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381. (1892) Portraits d’écrivains. Première série pp. -328

L’effronterie est un grand remède aux maladies de l’honneur. […] Il ne s’agit d’ailleurs pas des scrupules du vieil honneur, les questions de « probité » ayant remplacé l’antique débat sur le point d’honneur dans une société où tout revient à la question d’argent. […] Mais l’honneur est-il un principe suffisant et qui puisse tenir lieu de tous les autres ? […] Zola, et qu’on a maintes fois signalé à son honneur : c’est la prédominance de la volonté. […] Honneur d’artiste, p. 298, 336.

382. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome II pp. 5-461

Cette seule pièce, déposant contre les mœurs grecques, atteste en notre honneur la différence des Athéniennes et des Françaises. […] Ces gens qui se battaient, était-ce par vengeance, par jalousie, par point d’honneur ? […] L’ivrogne égaré ne laisse-t-il pas à l’abandon sa femme ou sa maîtresse ; et ne rentrera-t-il pas à contretemps chez elles, ou trop tard pour son honneur ? […] une leçon à quiconque sacrifie son repos domestique aux empressements de la brigue, et l’honneur de sa femme et le sien à la vanité de cumuler les places. […] L’avarice ôte l’honneur et la probité ; Harpagon prête ignominieusement à usure.

383. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — II. (Fin.) » pp. 62-79

Ici cette exécution que fit Madame lui apparaissait sous la forme rigoureuse d’un devoir d’honneur. […] Elle eut du regret d’être obligée de renvoyer ses filles d’honneur, dont la jeunesse et la gaieté la divertissaient ; elle se donna un dédommagement selon son cœur en prenant près d’elle et en s’attachant sans titre officiel deux amies, la maréchale de Clérambault et la comtesse de Beuvron, toutes deux veuves, que Monsieur avait éloignées avec aversion de la cour du Palais-Royal, et auxquelles Madame était restée fidèle dans l’absence ; c’étaient ces amies de Paris à qui elle écrivait continuellement. […] Je ne crois pas qu’il y ait dans Paris, tant parmi les ecclésiastiques que parmi les gens du monde, cent personnes qui aient la véritable foi chrétienne, et même qui croient en notre Sauveur ; cela me fait frémir. » Le peuple de Paris sentait dans Madame une princesse d’honneur, de probité, incapable d’un mauvais conseil et d’une influence intéressée ; aussi elle était en grande faveur auprès des Parisiens, et plus même qu’elle ne le méritait, disait-elle, se mêlant aussi peu des affaires. […] Telle qu’elle est, avec toutes ses crudités et ses contradictions sur ce fonds de vertu et d’honneur, Madame est un utile, un précieux et incomparable témoin de mœurs.

384. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Chateaubriand. Anniversaire du Génie du christianisme. » pp. 74-90

La critique n’est pas souvent appelée à l’honneur insigne de faire l’office d’introducteur en de semblables fêtes. […] Je vais donc simplement aujourd’hui payer envers Chateaubriand ma dette et célébrer l’anniversaire du Génie du christianisme, en traitant une question assez délicate, sur laquelle j’ai recueilli des notions précises, mais dont la solution sera tout à l’honneur du poète : sans cela, on peut le croire, je n’eusse point choisi un tel jour pour en venir parler. […] Oui, tout est chance, hasard, fatalité dans ce monde, la réputation, l’honneur, la richesse, la vertu même… » Et cette note, qui peut tenir lieu des trois ou quatre autres qui sont aussi expressives et aussi formelles sur le même sujet, finit en ces mots sinistres : « Il y a peut-être un Dieu, mais c’est le Dieu d’Épicure ; il est trop grand, trop heureux pour s’occuper de nos affaires, et nous sommes laissés sur ce globe à nous dévorer les uns les autres. » Ainsi donc voilà où en était Chateaubriand à la veille du moment où il fut vivement frappé et touché, et où il conçut l’idée du Génie du christianisme. […] Oui, tout est chance, hasard, fatalité dans ce monde, la réputation, l’honneur, la richesse, la vertu même : et comment croire qu’un Dieu intelligent nous conduit ?

385. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — II. (Fin.) » pp. 198-216

À l’honneur et non à la honte du temps, le goût et le sentiment public se rendirent compte de la différence. […] Prenons maintenant tout autre sermon prêché depuis à la Cour, celui Sur l’ambition (1666), Sur l’honneur (1666), Sur l’amour des plaisirs (1662), des beautés du même ordre éclatent partout. Sur l’ambition et sur l’honneur, il dit en face de Louis XIV tout ce qui pouvait prévenir l’idolâtrie future et prochaine dont il fut l’objet, si elle avait pu être combattue. […] Pour qu’il ne soit pas dit que je ne cherche chez lui que les leçons aux grands et aux puissants, dans ce même Sermon sur l’honneur, où il énumère et poursuit les différentes sortes de vanités, il n’oublie pas les hommes de lettres, les poètes, ceux aussi qui, à leur manière, se disputent le renom et l’empire : Ceux-là pensent être les plus raisonnables qui sont vains des dons de l’intelligence, les savants, les gens de littérature, les beaux esprits.

386. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Sénecé ou un poète agréable. » pp. 280-297

Voilà des honneurs, et Sénecé n’en est pas indigne. […] En redevenant ainsi poète mâconnais, il ne se doutait pas qu’il travaillait peut-être plus sûrement pour sa mémoire que s’il fût resté poète à Versailles, comme perdu et noyé parmi tous ces demi-dieux et ces naïades ; car en étant d’un lieu et d’une cité particulière, et en y laissant sa tradition, il a trouvé, après plus d’un siècle, des investigateurs curieux et presque des fidèles pour en recueillir le souvenir, et il a eu cet honneur que M. de Lamartine, tout jeune, entendant réciter de ses vers marotiques a fait un dizain à sa louange et un peu à son imitation. […] Virgile remercie modestement de l’honneur qu’on lui fait, et expose son plan et la marche qu’il faut suivre pour arriver au susdit Bon Goût ; il donne à l’avance la carte du pays environnant, en homme qui l’a beaucoup pratiqué : La principale difficulté, dit Virgile, est de sortir de ce labyrinthe que nous avons devant les yeux ; mais j’espère y réussir. […] Maynard, après avoir épuisé le récit des infortunes d’Apollon et de ses exils terrestres, le montre rétabli dans sa gloire, mais jusque dans l’Olympe ayant à lutter toujours et à travailler, trouvant « avec l’honneur la fatigue mêlée » ; et il en tire une morale poétique qui semble d’abord toute dans le sens de Despréaux : Ne te rebute point ; change, corrige, efface.

387. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Des prochaines élections de l’Académie. »

L’Académie française, où il n’y a pas de sections, bien que l’on pût à la rigueur en concevoir (sections de langue et de grammaire, de poésie dramatique, de poésie lyrique, d’histoire, d’éloquence proprement dite, de roman, de critique littéraire, j’y reviendrai tout à l’heure), l’Académie française, loin de voir un inconvénient dans le hasard et la mêlée des candidatures, tient à honneur d’être affranchie de tout examen préalable et de tout ordre prévu et réglé en matière d’élection ; elle estime que les qualités générales qui constituent le littérateur distingué, en quelque genre que ce soit, et l’homme de goût, sont suffisamment appréciées et senties par chacun de ses membres, et que prétendre faire plus, vouloir tracer des divisions et des compartiments, ce serait apporter en cette matière délicate une rigueur dont elle n’est point susceptible, et qui en froisserait et en fausserait la finesse. […] On n’a plus, j’imagine, la peau si irritable qu’autrefois : on supporte même la critique littéraire exercée publiquement par des confrères ; j’en suis la preuve vivante, et (sauf un seul cas, que je regrette) je puis certifier, à l’honneur de ceux qu’il m’est arrivé de toucher et même de combattre, que les bons rapports académiques n’en sont pas altérés. […] Léon Halévy a le même honneur et fait preuve du même dévouement ; il embrasse dans ses traductions élégantes, harmonieuses, les plus belles pièces du Théâtre grec, et il ne manque à son succès que la consécration d’une soirée et cette représentation émue qui refait d’une traduction même une œuvre actuelle, et qui lui confère le baptême de vie. […] Voilà les honneurs et les distinctions réservés aux vrais immortels.

388. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Journal de la santé du roi Louis XIV »

Imaginez-vous Antonius Musa, ce médecin d’Auguste, qui le sauva en une maladie grave et qui obtint les honneurs d’une statue, nous ayant transmis les observations les plus précises, les plus intimes, sur les misères de santé que ne cessa d’éprouver dans sa longue vie ce grand empereur valétudinaire ! […] Je l’ai entendu de mes oreilles : tant ce ministre, d’ailleurs excellent homme, mais archi-monarchique d’esprit et d’affiche, tenait mordicus pour ce qu’il croyait de l’honneur de Louis XV ! […]  » Je dois dire qu’il n’est nullement question, dans sa Relation si développée, du médecin d’Abbeville, Da Saussoi, dont parle le président Hénault et à qui l’on voulut faire honneur du traitement qui sauva le roi. […] Ceux qui, il y a cinquante ans, avaient l’honneur de visiter le matin le prince Cambacérès et de l’entendre sur le chapitre de sa santé, n’étaient pas plus au fait de toutes les conséquences laborieuses de ses digestions, que nous ne le sommes aujourd’hui des suites des copieux soupers de Louis XIV.

389. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Œuvres de M. P. Lebrun, de l’Académie française. »

Lebrun publiait les deux premiers volumes de ses Œuvres, contenant ses tragédies et pièces de théâtre : Ulysse, Marie Stuart, et ce Cid d’Andalousie dont l’insuccès même fut un honneur ; son poème de la Grèce, et aussi cet autre poème lyrique sur la Mort de Napoléon. […] Napoléon, qui connaissait ses soldats en tout genre et qui avait retenu le nom du nouveau Lebrun depuis la lecture de Schœnbrunn, disait un jour à Mme de Bressieux, dame d’honneur de Madame Mère et protectrice aimable du poète à la Cour : « Ce jeune homme a de la verve, mais on dit qu’il s’endort. » M.  […] Ce qu’on doit dire à l’honneur de ces poésies anciennes nouvellement publiées, c’est qu’elles ne paraissent nullement surannées ni hors de saison ; elles ont gardé de la fraîcheur encore, parce que le sentiment en fut vrai et sincère. […] Lorsqu’on remonte au jour, du Paris souterrain, Gloire, richesse, honneurs, que suit la foule avide.

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