/ 1834
1725. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

Au reste, ce chapitre sur la tragédie historique de M.  […] Certes le public anglais est trop versé dans les choses historiques et trop habitué à respecter la véritable grandeur, pour ne pas prendre en main la défense d’un roi pareil et d’une pareille époque.

1726. (1898) Impressions de théâtre. Dixième série

Catulle Mendès, que Photine a laissé au fond de la cruche « l’orgueil cruel d’être une embûche vivante et rose. » Lorsque Photine lui dit que, tout le temps qu’il parlera, « il sentira sous ses pieds des cheveux de femmes », il faut croire que l’image lui agrée : car bientôt, — tandis que les jolies comédiennes de la Renaissance sont toutes couchées autour de lui en des poses voluptueuses, — après avoir dit, du ton d’un héros de drame historique : Lorsqu’on évoquera ma figure lointaine, Toujours la Madeleine ou la Samaritaine, La femme de Sichem ou bien de Magdala, Toujours une de vous, près de moi, sera là ; (ce qui rappelle la dernière phrase d’Adrienne Lecouvreur : « Et la postérité, charmée par nos amours, ne séparera plus dans sa mémoire Maurice et Adrienne », ou quelque chose d’approchant), il se ressouvient tout à coup des cheveux et ajoute ces vers « troublants » : Et ce sera ta gloire encor que l’on confonde Parfois ta tresse rousse avec sa tresse blonde. […] Et je ne demanderai pas non plus à l’Hôtel du Libre-Échange la vraisemblance des faits, ni une exacte vérité morale. — Mais la tolérance que j’accorde sans peine au vaudeville et au mélodrame populaire, il faut bien que je la refuse à la comédie de mœurs ou d’analyse, au drame historique et à la tragédie, c’est-à-dire aux genres dont le principal objet avoué est justement la peinture des sentiments et des passions, peinture dont la vérité a pour corollaire un certain degré de vraisemblance dans les événements. […] Répondant à ceux qui le traitaient de « libelliste » et d’« homme de parti » : « Tous les honnêtes gens, écrit Geoffroy savent bien qu’un bon critique est toujours, pour les mauvais auteurs, un libelliste ; qu’un écrivain courageux, attaché aux vrais principes, est toujours, aux yeux des brouillons, un homme de parti ; comme si l’on pouvait appeler un parti le bon goût, la saine morale, et les bases éternelles de l’ordre social. » En outre, le souci des rapports de la littérature avec les mœurs conduit Geoffroy à étudier surtout, dans les pièces soumises à son jugement, ce qu’elles contiennent de vraiment intéressant, de sérieux, d’humain : caractères, passions, esprit ou tendances philosophiques, et à considérer les œuvres par l’intérieur : en sorte que sa critique est rarement insignifiante. — Enfin, les relations des mœurs avec la littérature à travers les siècles enveloppant les rapports des diverses formes littéraires avec les sociétés qui les ont produites et goûtées, la théorie favorite de Geoffroy insinue en lui, peu à peu, des commencements d’intelligence historique, ce que M.  […] Il dit que le dénouement de cette tragédie laisse au cœur « une tristesse profonde et délicieuse. » Il s’est aperçu avant nous des audaces et des violences de Racine, — et même de sa « couleur locale. » — « Tous les héros de Corneille sont des Français sous le rapport de la galanterie… Quant à ses héroïnes, il serait difficile de décider quel est leur pays : la plupart ne sont pas même des femmes… On remarque dans Racine un plus grand nombre de ces caractères francs, conformes à toutes les notions historiques : Néron est frappant de ressemblance ; Acomat est un vrai Turc… Nous voyons dans Monime une véritable Grecque, dans Roxane une femme du sérail… Dans ces rôles admirables rien n’est donné au théâtre, à la mode, aux préjugés nationaux ; tout est sacrifié à la vérité. » — Et, par-dessus le marché, ce n’est pas Nisard, c’est Geoffroy qui s’est avisé, à tort ou à raison, de la « coquetterie décente et noble d’Andromaque », qu’il appelle la « coquetterie de la vertu. » Et quelle est, sur Molière, notre plus récente pensée, celle qui a été exprimée, ces années-ci, avec le plus de force et d’éclat par un des maîtres de la critique ? […] Elle appartient au même genre que les drames historiques de Shakspeare ou que les Enfances du Cid (dont le Cid de Corneille n’est qu’un épisode), ou que le Napoléon de Dumas et la plupart de nos Jeanne d’Arc.

1727. (1901) L’imagination de l’artiste pp. 1-286

Faut-il continuer cette sorte de démonstration sur les tableaux qui représentent quelque scène historique ? […] Quels que soient les documents consultés par l’artiste, textes historiques, gravures, collections, bibelots, étoffes drapées sur le mannequin, études d’après le modèle vivant, il faut qu’il ait tiré de lui-même la conception première du tableau, la disposition générale des personnages, leurs attitudes et leurs jeux de physionomie. […] Un personnage historique, une ville, un peuple sera figuré par ses armoiries, Louis XII sera représenté par son porc-épic, Anne de Bretagne par son hermine, François Ier par sa salamandre, Louis XIV par son soleil, Napoléon par son aigle, Venise par son lion ailé, l’Angleterre par son léopard. […] Met-il en scène des personnages historiques ou légendaires ?

