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624. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIV. De la plaisanterie anglaise » pp. 296-306

On est sérieux seul, on est gai pour les autres, surtout dans les écrits ; et l’on ne peut faire rire que par des idées tellement familières à ceux qui les écoutent, qu’elles les frappent à l’instant même, et n’exigent d’eux aucun effort d’attention. […] La vie domestique, des idées religieuses assez sévères, des occupations sérieuses, un climat lourd, rendent les Anglais assez susceptibles des maladies d’ennui ; et c’est par cette raison même que les amusements délicats de l’esprit ne leur suffisent pas. […] Dans tous les pays, un écrivain capable de concevoir beaucoup d’idées, est certain d’arriver à l’art de les opposer entre elles d’une manière piquante. […] Quelques écrits de Fielding et de Swift, Peregrin Pickle, Roderick Random, mais surtout les ouvrages de Sterne, donnent l’idée complète du genre appelé humour. […] Ils développent toutes les idées, ils exagèrent toutes les nuances, ils ne se croient entendus que lorsqu’ils crient, et compris qu’en disant tout.

625. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre II. De la philosophie. »

Aux yeux de l’homme passionné, les objets extérieurs ne représentent qu’une idée, parce qu’ils ne sont jugés que par un seul sentiment. Le philosophe, par un grand acte de courage, ayant délivré ses pensées du joug de la passion, ne les dirige plus toutes vers un objet unique, et jouit des douces impressions que chacune de ses idées peut lui valoir tour à tour et séparément. […] Voulez-vous attacher votre existence à l’empire absolu d’une idée ou d’un sentiment ? […] L’idée qui la domine, laissée stationnaire par les événements, se diversifie de mille manières par le travail de la pensée, la tête s’enflamme et la raison devient moins puissante que jamais. […] C’est au milieu du monde que souvent ses réflexions, ses résolutions l’abandonnent, que les idées générales les plus arrêtées, cèdent aux impressions particulières.

626. (1892) Portraits d’écrivains. Première série pp. -328

Dumas a trouvé la meilleure expression de ses idées. […] Il combat pour des idées auxquelles il tient. […] Il n’a de goût que pour les idées. […] Il est lent à débrouiller ses idées. […] Augier a besoin de porter longuement ses idées.

627. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE RÉMUSAT » pp. 458-491

Mme de Vergennes éleva gravement et même sévèrement ses deux filles, en idée des conditions nouvelles qu’elle prévoyait dans la société. […] Cette idée la rassure, et de part et d’autre on s’écrit. […] Les idées constitutionnelles reparaissaient sur le tapis comme pour la première fois : son intelligence ferme en embrassa d’abord l’étendue. […] Si intelligente qu’elle soit, son meilleur lot est encore de comprendre toutes les idées par le cœur. […] Avec eux, volontiers, elles iraient jusque dans les voyages, dans les combats ; elles les suivent dans les idées nouvelles.

628. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre I. Succès de cette philosophie en France. — Insuccès de la même philosophie en Angleterre. »

. — Il sert de véhicule aux idées nouvelles. — Les livres sont écrits pour les gens du monde. — Les philosophes sont gens du monde et par suite écrivains […] Ainsi l’esprit classique qui fournit les idées fournit aussi leur véhicule, et les théories du dix-huitième siècle sont comme ces semences pourvues d’ailes, qui volent d’elles-mêmes sur tous les terrains. […] Condillac écrit le Traité des sensations d’après les idées de Mlle Ferrand, et donne aux jeunes filles des conseils sur la manière de lire sa Logique. […] Le penseur est tenu de se préoccuper de ses phrases au moins autant que de ses idées. […] Il ne possède pas ses idées, mais ses idées le possèdent ; il les subit ; pour en réprimer la fougue et les ravages, il n’a pas ce fond solide de bon sens pratique, cette digue intérieure de prudence sociale qui, chez Montesquieu et même chez Voltaire, barre la voie aux débordements.

629. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre II. Axiomes » pp. 24-74

Autre caractère de l’esprit humain : s’il ne peut se faire aucune idée des choses lointaines et inconnues, il les juge sur les choses connues et présentes. […] Des idées uniformes nées chez des peuples inconnus les uns aux autres, doivent avoir un motif commun de vérité. […] Les muets s’expliquent par des gestes, ou par d’autres signes matériels, qui ont des rapports naturels avec les idées qu’ils veulent faire entendre. […] L’ordre des idées doit suivre l’ordre des choses. […] Telle est l’idée qu’ils se forment du droit.

630. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 400-402

Avant de s’attacher au même genre, il eût fallu être doué, comme lui, de ce coup d’œil perçant, qui pénétroit dans les plus profonds replis du cœur, de cette vigoureuse subtilité qui en saisissoit les mouvemens dans leur source, de cette énergie supérieure qui les a si profondément tracés, de ce génie enfin qui ne sauroit être que le résultat de la force des idées, & de la chaleur du sentiment. […] On a cru que des idées serrées, des phrases substantielles, des réticences factices rapprocheroient de ce Modele, & l’on n’a pas senti qu’en prenant un ton qui n’appartient véritablement qu’à lui, on tomboit dans la sécheresse, dans la froideur, dans l’obscurité. Pour paroître penser profondément, ce n’est pas assez de prétendre dire beaucoup de choses en peu de mots ; la briéveté de l’expression doit s’allier à la clarté des idées ; & c’est pour ne l’avoir pas fait, que plusieurs de nos Ecrivains célebres sont quelquefois si obscurs & si entortillés. D’ailleurs la perfection du discours exige de la liaison dans les idées, de la variété dans les tours, de l’harmonie dans le style ; & si on eût été convaincu de cette vérité, nous n’aurions pas tant de Penseurs, dont les plus longs Ouvrages peuvent se réduire en morceaux détachés, qu’il est facile de transposer à son gré, sans rien déranger de l’économie du discours, précisément parce qu’il n’y a aucune économie.

631. (1869) Philosophie de l’art en Grèce par H. Taine, leçons professées à l’école des beaux-arts

Ainsi se construit un moule d’esprit d’où toutes les idées sortiront plus tard avec relief. […] Leurs idées sont trop nettes et construites sur un module trop petit. […] Nos sciences les admettent aujourd’hui, et l’idée grecque de la destinée n’est rien déplus que notre idée moderne des lois. […] Outre les idées des Grecs, nous avons toutes celles qu’on a fabriquées depuis dix-huit cents ans. […] L’idée qu’ils éveillent est joyeuse dans Aristophane, sans être ordurière comme dans Rabelais.

632. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre III. L’Âge moderne (1801-1875) » pp. 388-524

Eux-mêmes ne se doutent guère de la combinaison qui s’en fera bientôt, dans quelques têtes philosophiques, avec les idées du saint-simonisme naissant. […] Telle est l’idée qui commence à s’insinuer dans les esprits, en attendant qu’elle s’en rende maîtresse. […] Vigny n’a pas laissé de plus beaux vers, qui lui ressemblent davantage, ni qui donnent de ce qu’il fut une plus noble idée. […] S’il est loisible au peintre ou au sculpteur de ne se soucier uniquement que de la réalisation du caractère ou de la beauté, ni l’auteur dramatique, ni le poète ne le peuvent, parce qu’ils se servent de mots, et que les mots expriment des idées, et que les idées se changent en mobiles ou en motifs d’action. […] Sur quelles idées fondamentales de droit et de justice a-t-il établi les rapports des hommes entre eux ? 

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