Quand la puissance humaine se manifeste si clairement en œuvres si grandes, rien d’étonnant si le modèle idéal change et si l’antique idée païenne reparaît. […] Toujours le modèle idéal exprime la situation réelle, et les créatures de l’imagination, comme les conceptions de l’esprit, ne font que manifester l’état de la société et le degré du bien-être ; il y a une correspondance fixe entre ce que l’homme admire et ce que l’homme est. […] Rien de forcé dans cet assemblage ; l’épopée idéale, comme un ciel supérieur, accueille et concilie les deux mondes ; un beau songe païen y continue un beau songe chevaleresque ; l’important, c’est qu’ils soient beaux l’un et l’autre. […] Si d’autres, de loin en loin, comme Sidney et Spenser, entrevoient ce Dieu, c’est comme une vague lumière idéale, sublime fantôme platonicien, qui ne ressemble en rien au Dieu personnel, rigide examinateur des moindres mouvements du cœur. […] Le sentiment de la puissance et de la prospérité humaine a fourni à la Renaissance son premier ressort, son modèle idéal, sa matière poétique, son caractère propre, et maintenant il lui fournit son expression définitive, sa doctrine scientifique et son objet final.
Cette critique idéale appartient au même domaine que la chemise de l’homme heureux. […] Et il va de soi que les deux qualités sont indispensables aux deux critiques, et qu’une critique idéale les réunirait également. […] Les générations littéraires sont obtenues par des abstractions de la critique, dont le métier est de construire des réalités idéales, pensantes, maniables. […] Mais cet idéal nous n’avons pas besoin de l’atteindre. […] Il y a critique lorsqu’à l’idéal construire et à l’idéal détruire, l’un et l’autre intéressés, se substitue une idée désintéressée : comprendre.
Or, ce qui, pour la philosophie, n’était qu’un idéal et un problème, la science l’a réalisé. […] Toutefois le principe cartésien ne fut jamais complètement abandonné : il demeura comme indiquant l’idéal de la science parfaite. […] Pour les anciens, l’idéal était la fixité, l’immutabilité. […] L’idéal de la classification est la réduction du divers à un seul principe. […] La division du travail est un moyen plus ou moins intelligemment imaginé pour réaliser cet idéal.
Stiévenard, Marthe (1852-1921) [Bibliographie] Idéal (1891).
Charles Fuster C’est toute la vie d’une âme, d’une âme de poète assoiffée d’idéal, débordant de tendresse ; — ce sont ses aspirations, ses rêves, ses douleurs.
On les élève à la hauteur d’un idéal inaccessible, et dans cette place même qu’on leur donne se cache une incrédulité secrète : ne croire à l’idéal que comme idéal, c’est être bien près de n’y plus croire. […] Rêver l’idéal pour échapper au réel, descendre dans le réel pour oublier l’idéal : il se pourrait que ce fussent, en effet, les seules alternatives auxquelles se résolve la sagesse humaine. […] Par une singulière contradiction, l’humanité, qui a perdu la foi de l’Évangile, conserve l’idéal qu’elle a reçu de lui. […] Au tarissement des intuitions créatrices, à l’incertitude de l’idéal à poursuivre, s’ajoute l’influence grandissante des littératures étrangères. […] La mesure des choses manque ; il n’y a plus d’idéal fixe, il n’y a plus de principes établis.
J’en salue, dans votre ouvrage, une réalisation faite pour me toucher et m’inspirer confiance dans mon idéal.
Théodore de Banville Plus que tous les récents recueils de poèmes, il (Le Livre d’un inconnu) paraît répondre au véritable idéal actuel, car le poète s’y montre réaliste dans le beau sens du mot, et il est facile de voir que toutes ses descriptions sont vues, que tous les sentiments qu’il exprime ont été éprouvés et non supposés.
De nos jours, au contraire, la force et la beauté du corps ne sont plus notre idéal. […] En somme l’idéal de l’industrie, étant l’économie de la force, est bien la vie ; car c’est dans la vie que la force est le plus épargnée, c’est là le foyer qui produit le plus en dépensant le moins ; or la vie est l’idéal même de l’art. […] On pourrait définir le vers idéal : la forme que tend à prendre toute pensée émue. […] C’est par ce côté que M. de Banville va relever son poète idéal et le grandir à nos yeux : la rime est le trépied d’Apollon. […] Les auteurs du dix-huitième siècle et du dix-septième avaient des vers lâches et traînants où ils délayaient leur pensée ; l’idéal nouveau est de la condenser dans la mesure où on le peut sans lui ôter rien de sa clarté, et tel est au fond l’idéal même de toute poésie.