1728. (1895) Impressions de théâtre. Huitième série

Mais, en outre, les don Japhet d’Arménie, les Artaban et autres spaccamonte qui ont abondé chez nous dans la première moitié du dix septième siècle, ont une signification et un intérêt historiques. […] Mais le socialisme d’à présent est malheureusement fort impie, pour des raisons historiques que je n’ai pas besoin de vous remémorer ; et qui lui parle de Dieu lui fait toujours l’effet d’un calotin… Et l’on chante la Chanson du Linceul. […] Un vaudeville historique, — ou anecdotique, — à cinquante personnages, — ou figurants, — pittoresque, papillotant et somptueux. […] Toutefois, il eût peut-être été bon, pour que la manie de nos entêtés de noblesse apparût dans tout son jour, de nous la montrer s’épanouissant en pleine démocratie, et de noter ce que le moment historique ajoute de violemment plaisant à leur pitoyable vanité… On pourrait même nous présenter quelque bourgeois, démocrate et « fils de la Révolution », dans sa vie publique ’et dans ses discours de forum — et joignant à son nom patronymique le nom de quelque bicoque, ou s’attribuant le titre de quelque grand’tante de sa femme, ou malade du désir de se muer en baron, fût-ce de la principauté de Gérolstein, ou en comte, fût-ce du Pape ; et conciliant tout cela par un miracle soit d’inconscience, soit d’hypocrisie, qui s’est déjà vu, je vous assure.

1729. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome II

L’auteur du Misanthrope risqua le premier modèle d’une, comédie qui se soutient uniquement par la peinture des mœurs, sans le secours qui résulte de l’intérêt de l’intrigue : l’auteur de Britannicus, non moins courageux, hasarda le premier exemple d’une tragédie uniquement fondée sur le jeu des passions et le développement du cœur, sans cet attirail de situations extraordinaires et de pompeuses déclamations si propres à éblouir la multitude : aux magnifiques romans, en possession de plaire sur la scène, il substitua la simplicité et la vérité historique. […] Ce genre de tragédie historique me paraît cependant celui qui mérite le plus d’être cultivé, aujourd’hui surtout, où l’on doit être blasé sur les fictions romanesques, sur les fureurs extravagantes et les frénésies amoureuses : il faut accoutumer le public à des drames solides et nerveux qui éclairent l’esprit, nourrissent et fortifient l’âme ; et n’inspirent que de nobles passions. […] V 10 août 1813 Mithridate est de la haute tragédie ; c’est une tragédie de caractère, c’est-à-dire que le caractère principal est la cause et le mobile de tous les incidents ; c’est une tragédie historique qui unit à l’agrément et à l’intérêt de la fiction tous les avantages de l’instruction et tout le charme de la vérité : c’est le genre qui plaît le plus aux bons esprits, aux esprits justes et droits, ennemis du faux et des inventions romanesques. […] Voltaire, abusé par ses secrétaires et ses copistes, a mêlé à des réflexions saines d’étranges bévues, et tout l’historique de ce plagiat n’est qu’un tissu d’erreurs répétées depuis par une foule d’échos.

1730. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome III

On y retrouve toujours ce défaut essentiel de Voltaire qui parle par la bouche de tous ses personnages : Mahomet, dans cette fameuse scène, est aussi savant, que Voltaire en géographie, en histoire, en théologie ; il parle d’Osiris, de Zoroastre, de Minos, de Numa, de Constantin : il nomme les divers pays, les différents peuples du monde ; il les cite à Zopire qui ne les connaissait pas beaucoup plus que lui ; il met dans la bouche d’un vil conducteur de chameaux un précis historique à la manière de Bossuet, tandis qu’il est prouvé que les Arabes languissaient, à cette époque, dans une profonde ignorance et dans une honteuse superstition beaucoup plus grossière que celle que Mahomet a mise à la place. […] Il sera peut-être intéressant pour les lecteurs de trouver ici quelques détails historiques et quelques réflexions impartiales au sujet de cette grande bataille livrée en 1760, sur le théâtre de Paris, entre les factieux avides de nouveautés et les défenseurs des anciennes lois du royaume : ceux-ci engagèrent l’action.

1731. (1888) Études sur le XIXe siècle

L’art consiste, au contraire, à se pénétrer du sens des mots, des situations ou des actions exprimées, et ensuite, par une inspiration intérieure, à trouver une expression pleine d’âme et à la développer musicalement. » L’étude du développement historique de l’art musical nous conduit au même résultat : au début, la musique, enfermée dans des moules presque hiératiques, ne semble pas avoir d’autre fin que de produire des successions de sons agréables combinés selon de savantes formules ; puis elle devient expressive, elle s’applique à rendre des sensations, elle éprouve le besoin de les préciser de plus en plus. […] C’est par l’intelligence de cette double nécessité que Wagner a été amené, depuis Rienzi, à puiser tous ses sujets dans le mythe : « Tout le détail nécessaire pour décrire et représenter le fait historique et ses accidents, dit-il dans le précieux document que j’ai déjà cité plusieurs fois, tout le détail qu’exige, pour être parfaitement comprise, une époque spéciale et reculée de l’histoire, et que les auteurs contemporains de drames et de romans historiques déduisent par cette raison d’une manière si circonstanciée, je pouvais le laisser de côté.

1732. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « LEOPARDI. » pp. 363-422

Car qu’on ne croie pas que Leopardi était tout entier dans les énergiques et farouches accents dont nous avons déjà cité maint exemple, et dont la paraphrase qu’il donne des paroles de Brutus est chez lui l’expression la plus superbe148 : on a là le côté, pour ainsi dire, historique de son talent ; c’est comme la ruine romaine dans le grand paysage ; mais souvent il s’y promène seul, rêveur, et animé d’une mélancolie personnelle, toujours profonde et à la fois aimable.

1733. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

Et quand ses personnages ne sont pas des princes, quand ils appartiennent à des époques historiques, Shakespeare les place alors dans ces temps de guerre civile où, les liens de l’ordre social étant brisés et les lois sans force, la grandeur individuelle avait un libre jeu233.

/ 1834