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247. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

Elle me peint l’avenir de la France et de l’humanité en beau. […] Je tiens à conserver ma foi dans l’humanité. » Puis, à d’autres jours, la sociabilité dont il avait une si forte dose l’emportait sur son rassasiement des hommes ; il sentait le besoin du monde, des vieux amis ou même des jeunes visages nouveaux, et il se rapprochait, il revenait au gîte, à ce maudit Paris qu’on aime tant. […] Joseph Bernard, aux intérêts de l’humanité : c’est la politique des bonnes gens comme nous, et la seule vraie. » — « Quant à ma philosophie, disait-il encore à M. Pelouze (le père du chimiste), vous la connaissez : je ne suis resté indifférent à rien de ce qui a intéressé mon pays et l’humanité.

248. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre X. Les sociales »

Mais c’est pour quelque raison tout extérieure que Tailhade les abhorre : pour leur inélégance, pour leur « odeur d’humanité peu lavée » ou pour leur « pieds hydrophobes ». […] Il proclame prochaine l’époque où montera vers le soleil « avec les chœurs et les parfums de Cybèle rajeunie, la pieuse allégresse du banquet où l’Homme, à jamais débourbé des dogmes et des lois, communiera, dans une agape généreuse, avec l’humanité ». […] Il met en Riquet, le malicieux, toute l’humanité instinctive qu’il veut railler. […] Bergeret que je veux dire — un être où vit élémentaire quelque humanité, et c’est le petit chien Riquet.

249. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Frédéric le Grand littérateur. » pp. 185-205

Il se plaît à louer, à encourager en lui le défenseur de l’humanité, de la tolérance, celui qui défriche et repeuple la terre presque déserte de Ferney, comme lui-même il a peuplé les sables du Brandebourg ; en un mot, il reconnaît et il embrasse dans le grand poète pratique son collaborateur en œuvre sociale et en civilisation. […] Parlant de cet avenir de raison perfectionnée, dont il aperçoit à peine l’aurore, et dont, tout sceptique qu’il est, il ne désespère pas tout à fait pour l’avenir de l’humanité : « Tout dépend pour l’homme, dit-il, du temps où il vient au monde. […] Dès qu’il avait découvert leur côté faible, il les piquait sans pitié par ce défaut de la cuirasse ; il faisait d’eux ses plastrons, il s’exerçait à mépriser l’humanité en leur personne, et il s’acquit ainsi une réputation de méchant, quand ce n’était au fond qu’un terrible satirique de société. […] De telles lettres rachètent bien quelques brusqueries de ton qu’on trouverait tout à côté et qui rappellent par accès la présence du maître ; elles répondent à ceux qui, ne prenant Frédéric que par ses duretés et par ses épigrammes, lui refusent d’avoir ressenti jusqu’à la fin des sentiments d’affection, d’humanité et, j’ose dire, de bonté, de même qu’il avait ressenti de vives et vraies amitiés dans sa jeunesse.

250. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « II  L’esprit scientifique et la méthode de l’histoire littéraire »

Ils constituent, pour l’humanité civilisée, des possibilités permanentes d’excitation intellectuelle ou sentimentale. […] La science est humaine, mais comme elle tend à faire l’unité intellectuelle de l’humanité, la science aussi concourt à maintenir et à restaurer l’unité intellectuelle des nations. […] La critique, dogmatique, fantaisiste ou passionnée, divise ; l’histoire littéraire réunit, comme la science dont l’esprit s’inspire ; elle devient ainsi un moyen de rapprochement entre des compatriotes que tout le reste sépare et oppose, et c’est pourquoi j’oserais dire que nous ne travaillons pas seulement pour l’érudition, ni pour l’humanité ; nous travaillons pour nos patries.

251. (1904) La foi nouvelle du poète et sa doctrine. L’intégralisme (manifeste de la Revue bleue) pp. 83-87

C’est parfait, chanter la vie et l’humanité. […] Et lorsqu’à l’inscription du temple de Delphes : Connais-toi toi-même, nous ajoutions la formule de Térence : Homo sum, et nihil humani a me alienum puto  ; lorsque nous écrivions que nous voulions exprimer la vie humaine en fonction de l’humanité tout entière, et notre individualité en fonction de l’univers comme de l’inconnaissable, nous professions l’intégralisme le plus pur. […] Il ne s’accomplira rien dans l’humanité, rien de durable et rien de vaste, aucun grand mouvement social ne pourra se perpétrer au nom de la plus éclatante vérité, si ce n’est pas la Poésie qui promulgue celle-ci au fond des âmes !

252. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre IV : Règles relatives à la constitution des types sociaux »

Il n’y a de réel que l’humanité et c’est des attributs généraux de la nature humaine que découle toute l’évolution sociale. […] Mais on échappe à cette alternative une fois qu’on a reconnu qu’entre la multitude confuse des sociétés historiques et le concept unique, mais idéal, de l’humanité, il y a des intermédiaires : ce sont les espèces sociales. […] C’est qu’en effet, s’il n’existe qu’une seule espèce sociale, les sociétés particulières ne peuvent différer entre elles qu’en degrés, suivant qu’elles présentent plus ou moins complètement les traits constitutifs de cette espèce unique, suivant qu’elles expriment plus ou moins parfaitement l’humanité.

253. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « I » pp. 1-8

Lui qui, à chaque page, trouve les hommes actuels, la société actuelle, si stupides, si atroces, si infâmes, si abrutis (telles sont ses aménités), comment peut-il s’imaginer qu’à l’instant, rien qu’en détruisant un gouvernement, on va avoir une humanité douce, bénigne, éclairée, vertueuse et sage ? […] Mais un bon Génie, un Amschaspand, aurait de quoi répondre : « A travers ce manque de goût et ces torrents d’invectives, il y a des restes de candeur, une sincérité incontestable bien que si muable en sa rapidité ; l’amour de l’humanité, de ce que l’auteur croit tel, y compense à ses yeux la haine pour quelques individus ; la fibre humaine vibre en certains endroits sous une touche dont très-peu sont capables.

254. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Laurent (de l’Ardèche) : Réputation de l’histoire de France de l’abbé de Montgaillard  »

Il serait bien plutôt tenté de les considérer comme un poste de transition et de reconnaissance placé à la limite de deux âges, ou encore comme ces fanaux semés sur les hauts lieux, qui servent à lier, à travers les siècles, les divers temps de cette grande expérience incessamment accomplie par l’humanité. […] Nous attendrons, pour nous prononcer sur ce point et sur plusieurs autres, que l’auteur ait donné une histoire du Comité de salut public, qu’il prépare en ce moment, et dans laquelle sera résumée toute la Révolution, comme dans la Révolution est résumée toute l’histoire de l’humanité.

255. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre V. Résumé. »

À leur tête, le roi, qui a fait la France en se dévouant à elle comme à sa chose propre, finit par user d’elle comme de sa chose propre ; l’argent public est son argent de poche, et des passions, des vanités, des faiblesses personnelles, des habitudes de luxe, des préoccupations de famille, des intrigues de maîtresse, des caprices d’épouse gouvernent un État de vingt-six millions d’hommes avec un arbitraire, une incurie, une prodigalité, une maladresse, un manque de suite qu’on excuserait à peine dans la conduite d’un domaine privé  Roi et privilégiés, ils n’excellent qu’en un point, le savoir-vivre, le bon goût, le bon ton, le talent de représenter et de recevoir, le don de causer avec grâce, finesse et gaieté, l’art de transformer la vie en une fête ingénieuse et brillante, comme si le monde était un salon d’oisifs délicats où il suffit d’être spirituel et aimable, tandis qu’il est un cirque où il faut être fort pour combattre, et un laboratoire où il faut travailler pour être utile  Par cette habitude, cette perfection et cet ascendant de la conversation polie, ils ont imprimé à l’esprit français la forme classique, qui, combinée avec le nouvel acquis scientifique, produit la philosophie du dix-huitième siècle, le discrédit de la tradition, la prétention de refondre toutes les institutions humaines d’après la raison seule, l’application des méthodes mathématiques à la politique et à la morale, le catéchisme des droits de l’homme, et tous les dogmes anarchiques et despotiques du Contrat social  Une fois que la chimère est née, ils la recueillent chez eux comme un passe-temps de salon ; ils jouent avec le monstre tout petit, encore innocent, enrubanné comme un mouton d’églogue ; ils n’imaginent pas qu’il puisse jamais devenir une bête enragée et formidable ; ils le nourrissent, ils le flattent, puis, de leur hôtel, ils le laissent descendre dans la rue  Là, chez une bourgeoisie que le gouvernement indispose en compromettant sa fortune, que les privilèges heurtent en comprimant ses ambitions, que l’inégalité blesse en froissant son amour-propre, la théorie révolutionnaire prend des accroissements rapides, une âpreté soudaine, et, au bout de quelques années, se trouve la maîtresse incontestée de l’opinion  À ce moment et sur son appel, surgit un autre colosse, un monstre aux millions de têtes, une brute effarouchée et aveugle, tout un peuple pressuré, exaspéré et subitement déchaîné contre le gouvernement dont les exactions le dépouillent, contre les privilégiés dont les droits l’affament, sans que, dans ces campagnes désertées par leurs patrons naturels, il se rencontre une autorité survivante, sans que, dans ces provinces pliées à la centralisation mécanique, il reste un groupe indépendant, sans que, dans cette société désagrégée par le despotisme, il puisse se former des centres d’initiative et de résistance, sans que, dans cette haute classe désarmée par son humanité même, il se trouve un politique exempt d’illusion et capable d’action, sans que tant de bonnes volontés et de belles intelligences puissent se défendre contre les deux ennemis de toute liberté et de tout ordre, contre la contagion du rêve démocratique qui trouble les meilleures têtes et contre les irruptions de la brutalité populacière qui pervertit les meilleures lois. […] « C’est précisément ce que je vous dis : c’est au nom de la philosophie, de l’humanité, de la liberté, c’est sous le règne de la raison qu’il vous arrivera de finir ainsi ; et ce sera bien le règne de la raison, car elle aura des temples, et même il n’y aura plus dans toute la France, en ce temps-là, que des temples de la raison… Vous, monsieur de Chamfort, vous vous couperez les veines de vingt-deux coups de rasoir, et pourtant vous n’en mourrez que quelques mois après.

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