouver quelque idée de 89 dans Fénelon. […] Mme de Staël, en vieillissant, devait volontiers se rapprocher des idées anciennes de son père.

636. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Lélia (1833) »

Telle est l’idée de Lélia. Mais cette idée, qui, si elle avait été réalisée selon des conditions naturelles d’existence, dans un lieu, dans un encadrement déterminé, et à l’aide de personnages vivant de la vie commune, aurait été admise des lecteurs superficiels et probablement amnistiée, cette même idée venant à se transfigurer en peinture idéale, à se déployer en des régions purement poétiques, et à s’agiter au loin sur le trépied, a dû être l’objet de mille méprises sottes ou méchantes : on n’a jamais tant déraisonné ni calomnié qu’à ce sujet.  […] Il est merveilleux de voir combien, en ce temps-ci, une idée vraie ou fausse, une fois trouvée, devient précieuse. […] L’idée réelle de Lélia, avons-nous dit, est l’impuissance d’aimer et de croire, la stérilité précoce d’un cœur qui s’est usé dans les déceptions et dans les rêves. […] On s’accoutume difficilement à l’idée que Trenmor, cet homme et ce nom des régions inconnues, ait été dix ans au bagne à Toulon.

637. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Lenient » pp. 287-299

Il n’a que les idées de ce genre de professeur, il en a le style, mais il n’a rien de plus. […] Or, comme il n’est pas d’idée plus familière et plus chère à l’école historique, qui a fondé la théorie des classes moyennes dans l’histoire pour la réaliser dans le gouvernement, que l’invincible et l’inévitable supériorité de la bourgeoisie, M.  […] Pour notre compte, nous avons cherché une idée à lui, l’aiguille d’une idée à lui, dans toute cette botte de foin de petits faits et de petites citations. […] C’est cette moyenne, dont nous parlions au commencement de ce chapitre, monnaie courante de style et d’idées, mais après laquelle on ne courra pas. […] Lenient, qui n’est, lui, qu’un de ses professeurs moyens, — utiles à leur place, mais sans supériorité accusée, — se révélera-t-il un jour à l’étonnement de tout le monde comme un écrivain ayant un style à lui, des idées à lui et une valeur propre et déterminée ?

638. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre VII. Dernières preuves à l’appui de nos principes sur la marche des sociétés » pp. 342-354

Les fondateurs du droit romain ne pouvant s’élever encore par l’abstraction aux idées générales, créèrent pour y suppléer des caractères poétiques, par lesquels ils désignaient les genres. […] S’il est certain qu’il y eut des lois avant qu’il existât des philosophes, on doit en inférer que le spectacle des citoyens d’Athènes s’unissant par l’acte de la législation dans l’idée d’un intérêt égal qui fût commun à tous, aida Socrate à former les genres intelligibles, ou les universaux abstraits, au moyen de l’induction, opération de l’esprit qui recueille les particularités uniformes capables de composer un genre sous le rapport de leur uniformité. Ensuite Platon remarqua que, dans ces assemblées, les esprits des individus, passionnés chacun pour son intérêt, se réunissaient dans l’idée non passionnée de l’utilité commune. […] C’est ainsi qu’il en vint à méditer les idées intelligibles et parfaites des esprits (idées distinctes de ces esprits, et qui ne peuvent se trouver qu’en Dieu même), et s’éleva jusqu’à la conception du héros de la philosophie, qui commande avec plaisir aux passions. […] Si la Providence n’eût ainsi conduit les choses humaines, on n’aurait pas eu la moindre idée ni de science ni de vertu.

639. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 11-15754

On peut donner une idée générale d’une grande Histoire, ou de quelqu’autre matiere ; mais on ne doit point entamer un détail qu’on ne peut pas éclaircir, & dont on ne donne qu’une idée confuse qui n’apprend rien, & qui ne réveille aucune idée déja acquise. […] Les jeunes gens n’ayant point encore assez d’idées acquises, ont besoin de détail ; & tout ce qui suppose des idées acquises, ne sert qu’à les étonner, à les décourager, & à les rebuter. […] Nous disons, la mort, la maladie, l’imagination, l’idée, &c. comme nous disons le soleil, la lune, &c. quoique la mort, la maladie, l’imagination, l’idée, &c. […] On a destiné ces sons à être le signes des idées, des pensées & des jugemens. […] Selon Platon, le monde fut fait d’après l’idée la plus parfaite que Dieu en conçut.

640. (1912) Pages de critique et de doctrine. Vol I, « I. Notes de rhétorique contemporaine », « II. Notes de critique psychologique »

L’une de ces idées était l’idée de la Loi. […] Taine ajoute : « L’idée est vraie. […] Octave Feuillet a courageusement entrepris un roman à idées. […] Maintenant vous vous occupez de problèmes d’idées. […] J’ai toujours vu l’abîme… Autrement des idées.

641. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — I. » pp. 91-108

M. de Meilhan eut des défauts saillants qui lui appartenaient, et même des vices qui tenaient aussi à son siècle : mais il fut un homme de beaucoup d’esprit, un des plus distingués parmi les gens du monde, un des plus fertiles en idées et des plus originaux parmi les écrivains amateurs. […] La tête est fort belle, la physionomie vive, animée, parlante, la figure assez longue ; on n’y prend nullement l’idée que donnerait de M. de Meilhan le duc de Lévis, lorsqu’il a dit : « Sa figure, quoique expressive, était désagréable ; il était même complètement laid, ce qui ne l’empêchait pas d’ambitionner la réputation d’homme à bonnes fortunes. » Cette idée de laideur ne vient pas à la vue de ce portrait ; mais on y reconnaît avant tout ce bel œil perçant, plein de feu, ces « yeux d’aigle pénétrants » dont le prince de Ligne était si frappé. […] La surface en est fort étendue : il y a des idées positives et d’un homme d’administration, il y a des vues d’homme politique et de philosophe : ce qui paraît manquer, c’est le lien exact et la cohésion de toutes ces parties. […] Il montre que la première idée d’un compte rendu appartient à Desmarets, ministre des finances sur la fin de Louis XIV, et que c’est à ce ministre qu’on devrait en rapporter l’honneur. […] La propagation des lumières, la foule innombrable d’écrits, les journaux, les commentaires sur les grands écrivains, les extraits, les dissertations critiques ont formé un dictionnaire général d’idées, de résultats, de jugements où chacun peut trouver à s’assortir et puiser la matière d’un ouvrage, en changeant, décomposant, délayant.

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